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François Avril : "Les ventes aux enchères favorisent des auteurs de BD ayant un univers visuel puissant"

Par Christian MISSIA DIO le 17 janvier 2013                      Lien  
Quelques heures avant l'ouverture de la 58e Foire des Antiquaires de Bruxelles (BRAFA), François Avril nous ouvre les portes de son nouvel atelier, situé dans la capitale européenne. Il nous y présente en exclusivité ses nouvelles toiles et surtout, il nous donne son avis sur le "phénomène" BD dans l'art contemporain.

Qu’avez-vous préparé pour la BRAFA 2013 ?

J’ai fait dix-huit toiles spécialement pour cet évènement, dont une assez grande. C’est un triptyque qui fait 3m60 sur 1m50. J’y explore mes deux thèmes de prédilection qui sont les paysages et les villes. En particulier New York, mais un New York imaginaire ! Pour cette BRAFA, j’ai travaillé exceptionnellement à Bruxelles, ville dans laquelle je suis installé depuis un peu plus de deux mois et je m’y plais beaucoup !

François Avril : "Les ventes aux enchères favorisent des auteurs de BD ayant un univers visuel puissant"

Vous entretenez une relation privilégiée avec la galerie Petits Papiers. Comment s’est-elle construite ?

Nous avons une relation basée sur la confiance qui s’est installée petit à petit. Ils ont toujours été bienveillants avec moi. Ils me laissent travailler à mon rythme. Je ne sais pas s’ils ont deviné cela d’instinct, mais pour ma créativité, j’ai besoin de liberté et de calme. Concrètement, ils ne m’appellent pas tous les jours pour que je rende des comptes. Ils ne passent pas pour voir l’évolution de mes travaux. Ils ne voient rien jusqu’à la dernière limite. Ils m’accordent une confiance presque aveugle mais comme j’ai un certain sens des responsabilités, je me mets moi-même la pression.

Selon vous, assiste-t-on à une montée en puissance des auteurs de BD sur le marché classique de l’art ?

Oui, je le pense. C’est Enki Bilal qui a déclenché les hostilités avec une vente chez Artcurial. Il avait battu une sorte de record grâce à la vente d’une très grande acrylique sur papier – on a toujours cru que c’était une toile mais en fait c’est une acrylique – qui s’est vendue aux alentours de 70 000 euros, si je ne me trompe pas.

À l’origine, il y a une personne très importante à mes yeux qui est Christian Desbois, qui était le galeriste et agent de Bilal. C’était aussi un précurseur dans ce domaine car il m’a permis à moi, ainsi qu’à Jean-Claude Götting de faire nos premiers tableaux. Il avait une galerie dans le VIIe arrondissement de Paris dans laquelle il avait décidé d’exposer les toiles d’auteurs issus de la BD. Il faut vraiment lui rendre hommage car à l’époque, ce n’était pas du tout une démarche évidente ! Je me suis lancé là-dedans mais j’ai dû subir des remarques désobligeantes du genre : « Ce sont des dessinateurs qui se prennent pour des peintres. » Pour autant, je ne me suis pas laissé démonter ! J’ai travaillé sur des toiles dans des formats plus grands. Cela m’a plu et je n’ai plus arrêté depuis.

François Avril pose devant quelques unes des œuvres qu’il présentera à la BRAFA.
L’exposition "Quelques instants plus tard..." est actuellement accrochée aux cimaises du Musée de la BD d’Angoulême jusqu’au 3 février 2013.

Selon vous, d’où vient l’intérêt du monde de l’art dit classique pour la bande dessinée ?

Je pense que l’argent y est pour beaucoup. Je crois qu’ils se sont aperçu que la BD faisait des scores de ventes incroyables et donc ils se sont dit qu’ils ne pouvaient pas passer à côté de ce truc-là. Comme je l’ai dit tout à l’heure, au début, ce n’était pas bien vu de frayer avec la bande dessinée mais maintenant, ils doivent bien admettre qu’il faut compter avec nous à cause du poids économique que nous représentons. De plus, il y a toute une génération d’acheteurs qui a grandi avec la BD. Elle fait partie de leur culture. Ces personnes ont 30, 40, 50 ans et plus. Surtout, elles ont les moyens et l’envie de s’entourer de ces images-là au lieu de peintures. On assiste à une vraie reconnaissance officielle de la BD dans ce milieu.

Les ventes aux enchères concernent surtout les grands auteurs classiques de la BD tels qu’Hergé, Franquin, Moebius et d’autre part, des artistes contemporains tels que vous, Swarte, Tardi, etc. Pour autant, pensez-vous qu’un jeune auteur pourrait retrouver ses œuvres dans les grandes manifestations d’art ?

En fait, tout dépend de la direction artistique, de la vision et de l’ambition que l’on prend dans son travail. Il y aura toujours des jeunes auteurs talentueux mais à ce niveau là, il y a une sorte d’écrémage qui favorise des auteurs qui ont un univers puissant. C’est le cas d’Enki Bilal, par exemple. Par contre, ceux qui ont trop dessiné et qui se sont trop dispersés, ont créé une sorte flou artistique autour de leurs travaux, ce qui fait que l’on a plus de mal à connaitre leur monde. Je suis très impressionné par des auteurs tels que Druillet ou Sempé, qui ont fait ce que je viens de vous expliquer. Il faut développer son espace visuel et artistique tout en évitant la répétition.

Depuis un certain temps, Petits Papiers organise des expositions dans lesquelles elle associe des auteurs de BD avec des artistes contemporains. Pensez-vous que l’on peut déjà tirer un bilan de cette démarche ?

Déjà, c’est une démarche très étonnante et même moi, j’avais quelques réticences au début, car je trouvais l’idée casse-gueule. Finalement, je dois dire que c’était une bonne initiative car cela brise des barrières entre des milieux qui ne se côtoyaient pas et qui ne devaient surtout pas se fréquenter, surtout du côté de l’art contemporain ! C’est la même chose aussi avec le monde littéraire et la BD. Mais aujourd’hui, on s’aperçoit que les artistes contemporains connaissent et aiment la bande dessinée. Certains étaient même très contents de participer à cette expérience ! Le résultat était surprenant. En ce qui me concerne, j’ai trouvé cela vraiment enrichissant, surtout ma rencontre avec Claude Viallat. Tout le monde avait vraiment joué le jeu.

C’est bien pour nous, mais c’est bien aussi pour le public car on décloisonne les domaines artistiques et cela permet d’amorcer une réflexion car on réalise qu’il y a toujours le même nombre de talents, que ce soit en littérature, peinture ou en BD. Même si je ne pratique plus la BD en tant que telle, c’est un moyen d’expression que je vénère et qui a une très grande importance à mes yeux.

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

L’exposition de bande dessinée et d’art contemporain, "Quelques instants plus tard..." se déroule en ce moment jusqu’au 3 février 2013 au Musée de la Bande dessinée d’Angoulême et pendant tout le Festival 2013.

Le site de la Cité de la BD

GALERIE PETITS PAPIERS SABLON
8A rue Bodenbroeck
Place du Grand Sablon
1000 Bruxelles
Tél. +32 (0) 2 893 90 30
Mobile +32 (0) 478 319 282
Courriel : contact@petitspapiers.be
Le site de l’événement

Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 18h30

BRAFA
Du 19 au 27 janvier 2013
Tour & Taxis – Entrepôt Royal
Avenue du Port 86 C Boîte 2 A / B-1000 Bruxelles
Tel : +32 (0)2 513 48 31 - Fax : +32 (0)2 502 06 86

info@brafa.be

www.brafa.be

tout public BRAFA
 
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9 Messages :
  • Mais enfin quel rapport avec la bd ces images ? Des illus sur toile, oui, peut-être, mais de la bd ?

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  • Papier peint
    17 janvier 2013 10:49, par Zombi

    "Je pense que l’argent y est pour beaucoup." : doux euphémisme. En un sens, c’est faire preuve d’une assez grande franchise de la part de M. Avril. S’il réussit dans ce milieu peu recommandable, car extrêmement ennuyeux, ce que je ne lui souhaite pas car c’est la pire des choses pour un artiste que de toucher le pactole, il ne pourra plus dire des choses comme ça.
    - Pour le reste, il me semble que M. Avril est beaucoup plus susceptible d’épater le chaland avec ses toiles (à sa place, je n’hésiterais pas à les proposer à des fabricants de papier peint belges - il n’y a pas de honte à faire de l’art un peu plus démocratique) que Bilal, qui ne tient pas la route. Bilal est presque aussi nul que Craig Hanna.

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    • Répondu par xav kord le 17 janvier 2013 à  20:18 :

      "Bilal est presque aussi nul que Craig Hanna."

      C’est une plaisanterie ou c’est juste pour faire son intéressant ? (une manuladie ?)

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      • Répondu par Bardamor le 4 février 2013 à  11:57 :

        Bon, disons que la philosophie "new age" à deux balles façon Jodorowsky, je m’en tape complètement. Dans le genre satanique, il y a des trucs beaucoup plus puissants, y compris en BD.
        Mais je voulais surtout parler du dessin. On dirait que Bilal a fait l’école de la propagande dessinée soviétique ; dans le portrait, où il est le moins mauvais, ça reste très stéréotypé. Et les meilleurs affichistes soviétiques ont plus de talent que Bilal.
        Je dis simplement que la mayonnaise art contemporain+BD me paraît plus difficile à monter à partir de Bilal que de François Avril. Je ne cherche pas à faire mon intéressant, pas plus que ceux qui disent : "Bilal, c’est génial !", "Picasso, trop fort !", "La Culture, j’adore !"
        Dès qu’un auteur de BD est un minimum honnête ou sincère, il le dit : la BD n’a rien à faire sur les murs d’une galerie ou dans un musée. Donc je suis curieux de voir comment on va pouvoir réussir à monter ce business, au-delà du truc fétichiste qui consiste pour des types pleins aux as à s’acheter à prix d’or une ou deux planches d’une BD qui leur rappelle leur adolescence.

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    • Répondu par Alex le 18 janvier 2013 à  03:06 :

      Peinture et bd ne semblent jamais trouver la connection. On y parle d’argent -bien entendu- on se recroqueville bien vite dans sa carapace... Tout cela est de la déco, du profit (et c’est "mal"). Je l’ai toujours pensé, il n’y a guère plus rétrograde que le fan de bd. Je fuis les festivals, les manifestations pour le genre car je risquerais de tomber (comme je l’ai fait souvent) sur tous ces gens qui véhiculent l’intolérance, l’incompréhension et favorisent le ghetto. Bien que je sois un amateur de bd il est simplement à constater que nous n’avons rien en commun. Et cette simple constatation devrait au moins vous faire réfléchir sur la richesse et la diversité du genre.

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  • Qui est capable de citer une bande dessinée de François Avril ?

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    • Répondu le 18 janvier 2013 à  08:59 :

      Ceux qui ont mis JC Denis à la tête du prochain salon d’Angoulème......................

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    • Répondu par Michel Dartay le 19 janvier 2013 à  14:15 :

      Les Humanos ont récemment réédité en grand format son Soir de Paris (prés de vingt ans après la première !). Et il a fait deux Cinémas chez Alain Beaulet.

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      • Répondu par Jacquot L’Eoptaire le 21 janvier 2013 à  01:46 :

        Si on veut être complet sur la carrière en bande dessinée de François Avril voici les faits :
        1985 : Sauve qui peut, sur scénario de Charles Berberian, éd. Carton / 1986 : Doppelgänger-SA, collection Atomium 58, éd. Magic Strip / 1986 : Le voleur de ballerines, scénario Yann, éd. Carton / 1989 : Soirs de Paris, scénario Philippe Petit-Roulet, collection Les yeux dans la tête, éd. Les Humanoïdes Associés / 1989 : El rebelde,le rebelle, dessins de Cyril Cabry, collection X, éd. Futuropolis / 1989 : Le chemin des trois places, scénario Jean-Claude Götting, éd. Futuropolis.
        Après cela quelques apparitions dans des collectifs dont le dernier est sorti en 1999.

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