Il fallait voir hier, le gratin des éditeurs de BD (et leurs directeurs commerciaux…) se presser à la petite fête que Michel-Edouard Leclerc avait préparée pour le prix. C’est que l’enjeu pèse lourd. Et l’on a, avec l’homme d’affaires breton, longtemps sponsor du Festival International d’Angoulême (il a sauvé le festival dans l’un des moments les plus critiques de son histoire…), grand collectionneur d’originaux devant l’éternel, un connaisseur avisé.
De son petit speech d’introduction, il n’a pas manqué de rappeler les derniers présidents de jury des Prix Landerneau : Pénélope Bagieu (présidente du jury 2022), Jean-Pierre Gibrat, Catherine Meurisse, Régis Loisel, Juango Guarnido ou Zep. Des autrices et auteurs et des lauréats, rappelait-il hier malicieusement, publiés par Casterman, Glénat, Dargaud, Le Lombard, Dupuis… En clair, des éditeurs figurant chichement dans la liste des nominés d’Angoulême…
Ce qui n’empêche pas des choix pointus, comme l’album de David Sala cette année : « Cinq ans après avoir adapté avec brio "Le Joueur d’échecs" de Stefan Sweig, écrivit Thelma Susbielle dans nos pages, David Sala opère un nouveau virage vers la lumière et la couleur. Son nouvel album, "Le Poids des héros" (Casterman), est un récit dans lequel l’auteur raconte sa propre enfance mêlée à ses souvenirs de famille. Au fil de ses pensées, il se trouve parfois écrasé sous le poids de l’histoire de ses ancêtres. S’entremêlent alors différentes temporalités : la trajectoire du jeune David et celles de la mémoire familiale qui le poursuit. »
Interrogé hier soir, David Sala racontait qu’il avait été surpris qu’un tel sujet puisse intéresser son éditeur Casterman. Or, non seulement ils l’ont pris, mais ils l’ont accompagné avec opiniâtreté, rappelait hier le dessinateur. « Quant à moi, dit-il, j’ai juste eu le sentiment qu’il fallait que je transmette cette histoire. » Avec humilité, alors que son dessin resplendit de talent.
Citons encore Thelma Susbielle en janvier dernier : « Dès l’ouverture de l’album, un rose éblouissant accueille le lecteur dans des pages qui donnent l’impression d’évoluer dans un rêve. Des taches de couleurs s’étirent, fantomatiques, en contrepoint de ces souvenirs. D’abord hésitant face à l’usage de la couleur, notamment dans le passage relatant les camps, « n’allait-elle pas atténuer l’horreur ? », le dessinateur réalise que leur utilisation dans les valeurs pures donne finalement l’effet saisissant recherché. Ce faisant, David Sala objective la tragédie de l’histoire dans un rendu sublime et fascinant. À la mort, au deuil, à l’obscurité, il oppose la vie, les enfants, la lumière. Une pluralité des sens qui ne peut laisser les lecteurs indifférents. »
On ne peut mieux dire.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Prix Landerneau BD 2022 : Le Poids des héros – Par David Sala – Éd. casterman
Photos : Kelian Nguyen
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