Slum Kids - Par Petit Rapace - Ed. Label 619 / Rue de Sèvres

Au milieu des montagnes de détritus qui forment la Décharge vivent trois gamins : Eingyi, Bambi et Lombric. Coincés entre leurs rêves d’une vie meilleure et la réalité d’un quotidien fait de violence et de cruauté, ils rendent malgré tout coups pour coups et s’imposent parmi les gangs et bandes rivales.

Mais le plus jeune et faible d’entre eux, Lombric, se retrouve aspiré dans une spirale de mort et de vengeance, qui va entraîner le reste de la bande et qui risque bien d’impacter la Décharge toute entière...

Ça sent un peu, non ?

Un univers crado, des déchets qui suintent, des tatouages maison bien moches et des armes de fortune : Petit Rapace étend dans Slum Kids l’univers qu’il esquissait dans Lowreader T. 2. Il y posait les bases de l’histoire qu’on lit aujourd’hui, et le Label a été bien inspiré de lui laisser sa chance sur un "vrai" album complet car le résultat, s’il n’est pas parfait, reste hyper intéressant et atteste du talent certain du jeune auteur.

Il s’attèle à construire un univers graphiquement très riche et ambitieux, qui fourmille de détails pour devenir vivant et mouvant sous nos yeux. Mélange bizarre entre l’imagerie de la série Les Lascars (Canal+, 1998) et Amer Béton (Taiyu Matsumoto, Delcourt Tonkam), Petit Rapace s’assure que chaque millimètre carré de sa page est occupé par un boulon, une canette, un graph’, un pneu... Pour un résultat qui déborde littéralement des cases et donne toute sa texture à un monde pas si irréel.

Niveau ambiance, on est dans du Label 619 pur jus : très punk, très vif, ultra-violent, désespéré mais avec tout de même des fulgurances d’espoir. Les personnages sont tout droit sortis de The Grocery, et c’est peut-être là le seul gros défaut du titre. Les boulimiques du Label 619 (comme nous) auront l’impression d’avoir déjà vu ces héros plusieurs fois sous l’égide de l’éditeur, les chara-designs et les personnages ne se démarquent pas vraiment de ce que beaucoup d’autres auteurs du Label ont pu faire par le passé.

Ceci-dit, c’est un problème qui ne concernera que les complétistes du Label, et qui n’entrave pas du tout le plaisir de lecture. Et à cet égard, le soin qu’apporte Petit Rapace pour construire la relation entre les trois mômes paie : on est très vite hyper attachés à eux, et on se déchire le cœur en suivant leurs tragiques péripéties. Si bien que la fin arrive bien trop vite à notre goût, et qu’on est maintenant impatient de la suite.

1 shade of red

Niveau graphique, comme évoqué plus haut, le trait de l’auteur se caractérise par une grande densité de détails mais aussi et surtout par une gestion fantastique de la couleur.

Run, le papa du Label 619, en parlait sur Twitter en amont de la publication : un soin particulier a été accordé à la sélection du papier pour l’impression du titre. Ce pour s’assurer que les aplats de rouge de Petit Rapace soient aussi fulgurant et explosifs qu’escompté. L’objectif est atteint et la couleur rouge devient un marqueur de la tension de la séquence.

Le climax émotionnel de l’album, au milieu de l’histoire, illustre particulèrement bien cet effet : l’action est presque noyée dans l’écarlate pour faire écho au drame qui se joue sous nos yeux. Ce travail de la couleur est sans doute ce qui démarque le plus Slum Kids du reste du catalogue 619, et justifie presque en soit l’achat du livre (qui en plus ne coûte vraiment pas cher).

Pas exempt de défauts mais clairement réussi, Slum Kids introduit encore un nouveau talent français à surveiller chez le Label 619 (ça fait beaucoup là, non ?). Et pour la modique somme de 15€90, ce serait vraiment dommage de se priver. Bravo le Label, encore un succès !