Couverture rouge-révolution aux nuances pastel. Au centre, Suzanne Noël dévisage fermement le lecteur avec un ruban où l’on peut lire « je veux voter ». Voilà une histoire de révolutionnaires ayant milité bien avant l’arrivée de Twitter, souvent au péril de leurs vies ! Le graphisme expressif de Clément Oubrerie a déjà fait ses preuves dans Aya de Yopougon, dans Pablo et dans Les Royaumes du Nord ! On adore habituellement.
Mais au bout des dix premières pages, l’ennui est là. Leila Slimani, Goncourt 2016 rate son effet. Plutôt que de découvrir la dureté des combats pour les droits des femmes, les tensions liées aux découvertes scientifiques qu’elles ont apportées au champ de la chirurgie esthétique, nous suivons un personnage stoïque, sans défauts ni passions particulièrement exaltantes.
On voit Suzanne Noël passer des salles d’opération aux soirées mondaines pour organiser les clubs Soroptimists (clubs d’entraides professionnelles entre femmes de la première moitié du XXe siècle), diffuser la bonne parole et, de temps en temps, faire la morale aux hommes, même pour défendre une femme entièrement dévouée à la collaboration et à la propagande nazie...
Coche loupé ou opportunisme éditorial cherchant à surfer sur la vague féministe des derniers temps ? Le fait réel est que l’album ne rend pas justice au véritable personnage historique, ni aux principes pour lesquels elle s’est battue toute sa vie. Pour parler de révolte et de révolution, il faut inciter le lecteur à comprendre les formes changeantes de l’injustice, et pas les asséner de coups de slogans twitteriens. Voici la leçon qu’on espère que les auteurs puissent apprendre.
Voir en ligne : Gallimard : la rentrée "Culottées" !
(par Jorge Sanchez)
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À Mains nues (2 tomes) Par Leïla Slimani (scénario) et Clément Oubrerie (dessin). Éditions Arènes BD. 19 x 27 cm. 88 pages couleur. 20€.