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Un Pape dans l’Histoire (Glénat) : une collection plus dogmatique qu’historique de l’histoire de la papauté

Par Thomas FIGUERES le 19 avril 2019                      Lien  
La nouvelle collection des éditions Glénat "Un Pape dans l'Histoire", une coédition entre Glénat et Le Cerf, met en lumière les exploits et les faits accomplis par différents papes dans l'Histoire, de Pierre (33-64/67) à Jean-Paul II (1978-2005). Elle vient renforcer le catalogue historique de Glénat, faisant écho à la série "Ils ont fait l'Histoire", coédité avec Fayard. Quoique d'un point de vue historique, il y aurait à redire...

Ces deux premiers tomes parus le 10 avril dernier mettent en image les vies de Saint Pierre dans Saint Pierre, une menace pour l’Empire romain et Léon Ier dans Léon le Grand, Défier Attila. Les tomes suivants seront consacrés aux papes : Urbain II, Clément V, Alexandre VI, Pie VII, Pie XII et enfin Jean-Paul II.

Un Pape dans l'Histoire (Glénat) : une collection plus dogmatique qu'historique de l'histoire de la papauté

Cette nouvelle collection, recommandée par le magazine Historia, est dirigée par Hervé Langlois. Il y fait intervenir le journaliste et écrivain français Bernard Lecomte en tant que consultant historique. Ce dernier est l’auteur notamment des ouvrages Jean-Paul II chez Gallimard en 2003, Benoit XVI, le dernier pape européen chez Perrin en 2006 ou encore Les Papes qui ont changé l’Histoire chez Gründ en 2014. Le journaliste clôture chacun des albums par de brefs dossiers documentaires qui viennent compléter la lecture.

Comme à l’habitude chez Glénat, promoteur du concept des séries multi-auteurs, plusieurs scénaristes, dessinateurs et coloristes sont convoqués. Pour ce premier tome sur Saint Pierre, ce sont les Français Pat Perna et Marc Jailloux qui sont à l’œuvre. Pat Perna est un scénariste qui s’est déjà frotté à des scénarios historiques avec sa série Forçat en deux tomes, paru aux éditons Les Arènes ou encore dans sa biographie remarquable de Darnand, bourreau français dont le dernier tome paraîtra aux éditions Rue de Sèvres le 28 août prochain. Quant à Marc Jailloux, ancien assistant de Jacques Martin, nous le connaissons pour son excellent travail sur la série Alix, dont il est le dessinateur référent.

Dans ce premier numéro de la série, les auteurs mettent en scène Pierre, agonisant, crucifié, à l’époque du massacre des chrétiens qui suivit le grand incendie de Rome de 64. L’Empereur se trouve alors être Néron. Il serait à l’origine de l’incendie de Rome et aurait fait accuser les chrétiens, alors considéré comme une secte. Historiquement parlant, la responsabilité de Néron dans ces évènements est remise en cause. Un point semble toutefois faire consensus : l’instabilité mentale de l’Empereur à ce stade de sa vie. Le lecteur découvre ainsi l’histoire de Pierre, nom que lui donna le Christ, à travers les souvenirs qui lui reviennent alors qu’il attend la mort. Pierre y interroge sa propre foi.

Pour illustrer la vie de l’apôtre Pierre, Marc Jailloux quitte la raideur de l’école de Bruxelles pour une approche davantage réaliste, pas très loin du "Murena" de Delaby.
© Glénat

Le second volume de la collection, consacré à Léon Ier, a été confié à la scénariste France Richemond (Les Reines de sang – Jeanne, la mâle reine chez Delcourt), et au dessinateur Stefano Carloni (Ils ont fait l’Histoire – Clémenceau chez Glénat/Fayard.) Ces deux auteurs n’en sont pas non plus à leur coup d’essai en termes de bande dessinée historique.

C’est cette fois la vie de Léon qui est couchée sur planches, de ses débuts remarqués dans les ordres, notamment grâce aux âpres négociations qu’il mena avec Attila, jusqu’à la mort du pontife, en passant par son accession au siège de Pierre en 440. Un pape unanimement salué par ses contemporains pour sa gestion de l’Église chrétienne occidentale, alors troublée par des différents d’ordre dogmatiques, alors que l’Empire romain vacille face à ce que l’on désigne communément par « les grandes invasions ».

En dépit d’un dessin réaliste crédible pour chacun des tomes, on reprochera à cette série son manque de sens critique dans l’approche historique de ses personnages. Surtout si on la confronte à d’autres ouvrages, plus distanciés, traitant de la même période, comme "La Véritable Histoire vraie"d’ Attila. Exit les notes de bas de page faisant référence à des débats historiques en cours, les auteurs prennent résolument parti et nous content l’Histoire tel qu’ils la conçoivent, quelque peu hagiographique.

Ainsi, à travers le personnage de Léon, les auteurs soutiennent la thèse d’une Église supplantant le pouvoir politique romain au Ve siècle ap. J.-C., soit peu de temps avant sa chute, en 476. Les difficultés politiques, économiques et sociales s’accumulent et les empereurs d’alors ne trouvent pas les solutions adéquates. En ces périodes de trouble, l’Église romaine tenta de maintenir la cohésion de l’Empire par la foi. Le dessin, que l’on qualifiait de réaliste un peu plus haut, vient renforcer l’apparente véracité que souhaitent transmettre les auteurs. Or, cette thèse, sans être fausse, est en réalité à nuancer et est encore discutée par les historiens de nos jours.

En résumé, si la série "Un Pape dans l’Histoire" pêche d’un point de vue didactique, elle peut toutefois emporter la conviction si on l’aborde du point de vue du dogme religieux, notamment grâce à des dialogues justes et élégants. C’est ce qui s’appelle ne pas se tromper de cible...

Stefano Carloni, dans "Léon le grand", transpose en couleurs sombres ces temps troublés pour le christianisme.
© Glénat

(par Thomas FIGUERES)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Un Pape dans l’Histoire, T. 1 : Saint Pierre, Une Menace pour l’Empire romain, par Pat Perna et Marc Jailloux. Éditeur : Glénat/Le Cerf. Sortie : 10 avril 2019. Prix : 14,95 euros.
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Un Pape dans l’Histoire, T. 2 : Léon le Grand, Défier Attila, par France Richemond et Stefano Carloni. Éditeur : Glénat/Le Cerf. Sortie : 10 avril 2019. Prix : 14,95 euros.
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Illustrations : DR : Glénat/Le Cerf

Glénat
 
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5 Messages :
  • Merci de votre intérêt pour notre série.

    Mais j’avoue que vous me surprenez : Une collection dogmatique ? Relative au Dogme, du latin chrétien dogmatismus : « enseignement de la foi » ???

    Il n’y a aucun enseignement de la foi dans Léon. Aucune démonstration chrétienne. Léon est avant tout un dirigeant, un chef politique, ferme et même un tantinet rigide... Chacune de ses paroles sont inspirées directement d’une des 173 lettres qu’il nous a laissées ou d’un de ses 97 sermons.
    Nous n’avons rien inventé et respecté les faits au plus près possible, lorsqu’ils sont connus, ce qui n’est pas toujours le cas dans ces temps reculés...

    Du coup, nous ne racontons pas la vie de Léon, car nulle ne la connaît. Nous nous contentons d’imaginer avec respect, sa réaction face aux événements dramatiques auxquels il n’a pu manquer d’assister, en nous inspirant de ce que nous savons de lui.

    Mais il y a, en effet, une part d’interprétation...

    C’est que notre Léon, n’est pas un livre d’histoire, encore moins un livre religieux. Notre seule ambition est d’entraîner le lecteur au cœur d’un temps lointain, avec plaisir, j’espère, grâce au magnifique dessin du très talentueux Stefano Carloni.

    Et si nous y parvenons, alors le lecteur aura peut être l’envie, ou la curiosité, de se plonger dans des livres plus sérieux où les différentes thèses seront affrontées.
    Nous, ce n’est pas notre objectif ! En tant qu’auteur, je m’empare de mon personnage et je le fais vivre. Je ne suis pas là pour l’aborder de manière didactique avec esprit critique. Pour étudier l’histoire, il y a de très bons historiens. J’en connais.
    Nous, nous voulons seulement faire rêver le lecteur. Sérieusement ! Sans lui dire de bêtises... Mais sans avoir la prétention de l’emmener à l’école

    Je suis aussi surprise lorsque vous parlez d’hagiographie ! Soit, qui a trait à la vie des saints, à leurs miracles...
    Il existe une histoire hagiographique de Léon, dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine, XIIIe siècle. Il y raconte qu’Attila a vu derrière Léon des guerriers fantastiques et que c’est pourquoi il a fui. Donc un miracle... Mais ce n’est absolument pas l’option que nous avons choisie.

    Voila, merci encore de m’avoir donné l’occasion d’être plus précise sur notre véritable objectif.

    Amicalement

    France Richemond

    Répondre à ce message

    • Répondu par Thomas FIGUERES le 20 avril 2019 à  15:12 :

      Bonjour,

      J’entends vos arguments et ne remets en aucun cas en doute les recherches que vous avez menées dans le but de réaliser cet album.

      Cette chronique est le résultat d’une lecture, subjective par essence, la mienne. De celle-ci découle mon interprétation des visées de l’album et je constate qu’elle ne correspond pas au message que vous souhaitiez transmettre.

      Bien cordialement,

      Thomas Figuères

      Répondre à ce message

      • Répondu par France Richemond le 23 avril 2019 à  07:52 :

        Bonjour,
        C’est juste, chaque lecture est subjective, comme chaque album, je pense. Dans le cas de notre « Léon », il me semble que malgré votre restriction vous l’avez bien aimé. C’est tout ce qui compte. Vous aimerez peut être d’avantage le prochain 😉
        Amities.

        France Richemond

        Répondre à ce message

  • Critiquer sur le fait que les historiens discutent encore les faits, ce n’est pas très constructif et pourrait s’appliquer à l’histoire toute entière, puis faire qu’on attend sans jamais rien publier. Je ne remets pas en cause l’avis qu’on peut avoir sur les albums (je ne les ai pas lu, je viens voir vos critiques avant), mais là disons que le titre de l’article est très négatif pour une critique peu soutenue...

    Répondre à ce message

  • Que veut dire " dogmatique" ?
    21 septembre 2019 16:32, par Jako

    Ce qui est bizarre, c’est ce qualificatif de "dogmatique" dans le titre de l’article, alors que, après, rien ne vient ne le justifier.

    Que veut dire "dogmatique", pour vous ?

    Le seul fait de raconter l’histoire de telle ou telle façon, en privilégiant telle explication et sans faire dix notes pour expliquer toutes les hypothèses concurrentes suffit-il à parler de dogmatisme ?

    Ou bien alors, le seul fait de parler d’un pape, ce qui renvoie à la religion catholique, qui, effectivement, enseigne des dogmes (la Trinité, etc.) suffit à dire que le récit est "dogmatique" ?

    J’ai du mal à comprendre.

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