Chiara Rosenberg et autres gourmandises - Par Baldazzini, Pes & Canossa - Ed. Delcourt Erotix

Vincent Bernière, le directeur de la collection érotique de Delcourt l’expliquait à notre micro il y a deux ans : « La collection "Erotix" va subir une refonte intégrale, avec de nombreuses rééditions de classiques (Magnus, Crepax, Frollo, Baldazzini) dans des éditions intégrales, augmentées et définitives. »

Et voilà que le premier album de cette nouvelle mouture est (enfin) paru, mettant à l’honneur l’un des maîtres italiens de l’érotisme, Roberto Baldazzini. Un auteur qu’il faut nécessairement valoriser, car il a eu l’art de se distinguer positivement de ses pairs, et comme Baldazzini a édicté qu’il ne ferait plus d’autres albums érotiques, il est important de continuer à mettre en avant la production qu’il nous a laissée.

Chiara Rosenberg

Bizarreries,
paru en 2017 chez Delcourt.

Si le nom de l’artiste ne vous dit rien, nous vous renvoyons à ce que nous considérons comme son chef-d’œuvre, Casa HowHard dont l’intégrale des cinq tomes a été publiée l’année dernière chez Dynamite. Mais il aurait été bien mesquin de limiter le travail érotique de Baldazzini à cette seule série. L’auteur a réalisé bien des récits complémentaires, à commencer par Beba, mais cette autre série est également encore sous contrat chez La Musardine.

Pourtant, Delcourt et sa série Erotix ont également publié des histoires tout aussi emblématiques, qu’il s’agisse de récits au long cours ou de plus faible pagination. Bizzareries en 2017 regroupait déjà deux-cents pages d’histoires courtes. Et voilà que l’éditeur persiste et signe avec un nouvel imposant ouvrage en plus grand format cette fois, et presque entièrement en couleurs !

Chiara Rosenberg

Il reprend tout d’abord le récit le plus emblématique de Baldazzini publié chez l’éditeur au triangle, à savoir celle de la dominatrice Chiara Rosenberg. Il s’agit de la version dite "définitive" que l’éditeur avait publiée en couleurs en 2010 et qui comprend une petite histoire complémentaire à celle éditée en 2003 par la Musardine en noir et blanc. Cette histoire, comme le reste de l’ouvrage, est réservée à un public plus qu’averti. L’héroïne entreprend un voyage sur le chemin de la domination, où finalement Eros et Thanatos ont une fois de plus du mal à se départager. L’histoire BDSM profite du magnifique graphisme de Baldazzini. Le trait est sûr, à la fois évocateur et parfaitement équilibré pour donner force et érotisme à ses personnages.

Un travail graphique et thématique qui se poursuit avec la réédition d’Aura l’orpheline, une fois de plus dans la version couleur et complétée précédemment publiée chez Delcourt en 2013, épuisée à l’heure actuelle. Le propos est plus dur, car il n’évoque pas seulement une histoire d’amour qui dérape à cause des pulsions de cette sado-maso de Chiara, mais bien la descente aux enfers du sexe pour une jeune orpheline. Transsexualité, prostitution et travestissement se croisent dans ce récit où le fond très rude contraste avec la ligne épurée de l’auteur.

Aura l’orpheline

Ces deux premiers univers sont complètement contrebalancés par le troisième récit au long cours, intitulée 31-12-1999. Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’il est inédit en français au contraire des deux autres. Puis il est nettement moins hard, et pour cause : il est antérieur de dix ans par rapport aux deux autres, une époque où Baldazzini travaillait l’épaisseur de ses traits, délaissant l’épure pour un graphisme presque hypnotique, et donc servi en noir et blanc au contraire des deux précédents. Ce récit pessimiste analyse une histoire d’amour en déliquescence lors d’une nuit de réveillon où rien ne se déroule comme prévu.

Certainement moins "commercial" que les précédents 31-12-1999 est la plus belle des démonstrations de la pertinence du nouveau format de cette "collection" au sein d’Erotix. Jamais ce récit n’aurait pu sortir de manière indépendante, mais le fait de le joindre aux deux autres permet aux fans de Baldazzini de profiter de cette histoire de 44 pages inédites en français. De plus, l’imposant volume profite d’une belle introduction signée par Bernard Joubert (le propre traducteur de Baldazzini), ainsi que d’un portfolio conclusif d’une vingtaine de pages qui parachève ce très bel ouvrage. De quoi en faire l’un des trois immanquables pour tout amateur de Baldazzini, avec Bizarreries (également chez Delcourt) et l’intégrale de Casa HowHard.

31-12-1999

La qualité et la pertinence de ce premier volume nous a convaincu pour la suite des prochains ouvrages de la collection Erotix. Surtout que le deuxième est consacré à Magnus !... On vous en parle dans quelques jours : restez connecté !