Nous avons cinq bonnes raisons pour retrouver Grzegorz Rosinski (né en 1941 en Pologne) parmi les élus de cette année :
1. Il termine sa carrière cette année. Il vient d’arrêter Thorgal, sa grande série, reprise aujourd’hui par d’autres artistes qui ne lui arrivent pas à la cheville. Quand il publie pour la première fois en mars 1977, sur un scénario de Jean Van Hamme, le premier épisode de la série Thorgal, La Magicienne trahie, personne ne sait que l’année suivante, l’Église catholique se dotera d’un pape polonais, ni que le cadre dilettante de chez Philips qui s’essaie au scénario professionnellement depuis quelques mois avec le soutien financier de son épouse deviendra l’un des plus gros vendeurs de bande dessinée de la francophonie moins de dix ans plus tard. Si Rosinski doit beaucoup à Van Hamme, l’inverse est aussi vrai.
2. Il s’est essayé au roman graphique en noir et blanc, a été de l’équipée d’(A Suivre), s’est essayé au roman épique, au western, à la couleur directe. On sait que sa carrière ne se limite pas à Thorgal, que sa production polonaise précédente est déjà abondante et de qualité, et que d’autres chefs d’œuvre sont venus s’ajouter à celui-ci, déjà titanesque : Le Grand Pouvoir du Chninkel (1988), prépublié dans (A Suivre), La Complainte des landes perdues avec Jean Dufaux (1992), le One-shot Western avec Jean Van Hamme (2001), La Vengeance du comte Skarbek avec Yves Sente (2004) où il passe à la couleur directe, une technique qui lui autorise un geste plus ample dans le dessin, de même que des matières, des modelés et des transparences inédites dans sa gamme colorée.
3. Il est internationalement reconnu. Rosinski est traduit dans 20 langues : anglais, allemand, espagnol, portugais, italien, turc, coréen, polonais, néerlandais, danois, suédois, tchèque, serbe, croate, tamoul... Il a reçu de nombreux prix dont l’Alphart du public à Angoulême en 1989 et en 1996. Il a vendu 15 millions d’albums de Thorgal. Le développement d’une série télévisée en prise de vue réelle de la bande dessinée Thorgal est en cours, par le réalisateur Florian Henckel von Donnersmark (oscarisé pour La Vie des autres).
4. C’est l’un de nos plus grands dessinateurs réalistes classiques. Thorgal est le représentant majeur de la Sword and Sorcery classique dans la bande dessinée franco-belge, qui allie l’ingéniosité narrative de l’un des plus grands raconteurs d’histoires de son époque avec la puissance graphique d’un dessinateur dont la formation académique va renouveler le dessin réaliste francophone en dehors de tout effet d’école alors que la consanguinité avec le trait d’Hergé et d’Edgar P. Jacobs était, dans les années 1980, en train d’enfoncer la BD franco-belge dans un insupportable maniérisme.
5. Il est polonais. C’est un grand auteur classique qui n’est ni français, ni belge, ni japonais, ni américain mais qui a fait souffler de l’Est un vent nouveau et dont le style renvoie aux classiques canadien Hal Foster ou américain Alex Raymond. Après tout, les Catholiques ont élu un pape polonais. Pourquoi la bande dessinée n’aurait-elle pas elle aussi un ressortissant du pays de Sa Sainteté ?
Et puis, avec Rosinski, comme avec son ami Hermann, on aura un Grand Prix qui n’a pas sa langue dans sa poche. Ça nous changera des mutiques américains et japonais de ces dernières années...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Grzegorz Rosinski. Photo : DR
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Du 24 au 27 janvier 2019.
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