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André Taymans : « Caroline Baldwin me permet d’aborder tous les genres de la bande dessinée »

Par Charles-Louis Detournay le 31 octobre 2011                      Lien  
Caroline est sur tous les fronts : intégrale, nouveauté, réédition complétée, exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée à Bruxelles, alors que son créateur continue de poser les jalons de la future adaptation cinématographique de son personnage fétiche.

Plus qu’une rencontre de presse, c’est presque une famille qui nous accueille pour nous présenter l’actualité de Caroline Baldwin : bien entendu, son auteur et créateur André Taymans, mais également Cendrine Ketels qui incarne le personnage à l’écran, ainsi que Jean-Pierre Talbot, le Tintin filmé des années soixante, et qui joue un personnage de la série de Casterman. Ce dernier propose d’ailleurs à la tablée de se réunir la prochaine dans les Fagnes, ce qui réjouit Cendrine qui aime les randonnées. Mais l’heure est au bilan, entre ce qui est sorti et le travail à accomplir pour lancer le film de Caroline Baldwin.

Nous vous avions déjà présenté la première étape de cette adaptation cinématographique, et les éléments semblent se mettre progressivement en place pour un futur film. Cette progression est soutenue par les événements scandant le quinzième anniversaire de la série : une exposition rétrospective au Centre Belge de la Bande Dessinée à Bruxelles, ainsi que la réédition du premier tome Moon River avec un impressionnant dossier complémentaire de 32 pages qui explique le tournage du court-métrage et développe le story-board d’André Taymans. L’album au dos toilé bleu est d’ailleurs complété d’une CD/DVD qui reprend les chansons Caroline Baldwin ainsi que le clip avait été tourné à cette occasion.

André Taymans : « Caroline Baldwin me permet d'aborder tous les genres de la bande dessinée »
Jean-Pierre Talbot, André Taymans & Cendrine Ketels
© Pierre Taymans

Puis c’est aussi l’occasion d’évoquer le nouvel album de Caroline Baldwin, une nouveauté pour laquelle la maquette a été modifiée, donnant un coup de jeune sur la série.

Cet album permet également de renouer avec les fondamentaux de cette collection : un suspens policier bienvenu, balancé par les affres sentimentales d’une détective désespérément attachante entre sa séropositivité, ses qualités et ses défauts. La suite de ce diptyque suivra rapidement, car elle est prévue pour le mois de mars 2012.

Vous avez sorti une version collector du premier Caroline Baldwin, Moon River, en faisant le lien avec le court-métrage réalisé plus tôt cette année ?

Cette nouvelle mouture comprend le clip de la chanson-titre, court-métrage que nous avions tourné précédemment. On retrouve également trente-deux pages complémentaires, avec des bonus, des dossiers, des interviews des auteurs et du réalisateur, ainsi que les jalons que nous avons posés pour que le film se mette en place. On peut aussi retrouver le story-board que j’avais dessiné.

Fidèles complices de Taymans, entre autres sur les Lefranc, Erwin Drèze et Rafaël Schierer ont réalisé les crayonnés des séquences new-yorkaises du tome 15.
Ici, le crayonné d’Erwin Drèze...

Où en êtes-vous dans le financement du film ?

Une option a été prise sur le film par trois producteurs belges qui sont en train de chercher des financements complémentaires, entre autres au Canada, en France et en Suisse. À côté de cela, Thomas Gunzig a commencé d’écrire le scénario du film, qui se basera essentiellement les albums de Contrat 48-A et Angel Rock. Pour les acteurs, Cendrine Ketels jouera bien entendu Caroline, j’y tiens beaucoup, Jean-Pierre Talbot sera aussi de la partie, ainsi que quelques grands acteurs français, ce qui nous motive encore plus à boucler le financement. Jean-Pierre se fait désirer, mais les producteurs sont aussi désireux que moi de le voir jouer, et je suis certain que nous parviendrons à le convaincre !

Pourquoi avoir jeté votre dévolu sur ces deux albums ? Pour aborder l’aspect urbain et naturel dans la montagne ?

Pas seulement, l’un aborde tous les problèmes psychologiques de Caroline, dont le sida et son penchant pour le bourbon, tandis que le second est plus un thriller qui donne le rythme à l’ensemble. Nous partons donc vers un film d’action, que nous voudrions tourner au Canada pour retrouver les environnements nord-américains. Il est effectivement plus facile et moins cher d’obtenir l’autorisation de tourner à Toronto qu’à New-York. Nous sommes donc tous dans les starting blocks afin d’avancer au mieux ; nous nous donnons trois ans pour sortir le film.

... et la version encrée par André Taymans

En tant qu’auteur de l’œuvre originale, j’imagine que l’on doit appréhender une adaptation réalisée par des tiers. Avez-vous formulé des demandes spécifiques ?

Mes uniques exigences ont été que cela soit Cendrine qui interprète Caroline et que je puisse collaborer au scénario. Nous avons dès lors convenu que je serais co-scénariste du film.

La version collector de Moon River

Vous faites déjà un clin d’œil au futur film en représentant une affiche de Cendrine dans le T15 de Caroline, et en commentant : « une star est née »…

Ce n’était pas vraiment pour le film. Cendrine a de nombreux talents : elle joue, mais elle chante et danse également en tant que meneuse de revue du Théâtre Royal des Galeries. Nous voulons sortir en fin d’année un CD sur lequel elle chantera toute une série de chansons axée sur Caroline Baldwin, chansons qui pourront éventuellement servir sur la bande originale du film. En avant-première, nous venons de sortir la chanson Moon River en lien avec le clip, et une seconde Jack Daniels, tout à fait dans l’esprit de Caroline Baldwin.

Concernant votre nouvel album, vous reprenez le concept du diptyque, confirmant ce que nous expliquiez précédemment, à savoir que le 46 pages vous semblait un format trop court…

Ce tome 15 coïncide surtout à l’arrivée de Reynold Leclercq en tant qu’éditeur chez Casterman. Celui-ci a décidé de s’occuper de la série, alors que Caroline Baldwin était auparavant suivie de loin par Paris. Nous avons donc eu l’occasion de remettre les choses à plat, décidant d’actualiser la maquette en agrandissant également le format. Trouvant que le 46 pages était court, il m’a suggéré de me lancer dans un diptyque, revenant sur des récits moins intimistes en revenant sur les thrillers politiques des débuts.

On peut effectivement faire un parallèle avec Moon River, avec plus d’action, de la montagne, mais toujours un aspect psychologique des personnages.

Oui, on peut parler de retour aux sources. Nous voulons donner un nouvel élan à la série pour toucher un nouveau public. Le projet de film permet de donner également un nouveau coup de projecteur. D’un autre côté, graphiquement, le fait d’avoir réalisé la base du storyboard du clip, repris dans la nouvelle formule de Moon River, cela a changé ma façon d’écrire et de dessiner un Caroline Baldwin. Avoir fait la connaissance de Cendrine m’a permis de renouveler le personnage, dans l’approche de ses réactions.

Le story-board, présenté dans la version collector de "Moon River"

Ce diptyque est donc un thriller, mais la dimension psychologique de Caroline se renforce encore, car on reparle de ses amours, de sa maladie, et de la façon dont elle réagit dans ces moments difficiles.

C’est justement ma marque de fabrique, car j’ai avant tout envie d’évoquer ses péripéties de vie, aux côtés des habituelles intrigues de thriller et de polar. Le fait de revenir au diptyque me donne alors plus de champ pour laisser de la place à cette partie importante de Caroline, sans négliger le suspense. Alors que les premiers albums faisaient 64 pages, je parvenais à mêler les deux aspects en un one-shot, mais par après, cela a été plus compliqué. C’est pour cela que Gary a été complètement occulté dans le tome précédent, Free Tibet.

Correspond l’aspect plus thriller, vous vous accrochez une fois de plus à l’actualité, en évoquant des kamikazes décidés à faire don de leur vie pour leur cause ?

Je suis un réel accro à l’actualité, lisant les journaux, suivant les débats politiques, etc. C’est pour cela que je me raccroche toujours à des histoires authentiques. Dans ce cas-ci, on découvrira vite que les attentats terroristes, qui m’intéressent moins, ne sont qu’un leurre pour camoufler une autre machination. Mais l’actualité demeure ma matière première : je m’en sers, je la manipule pour créer mes récits.

© Daniel Fouss

Entre vos autres projets, Caroline Baldwin semble rester votre point d’ancrage.

Je suis un auteur du XXe siècle qui a grandi avec les grandes séries de l’âge d’or. Je conçois donc mal de lancer une mini-série, très dans l’air du temps, avant de tourner la page. Caroline est une série qui me permet d’aborder beaucoup de genres différents : un thriller plein d’actions, un récit plus intimiste, un western moderne car elle est indienne, etc. Il m’est ainsi arrivé d’écrire des one-shots, qui se sont transformés en albums de Caroline, alors que ce n’était pas du tout le but premier. C’était d’ailleurs le cas d’Angel Rock qui s’est mué en Caroline à la dernière minute. Le personnage revient toujours frapper à la porte en m’interpellant : « Ne m’oublie pas ! ». Mais cela ne m’empêche de m’amuser avec d’autres choses sur le côté, comme de nouvelles collaborations.

À ce propos, on évoque une série où justement votre muse Cendrine Ketels, écrirait pour vous ?


Oui, le concept était tout d’abord imaginé pour la télévision, une série de téléfilms appelée Chambres d’hôtes mettant en scène un mannequin qui décide de tout plaquer pour accueillir des visiteurs en Haute-Savoie. En découle tous les problèmes avec les villageois qui voient d’une très mauvais œil cette installation, ainsi que tous les liens avec son ancien métier. Je voudrais sans doute m’atteler à ce propos écrit par Cendrine, ce qui nous permet de rester en contact.

Placer cette intrigue au cœur des montagnes ne pouvait que vous plaire !

Ah, effectivement, la montagne est ma deuxième maison ! Dans ce cas, nous avons fusionné deux sujets qui nous intéressaient essentiellement : le mannequinat pour Cendrine, et la montagne pour ma part.

Vous n’êtes pas encore prêt à mettre le point final à la série de Caroline Baldwin, même si vous en connaissez le dénouement ?

J’ai encore beaucoup de choses à faire vivre à Caroline, mais il est vrai que j’ai déjà imaginé le dernier album qui clôturera la série. Mon délire un peu fou est de dessiner cet album, et de le laisser dans mon testament pour qu’il soit publié en tant qu’album posthume le jour où je me ferai écraser par mégarde dans la rue ! Je me suis déjà lancé dans le scénario. D’ailleurs, Cendrine a pleuré pendant deux heures en le lisant, déplorant qu’il se terminait mal. Mais je suis inflexible sur ce point.

(par Charles-Louis Detournay)

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- Lire aussi les chroniques des tomes 14, et 13

Lire notre article annonçant la réalisation du clip vidéo.

Visiter les blogs d’André Taymans et de Flouzemaker, ainsi que le site de Feel the Noïzz.

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Toutes les images sont © André Taymans.
Photo en médaillon : © CL Detournay

 
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