Les Tortues Ninja ont profondément marqué Seth Rogen alors qu’il était encore tout jeune. « La série a été diffusée en 1987 quand j’avais 5 ans, raconte-t-il. Le premier film est sorti en 1990 quand j’avais 8 ans. Il s’adressait totalement à quelqu’un de mon âge et j’ai été conquis. C’était très drôle. C’était bourré de références. Je me suis sans doute mis au karaté grâce aux Tortues Ninja. C’est devenu presque obsessionnel. » [1]
Autant l’écrire de suite : le film fait ressentir très vite et tout de son long la passion sincère de Seth Rogen pour les Tortues Ninja. Pour autant, est-ce qu’un projet porté par un fan sur une franchise qu’il chérit assure automatiquement un bon film à l’arrivée ? Pas forcément. Seth Rogen a en tout cas bien réfléchi à la manière de s’attaquer à ce pan de la culture populaire contemporaine.
« Il s’agit de NINJA TURTLES TEENAGE YEARS, avance Rogen. Parmi tous ces termes, c’est la dimension adolescente [teenage] qui a été la moins abordée et qui m’intéresse le plus. » L’adolescence est au cœur de ce film : les Tortues Ninja ont dans ce film quinze ans et elles rêvent de vivre une adolescence new-yorkaise comme les autres jeunes de leur âge. Une histoire initiatique agréablement racontée.
Cette passion adolescente est symbolisée par l’esthétique du film : à l’image des derniers films d’animation consacrés à Spider-Man, on ressent qu’il y a une volonté de présenter une patte graphique atypique. Les modèles à l’écran sont en 3D, mais la patine, les textures et les crayonnés apparents donnent l’impression d’être restés sur une animation 2D classique. On a trouvé le résultat très joli.
Ce qui marque aussi sur le plan graphique, c’est la volonté de représenter des personnages divers et surtout, pas parfaits. Aucun personnage du film a ainsi des traits symétriques, ce qui provient de la volonté des meneurs du projet de donner l’impression aux spectateurs que ce qu’ils ont sous leurs yeux provient directement d’un carnet de croquis d’un adolescent.
L’adolescence, c’est parfois la violence rencontrée sous différentes formes : nous avons ainsi été surpris par la violence de l’action à l’écran. On reste loin de la violence des Comics originaux, mais on est aussi loin de la violence aseptisée des dessins animés ou d’autres films. Si le cœur de cible des adolescents risque d’être atteint, on devra tout de même faire attention à la réception de cette violence par les plus jeunes spectateurs.
La musique participe aussi à cet esprit adolescent : la bande-son des talentueux Trent Reznor et Atticus Ross imprime fort, mais elle s’appuie aussi sur de très judicieux choix de chansons classiques. Si vous êtes amateurs de rap américain, vos oreilles vont être aux anges ! Si vous avez grandi avec Internet dans les années 2000 aussi.
L’autre grande facette de l’entreprise de Seth Rogen, c’est l’écriture autour de la mutanité des personnages principaux. Les Tortues Ninja sont dans ce film des mutants qui ont grandi [2] avec une éducation qui les obligeait à avoir peur des humains. Pourtant, devenus adolescents, ils recherchent l’acception d’un monde qui les craint et les haït… Comment ça, on a déjà entendu cela quelque part ?
Être mutant n’interdit pas d’avoir des sentiments, mais on a apparemment beaucoup plus de mal à les exprimer ou à être accepté pour ceux-ci. Que ce soit sur le plan familial, amical, voire romantique, le film nous a agréablement surpris en brossant des personnages certes marginaux, mais profondément attachants avec leur quête du bonheur.
Ce qui fait une bonne histoire, c’est souvent d’avoir un bon méchant sous la main. Ici, l’antagoniste principal du film est crédible quant à sa motivation et son parcours. Il n’y a pas de gentil ou de méchant mutant, seulement des parcours de vie plus ou moins accidentés. L’intrigue du film surprend en ne se projetant pas vers des horizons connus pour la franchise, mais parvient tout de même à proposer un récit qui tient en haleine.
Teenage Mutant Ninja Turtles : Mutant Mayhem est un film sincère, et réussi, de fans qui embarquera sans peine les autres aficionados et attirera probablement une nouvelle génération de fans. Est-ce que le film est exempt de défauts ? Les placements de produits de marques réelles et les références parfois rentrées au chausse-pied en direction des publics les plus jeunes nous rappellent que ce n’est pas le cas. Cela n’empêche pas ce généreux film d’être très bon et de jeter des bases intéressantes pour une nouvelle série télévisée et une suite à venir au cinéma.
(par Romuald LEFEBVRE)
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Teenage Mutant Ninja Turtles : Mutant Mayhem. Réalisé par Jeff Rowe et co-réalisé par Kyler Spears. Scénario de Seth Rogen, Evan Goldberg, Jeff Rowe, Dan Hernandez & Benji Samit. D’après les personnages créés par Peter Laird et Kevin Eastman. Bande-son de Trent Reznor & Atticus Ross. 99 minutes. Sortie le 9 août 2023.
[1] Pascal Aggabi vous a présenté cette vague de passion pour les Tortues Ninja dans une série d’articles à retrouver sur ActuaBD.
[2] L’histoire des Tortues Ninja est ici différente de celle originelle. Par exemple, le maître Splinter était ici un véritable rat avant de rencontrer les quatre frères recouverts d’une substance mutagène inconnue dans les égouts. Comment ont-ils découvert et appris les technique de combat des Ninja ? Le film apporte une réponse convenable à ce sujet, mais on vous laisse le plaisir de la découvrir.
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