Oui, Gotlib, c’était une plume. Et pas seulement Sergent Major. En cela, il surpasse son modèle René Goscinny. Goscinny écrivait bien, ses scénarios tenaient de la potion magique ; il s’est avéré un éditeur exceptionnel, grand accoucheur de talents, mais il dessinait mal.
Gotlib dessinait, écrivait ses scénarios avec un talent éblouissant ; il a créé lui aussi sa propre maison d’édition, Audie, et son propre journal, Fluide Glacial, qui survit jusqu’à aujourd’hui, alors que celui de son mentor a défuncté depuis longtemps. Gotlib, lui,, en plus, savait dessiner, lettrer, mettre en page, avec abnégation et générosité.
On le voit dans ses premiers éditos. Ce n’est pas seulement une fête du verbe, une "attitude", mais aussi un feu d’artifice graphique où la lettre et les culs de lampe, que Gotlib trace avec une sûreté de maître, magnifient les mots.
Chez Gotlib, l’édito est un exercice de style quasiment oulipien. D’une anecdote, il extrapole, raconte, bavarde, divague… Mais ce n’importe quoi est de l’art. Il offre un portrait formidable de l’Homo Dessinus des années 1970-1980 : un « soixante-huitard » rigolard en acte, avide de liberté, de curiosité, de créativité...
Les éditos de Gotlib pour Fluide Glacial racontent 25 ans d’une époque à nulle autre pareille, que l’on regrette bien évidemment. Des éditos en textes, en images et même en bandes dessinées ! À côté d’un tel feu d’artifice, le Bloc-Notes de François Mauriac (j’ai été en relire quelques-uns, tiens...), relève de l’austère pipi de chat.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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