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YVES FREMION : Au Quai Boumeurre (épisode 13) : Las Aventuras Estupidas de Fremion El Rigolo

Par Yves FREMION le 11 février 2023                      Lien  
Au quai Boumeurre - Où je demeure - Mes souvenirs s’y pressent - Comme pécheresse - À confesse - Ou à la messe.
Bon, je sais. Mais vous allez m’excuser de toujours parler de moi. La raison en est simple : si je devais compter sur vous pour le faire, je serais resté un parfait inconnu et on ne m’aurait jamais demandé de raconter ici mes souvenirs. Ce sont les miens, pas les vôtres.
Quoi qu’il en soit, mon fanzine, le premier « quotidien paressant irrégulièrement tous les trimestres bissextiles », fut un jour, je l’ai raconté, édité par les éditions du Fromage, donc L’Echo des savanes initial, celui du trio Bretécher-Gotlib-Mandryka. Une initiative de Gotlib qui adorait les calembours (si détestés des dessinateurs et des grands humoristes) et mon zine en était bourré. Plus ils étaient capillotractés, mieux c’était. Du coup, le trio génial se mit à dessiner dans le PMQNAPPDG

Mandryka me livra alors une incroyable demi-planche (que je publiais à l’italienne pleine page) des ‘’Aventures passionnantes de Frémion’’ où il décrivait notre rencontre (fantasmée !) avec bagarre pour savoir qui serait le directeur du PMQNAPPDG.

Bien entendu c’était le racheteur : lui. Sauf qu’il n’y eut pas de rachat puisqu’aucune affaire d’argent ne fut jamais évoquée entre nous, il s’agissait d’un fanzine. Nikita affichait dans cette planche un cynisme dont il était incapable dans la vie, et où il se comportait comme un vrai patron de presse. Et je repartais en gueulant devant cette injustice. C’était dans le n° 6 (janvier 1974).

YVES FREMION : Au Quai Boumeurre (épisode 13) : Las Aventuras Estupidas de Fremion El Rigolo
Mandryka

Lisant cela, Claire Bretécher eut immédiatement envie de faire l’épisode suivant (n° 7, avril 1974), qu’elle baptisa ‘’Las aventuras estupidas de Frémion el Rigolo’’ – titre que j’adoptais aussi sec comme titre générique de la BD à suivre. Connaissant alors ma mégalomanie galopante et ma situation familiale, elle me décrivit dans une scène avec eux trois. Je me congratulais moi-même (exactement comme ici !) devant mes atroces calembours qui me faisaient hurler de rire (car je suis pour moi-même un TRES BON public). Mais qui faisaient un grand flop devant le trio dirigeant. Je rentrais alors consterné chez moi, où je sortais une vanne nulle devant mon épouse de l’époque (Christine Poutout), alors enceinte de notre fille. Christine restait impassible en continuant à tricoter mais, dans son ventre, ma fille applaudissait déjà. Merci ma puce.

Bretécher

Dans le n° 8 (été 1974), c’est Patrice Leconte, pas encore avalé par le cinéma, qui poursuivit avec ‘’Citizen Frémion, le magnat de la presse’’, où j’appelais Marcel Dassault pour lui racheter Jours de France. Son refus provoquait ma mort par crise cardiaque dans une parodie de ‘’Citizen Kane’’ comme annoncé par le titre.

Après le split des trois créateurs de L’Echo, ce furent les éditions Nialley (non, le calembour n’est pas de moi, hélas) qui éditaient déjà Mormoil, qui prirent le relais de l’édition du PMQNAPPDG. C’est Moebius qui se colla à la suite ( n° 9, janvier 1975) avec ‘’Frémion l’increvable’’, installant la science-fiction dans l’histoire avec deux extra-terrestres débarquant dans un mausolée où reposait mon corps. Testant la réalité de ma mort avec une aiguille, ils provoquaient une explosion de ce qui se révélait être un faux cadavre de Frémion. Ils repartaient, laissant entendre que le vrai était ailleurs.

Ce fut ensuite le tour de Georges Lacroix, auteur de sublimes illustrations et lié à L’Echo, sous le titre ‘’Les aventudas estupiras de Fregolo el Rimion’’. Dans ce n° 10 (avril 1975), je réapparaissais errant dans un œuf cosmique avant de renaître, puis de me faire écrabouiller par un « dhârgô », monolithe qui me laissait dans un sale état. Innovation, l’apparition de la couleur dans la série, avec un jaune discret.

Gotlib se décida le dernier des trois, mais pour une planche mémorable (n° 11, été 1975) : ‘’Das Abenteüren der herr Frémion ge-rigolen zi gütt’’ rédigée entièrement en faux-allemand de pacotille, où le baron Frankenstein venait récupérer les débris de mon corps écrabouillé à l’épisode précédent et le reconstituait dans son labo (en faisant redresser mon nez de travers par son assistant). Réapparaissant flamboyant et reconstitué, devant Frankenstein, ce dernier devait cependant engueuler l’assistant handicapé qui avait inversé ledit nez avec le pénis (un membre manifestement flatté). Gotlib n’utilisa pas la couleur, où il était mal à l’aise.

Gotlib

Le n° 12 (septembre 1976), le premier édité par les Humanos après la faillite de Mormoil, offrit d’un coup deux épisodes, avec pour couleur d’appoint le rouge. Le 7° chapitre était par Lucques sous le titre ‘’Las aventuras estupidasses de Frémion el Rigolo, danseur mondain’’. On m’y voit errer et me cacher dans une statue creuse, qui alors s’anime et vaque à son tour.

Tardi lui succédait et rédigea le 8e épisode entièrement en russe. Mais du vrai russe, traduit par Anne Delobel, grande coloriste et alors compagne de Tardi (et qui par la suite devait longtemps maquetter mon Papiers Nickelés). Le personnage de la statue, animé par un moi invisible, se retrouvait dans un labo (celui du Frankenstein peut-être) et y absorbait une potion à bulles. Une explosion provoquait alors sa transformation en… moi-même, qui en fin d’histoire recevait à la porte un Mickey de dos (en réalité Minnie).

Tardi

C’est F’Murrr qui devait continuer dans le 13 (mars 1977) avec ‘’Les aventureus miteuseux de Friémõnio el Pinocchio’’, coloré en vert. Minnie m’y prenait par la main et nous nous envolions vers le Paradis où, par l’intermédiaire d’un ange à nez de clown, Dieu en personne m’accueillait assis sur son trône. La porte d’accès s’ouvrait en tournant le nez d’une serrure à mon effigie. Aux côtés de Dieu, lui aussi à mon effigie, Donald me dénonçait.

F’Murrr

Le n° 14 (février 1978) se voulait le dernier (en fait il y en eut un quinzième en janvier 1981). Le PMQNAPPDG se sabordait délibérément. L’ami Volny, fidèle des fidèles du canard, fut chargé de trouver en une planche la fin de l’histoire, colorée en violet. Dieu, toujours ressemblant à sa créature, engueulait Frémion (son double, donc) de vouloir devenir maître du monde. Après une interruption de Donald obligé de se taper le résumé des épisodes précédents, Dieu me condamnait à avoir les oreilles miquesques tranchées, ce à quoi Donald procédait. Lesdites oreilles, errant dans le cosmos, étaient récupérées par les extra-terrestres ravis, car elles valaient une fortune. On me voyait enfin dans le désert avec une ombrelle et une valise de cravates, me jurant de retrouver un jour mes super-pouvoirs et de devenir enfin maître du monde. Le mot « Fin » était néanmoins suivi d’un ?.

En 1997, « cédant à la pression amicale de mes amis » comme on dit en politique, je décidai d’éditer en un volume broché la saga intégrale, sous le titre bretéchérien, dans ma petite maison édition associative les Ateliers du Tayrac. Ce petit volume de la collection ‘’Crayons de soleil’’ était complété par le recueil de mes ‘’Cartes de visite’’ fantaisistes et agrémenté de quelques caricatures (Catherine Beaunez, Pascal Gros, Jacques Jullien – ce dernier ayant rédigé une des préfaces). Ouvrage tiré à peu d’exemplaires, introuvable, sauf en cas de décès d’un collectionneur dont les héritiers se débarrassent de la bibli qui encombre. Il vaut une fortune. Bonne chance, amis collectionneurs de collector’s !

(par Yves FREMION)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

✏️ Marcel Gotlib ✏️ Claire Bretécher ✏️ Mandryka ✏️ Volny ✏️ Patrice Leconte ✏️ Moebius ✏️ Georges Lacroix ✏️ Jacques Tardi ✏️ Lucques
 
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3 Messages :
  • Le lien Cultura ne fonctionne pas, ils ne proposent pas le livre.
    Avant les Ateliers il me semble qu’Artefact avait déjà réimprimé cette petite revue en recueil.

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    • Répondu par Evariste BLANCHET le 12 février 2023 à  11:32 :

      L’édition à laquelle vous faites référence date de 1976 et ne contenait que les 8 premiers numéros, complétés par quelques pages inédites (sommaire, préface, historique, index). La couverture (magnifique) était signée Gotlib. C’est en effet l’équipe d’Artefact (qui n’existait pas encore sous ce nom) qui l’édita avec un optimisme insensé à 2.950 exemplaires !

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      • Répondu par PATYDOC le 13 février 2023 à  11:03 :

        Acheté à l’époque avec mon argent de poche, et conservé pieusement dans mon cabinet de curiosités entre ma première ... et mon premier ... ! (à compléter)

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