Confronté à son passé obscur, Susumu Kawai doit démêler les fils d’un écheveau compliqué. Les questions se bousculent et les réponses semblent plus cauchemardesques les unes que les autres. En sortir ne va pas être aisé. Entre fuite et angoisses, il doit retrouver cet homme, tueur de sang-froid, qui porte son visage et découvrir les secrets de sa naissance, secrets dont Mr Nobody semble être la clef. Un laboratoire clandestin détient peut-être les germes de la vérité. Rasé à la chute de l’URSS, ce fut l’antre dans lequel se développa un projet de recherche sur le corps humain, dont notre héros serait la victime ?
Gou Tanabe poursuit dans le final de ce triptyque sa réflexion sur les obsessions dangereuses de la science du passé et son poids sur le présent. Le récit mêle les affres de l’époque soviétique et l’avidité du capitalisme triomphateur d’aujourd’hui. Il décrit une société en perte de repère dans laquelle l’argent et le pouvoir ne semblent plus avoir de limite (la Russie de Boris Eltsine ?). Un homme sortant du lot peut-il les rétablir ?
Cette complexité scénaristique qui s’annonce est malheureusement rapidement tarie par un dénouement des plus classiques. L’auteur retombe sur ses pattes grâce à l’habituelle confession du coupable qui permet un retour sur les événements. Linéaire et commode. Son issue par trop simpliste qui fait suite au récit développé dans les deux premiers tomes crée un contraste trop brutal pour ne pas être fâcheux. On ressent un tiraillement entre l’envie du mangaka de créer une grande scène de roman noir dans laquelle les intrigues s’entremêlent et la seule façon qu’il a trouvé pour les résoudre (presque) toutes d’un coup, d’un seul. Une légère déception pour ce qui s’annonçait comme une grande série prometteuse. Le final en forme d’ouverture laisse un germe de doute mais semble plutôt là pour rattraper la contrariété née de cet ultime aveu.
Mr Nobody n’en reste pas moins un manga d’une grande qualité graphique mais qui n’arrive pas à s’inscrire dans les traces des maîtres du genre. Souhaitons que ce ne soit qu’un coup d’essai car le trait de Gou Tanabe mérite qu’on s’y arrête.
(par Vincent GAUTHIER)
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