Pourquoi on se penche sur cette nouvelle, pensez-vous ? Tout simplement parce que, alors que le Festival International de la BD d’Angoulême qui s’est tout juste achevé se complait de plus en plus à gentrifier à tous les étages, nous tenons Neal Adams pour un artiste d’un niveau exceptionnel digne d’un Grand Prix du FIBD si celui-ci n’avait pas décidé de se passer d’auteurs de ce statut.
Dépêchons-nous, il est encore temps, pour longtemps, on l’espère, pour le grand Neal dont on se régale depuis longtemps du franc-parler et de son jeu d’ego savamment orchestré. Ne serait-ce que lors de son passage à Paris pour la Comic Con de 2018,, interview vidéo à l’appui, ou lors de l’anniversaire de ses 80 ans, solide comme un roc.
Véritable conscience de la BD américaine, artiste à l’influence considérable avec un goût profond pour les avancées sociales, la lutte contre les discriminations par-delà les postures de circonstances et le suivisme d’un moment, il est de ceux qui ont le plus participé d’une manière ou d’une autre aux évolutions créatives, éditoriales, mais aussi commerciales, du monde des comics. ActuaBD.com vous a déjà parlé de ce créateur considéré aux USA comme l’un des plus grands artistes de l’histoire de ce pays.
Combats de titan, pour titans de la BD américaine
Voilà un exemple, révélateur surtout de la rudesse extrême du milieu des la BD américaine, parmi les nombreux combats menés par Neal Adams, alors méga-star très sollicitée des comics. Ici bien aidé par Jerry Robinson, scénariste essentiel du Batman des débuts.
Ainsi, concernant les créateurs de Superman, Joe Shuster et Jerry Siegel en grande détresse physique et financière, quasi à la rue à ce moment, ayant permis par leur talent et leur créativité, à toute une industrie, celle des comics, d’exister : Neal Adams n’a pas hésité en 1978 à consacrer quatre mois presque exclusivement, sans faire son travail de dessinateur et perdant le revenu qui va avec, à obtenir une reconnaissance créative des deux auteurs en souffrance, alors que le film Superman de Richard Donner allait sortir.
Reconnaissance, de même qu’une allocation à vie, une rente annuelle de 35 000 $, de la part de DC Comics, éditeur qui possède les droits du super-héros fils de Krypton. Plus le fait que depuis, tous les comics, séries TV, films et jeux vidéo mettant en scène Superman mentionnent que le personnage a été par créé par Jerry Siegel et Joe Shuster.
Tout ceci évoqué pour rappeler qu’avant ça, le dessinateur Joe Shuster, presque aveugle, dormait sur un lit de camp face à une fenêtre rafistolée avec du ruban adhésif. Un bon et juste combat qui valait largement la peine et le temps consacrés, d’après les dires de Neal Adams après cette victoire. Un exemple parmi bien d’autres de ses luttes pour faire avancer les choses.
Dès lors, une seule formule vient à l’esprit pour conclure l’annonce pas si anodine d’une hospitalisation récente de ce géant des comics, et de la BD toute entière : bon rétablissement M. Neal Adams.
Et chapeau l’artiste.
Cadeau bonus
C’est pourquoi, en supplément, juste pour le plaisir de l’œil, pour son édification, outre un plus que mérité hommage, nous vous proposons de suivre une histoire de Superman à l’état de crayonnés. Tout en n’oubliant pas que Neal Adams est aussi un immense encreur, pour lui ou pour les autres.
Pour un bel exemple de la dynamique nouvelle apportée dans les comics par Adams. Des solutions largement reprises aujourd’hui dans le dessin des comics, mais trop souvent, comme dans l’apport, également, du King Jack Kirby, seulement en surface, l’écume. Des leçons mal apprises, où l’on ne retient que le boum boum, l’esbroufe, pas le sens, la rythmique, l’atmosphère pourtant essentiels à la bonne tenue du récit. L’esbroufe au détriment de la narration, plus facilement vendables en galeries : une des raisons donc, du fait que les comics, et pas seulement : regardons aussi du côté de chez nous, perdent des points auprès des lecteurs.
Superman, par super-artiste de la BD !
Donc, Superman en action, avec des crayonnés du niveau de finition requis quand les dessinateurs de comics produisaient un ou plusieurs épisodes mensuels, contre souvent deux mois passés sur les crayonnés d’un épisode aujourd’hui. Une histoire parue dans l’anthologie DC Universe Illustrated by Neal Adams.
Quelques travaux préparatoires pour la bonne bouche, y’a pas de raison :
Une sacrée démonstration de force, terme choisi, pour une histoire de super-héros ; mais la BD, bien que plurielle, doit savoir s’appuyer sur ces bases plus qu’élémentaires, solubles à tous les styles, tous les genres. Il y en a bien d’autres. Il n’est peut-être pas anodin que les meilleures écoles de BD soient les écoles d’animation.
Quoi qu’il en soit, on le crie, pour ce combattant-né : Neal Adams FORT ET VERT !
(par Pascal AGGABI)
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