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Alain Huberty, co-fondateur de la galerie Huberty & Breyne : "Nous évoluons au fur et à mesure, c’est une réflexion constante." [INTERVIEW]

Par Christian MISSIA DIO le 22 juin 2022                      Lien  
Depuis 1956, la Brussels Art Fair expose des œuvres haut de gamme, allant des antiquités à l’art moderne et contemporain en passant par les beaux-arts et le design. Se déroulant du dimanche 19 au dimanche 26 juin cette année au Palais 12 du Heysel, la BRAFA ne présente qu'un seul exposant de BD : la galerie Huberty & Breyne. À cette occasion, nous avons pu rencontrer Alain Huberty, le co-fondateur. Lors de notre entretien, il évoque la place de la bande dessinée dans l'art ainsi que les diverses évolutions et changements dans l'entreprise.

Vous êtes une nouvelle fois présent à la BRAFA et nous constatons que vous êtes le seul représentant de la BD. Que représente cet évènement pour votre galerie ?

Alain Huberty : Que la bande dessinée trouve sa place en tant qu’art au milieu de tous les styles qui sont présentés ici. C’était cela la consécration lorsque nous avons intégré la BRAFA, que la BD soit acceptée en tant qu’art et c’est toujours le cas aujourd’hui, même s’il est vrai qu’il n’y a plus beaucoup de galeries BD cette année...

Il n’y a que vous, en fait.

Oui, c’est vrai que les autres galeries (Champaka et la Belgian Fine Comic Strip Gallery, NDLR) ont toutes arrêté car il faut bien reconnaitre que les cinq ou six premières années, ce n’était pas très rentable d’être présent à la BRAFA, mais c’était important d’être là. C’est comme avec Christie’s. Au début, nous gagnions beaucoup moins d’argent lorsque nous faisions les ventes aux enchères avec Christie’s au lieu de faire les nôtres. Mais sur le long terme, nous y avions gagné car en étant adossé à une institution telle que Christie’s, on a augmenté la valeur de la BD sur le marché de l’art. Et c’est cela notre leitmotiv.

Alain Huberty, co-fondateur de la galerie Huberty & Breyne : "Nous évoluons au fur et à mesure, c'est une réflexion constante." [INTERVIEW]

Cette année marque un changement dans le retour de la BRAFA puisque cet évènement a déménagé. Il a quitté le site de Tours & Taxi dans le centre-ville de Bruxelles pour rejoindre le Palais 12 du Heysel dans le nord de la ville. Etes-vous satisfait de ce déménagement ?

Et bien au niveau de l’aménagement de la foire, on ne voit pas trop la différence. Il manque peut-être un peu de fleurs mais pour le reste, on retrouve la BRAFA que l’on a toujours connue en terme de décoration et de scénographie : c’est à dire douillet, feutré, très haut de gamme. Après, il y a la question de l’affluence qui se pose naturellement auprès des organisateurs et des exposants, est-ce que le public nous suivra dans ce nouveau lieu ? On ne peut pas encore répondre à cette interrogation pour le moment mais vous savez, il y a 10-12 ans, le quartier de Tours & Taxi n’était pas très fréquentable non plus. Donc, c’est vrai que d’un côté le site du Heysel, c’est excentré, c’est loin mais de l’autre côté, tout le monde connait le Heysel en Belgique.

Je pose la question car j’ai l’impression que votre stand est plus petit que d’habitude...

C’est exact et nous n’avions pas le choix en tant qu’exposant car les organisateurs ne savent pas encore si cette nouvelle édition de la BRAFA sera un succès vu le déménagement. Donc, les organisateurs n’ont pas voulu prendre de risques en louant un palais supplémentaire. Ce qui explique pourquoi nos stands ont perdu un tiers de leur surface habituelle.

Au niveau des artistes exposés sur votre stand, on retrouve les habitués : Avril, Geluck, Loustal,...

En effet, il y a les artistes que vous venez de citer. Il y a aussi Jean-Claude Götting et Miles Hyman dans les habitués. J’ai également deux nouveaux artistes avec qui je suis content de collaborer, François Roca et Ever Meulen. Du coup ici, nous sommes dans le coin Vuitton dans lequel il aurait dû y avoir des dessins de la ville de Rome réalisés par Miles Hyman, de Mexico réalisés par Nicolas de Crécy et Ever Meulen pour Bruxelles mais comme le stand est plus petit et que les dessins de Miles sont assez grands, je n’ai mis que des toiles de l’artiste franco-américain.

En dehors de la BRAFA, allez-vous assister à d’autres salons d’art durant ce second semestre 2022 ?

Avant la BRAFA, nous étions à Drawing now et Art Paris mais d’ici la fin de l’année, il n’y a rien de prévu pour le moment.
Ce que nous avons aussi prévu de faire, c’est de revenir à nos bases. C’est à dire que nous programmerons moins d’expositions mais qui durent plus longtemps. On s’est agrandi avec Les Arts dessinés afin de présenter des dessinateurs qui ne font pas forcément que de la BD. Nous allons aussi revenir sur des salons de BD tels qu’à Angoulême ou à Delémont, mais de manière plus réfléchie car nous pensons proposer des fardes d’illustrations, des passes-partout, de beaux cartels, etc.

Cette réorganisation est-elle due à la crise Covid-19 ?

Nous évoluons au fur et à mesure, c’est une réflexion constante. Nous avons des amis à HEC auprès de qui nous avons pris conseil, car nous nous sommes rendu compte que la galerie Huberty & Breyne a évolué. Nous sommes passés de quatre personnes, dont un employé, à quinze employés en très peu de temps. Donc, nous avons les maladies des jeunesses des entreprises qui grandissent trop vite mais nous nous faisons aider car il ne faut pas oublier qu’à la base je suis professeur de mathématiques, je n’ai aucune formation pour gérer une équipe de quinze personnes. Je reconnais avoir fait beaucoup d’erreurs mais aujourd’hui, je me fais conseiller pour que chacun trouve sa place et que l’entreprise aille de l’avant.

La crise Covid-19 a-t-elle impacté la galerie ? Et si oui, de quelle manière ?

Nous avons très bien vendu durant le Covid-19 grâce à notre magasin en ligne. Les confinements ont fait que les gens s’ennuyaient et pour se changer les idées, ils achetaient. Et la vente digitale est totalement intégrée aujourd’hui dans notre mode de fonctionnement. Donc pour répondre à votre question : non, nous n’avons pas souffert de la crise Covid-19.


Quels seront les temps forts de la rentrée ?

À Bruxelles, depuis le 17 juin et jusqu’au 27 aout, nous proposons une exposition intitulée The Traveler, imaginée et orchestrée par David Merveille. À Paris, à la galerie Huberty & Breyne – Matignon, nous organiserons une sorte de BRAFA au cours de laquelle nous présenterons des œuvres d’artistes que nous défendons.
La rentrée 2022 sera chaude car nous proposerons une exposition consacrée à Claire Bretécher à Paris, ainsi qu’une expo Zep toujours à Paris. À Bruxelles, nous proposerons une expo Marc-Antoine Mathieu, ainsi qu’une exposition intitulée “Onomatopée” qui reviendra sur un de mes amours de jeunesse qui consiste à casser les arts. Cette expo sera dirigée par Cécile Angelini et elle aura carte blanche pour créer cette exposition qui aura lieu en décembre.

Des nouvelles de votre fille Elisa Huberty, travaillez-vous avec elle aujourd’hui ?

Elle a ouvert une galerie à Bruxelles située rue Blaes dans le quartier des Marolles. La galerie s’appelle « TWXS » pour that’s what x said et qui se positionne en tant que galerie d’art militante sur tout ce qui va de travers dans notre monde aujourd’hui. Il y a pas mal de jeunes qui sont très engagés sur les questions de l’écologie, des LGBTQIA+, de la grossophobie. Elisa Huberty partage ces valeurs d’égalité et elle fait sa part pour faire avancer les choses. TWXS est une partie de la galerie Huberty & Breyne mais dont je ne me mêle pas car Elisa la gère de A à Z.

Je profite de l’occasion pour vous annoncer que mon associé Marc Breyne a ouvert une nouvelle galerie. Je précise que Marc et moi sommes toujours associés mais à un moment, nos visions ont divergé. Marc ne se plaisait plus au Chatelain car notre galerie bruxelloise correspond à mon idéal, c’est-à-dire un “white cube”, tandis que lui avait plus envie de revenir à une sorte de “cabinet de curiosités”. Nous avons donc décidé ensemble d’ouvrir un nouvel espace de 150 m² qui est aussi situé rue Blaes mais au numéro 32. Sa galerie s’appelle “MARC by H&B” qu’il gère seul, il fait ce qu’il veut, je n’interviens pas sur la programmation de sa galerie et lui n’intervient plus dans la galerie du Châtelain. Nous sommes chacun à la tête d’une galerie qui fait partie du même groupe mais avec deux visions différentes.

Donc, vous êtes toujours mariés mais vous avez des arrangements (rires) ! Et donc, tous ces changements ont eu lieu durant la période du Covid-19 ?

Quasiment, oui. Et il y a aussi la collaboration avec Frédéric Bosser qui correspond à une envie qu’ont certains artistes d’exposer leurs œuvres. Là, nous avons exposé Pat Andréa, à la rentrée ce sera au tour de Gérard Garouste en septembre. Et la thématique c’est le dessin, le dessin qui vient de la BD ou de la BD pour enfants. Parce que nous nous sommes rendus compte que des artistes tels que Andrea ou Garouste ont leur galerie dans laquelle ils exposent leurs tableaux qui valent des fortunes, mais personne ne s’intéresse à leurs dessins, en fait ! Et là, nous avons senti qu’il y a quelque chose d’intéressant à faire. Et comme Frédéric Bosser avait très envie de rouvrir une galerie, nous avons travaillé ensemble pour lancer ce nouveau projet. Maintenant, mon autre priorité est que j’arrête de croître et que je me concentre sur la coordination de tous ces projets, car j’ai encore plein d’idées. Par exemple, une collaboration avec deux galeries d’art en Suisse, à Lausanne et à Genève. C’est beaucoup de projets en perspective.


Voir en ligne : Visitez le site de la galerie Huberty & Breyne

(par Christian MISSIA DIO)

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Code EAN :

Huberty Breyne Belgique BRAFA
 
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7 Messages :
  • Je suis navré de voir que l’on parle de bande dessinée à la BRAFA quand je vois ce qui est exposé ! Certes œuvres de belles qualité mais rien de bande dessinée ! Des auteurs de bd qui font des illustrations et des peintures ! Point de planches ! Donc la bd n’est pas représentée !

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  • Autant pour moi je n’avais pas vue toutes les photos présentées ! Toutes mes excuses !

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    • Répondu le 4 août 2022 à  22:11 :

      On écrit « au temps pour moi » et non pas « autant pour moi ».

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      • Répondu le 6 août 2022 à  08:24 :

        La plupart des auteurs bd qui sont présents, sont des auteurs mainstream, dont les travaux débordent largement du cadre de la bd et dont certaines œuvres trouvent une cote sur le marché de l’art. Il n’y a pas à vrai dire de planches bd d’auteurs et autrices moins médiatiques et qui pourraient représentaient une bd plus populaire.

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        • Répondu le 6 août 2022 à  21:54 :

          Je croyais que "mainstream" ça voulait dire populaire, justement. Si Geluck n’est pas de la BD populaire, je ne sais pas ce que c’est. Peut-être pas de la Bd du tout.

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          • Répondu le 9 août 2022 à  09:10 :

            Un courant mainstream est plutôt le choix d’une élite pour l’imposer au peuple, et non pas le contraire. Geluck, dès le départ, faisait un mixe entre le livre d’illustration et la bd. Donc, pas de la bd.

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  • Les amateurs de BD ne jurent apparement que par les planches de leurs dessinateurs préférés et critiquent les galeries qui hébergent leurs artistes dans leurs écuries afin d’imposer leur "bon goût" au grand public. Ce raisonnement ne tient pas compte du fait que le monde de l’art actuel, avec ses foires et ses galeries, souffre d’une grave anémie. Le fondateur de Patagonia a passé une grande partie de son temps dans des régions rudes où il a été l’un des premiers à faire l’expérience du changement climatique. Quelqu’un qui est entré dans le monde de l’art avec une motivation similaire doit donc avoir ressenti lui aussi la pauvreté de la période actuelle en matière d’art. Une injection créative du monde numérique, du monde de la bande dessinée, ... est donc plus que nécessaire. Des œuvres de grands noms de la bande dessinée qui sont allés vers l’art, comme Lorenzo Mattotti, François Schuiten, Edmond Baudoin, ... de nouveaux artistes comme Elene Usin mais aussi un Michael Depoorter du monde numérique montrent ce qui est possible lorsque les frontières deviennent floues. Et bien sûr, dans ces formes d’expression plus récentes comme la BD, nous devons regarder au-delà du purement commercial, comme dans toute autre expression. L’art "produit" est l’œuvre qu’un artiste (par exemple Bilal, sans vouloir porter atteinte aux merveilleuses bandes dessinées de ce dernier) réalise parce qu’il existe un marché que des galeries jardinent . Aussi l’ énergie des jeunes, le sexe ... se sont toujours bien vendues. Il en va de même pour Manara. En conclusion, l’histoire filtrera la qualité, mais il est certain que le monde de la bande dessinée d’aujourd’hui devrait devenir un peu plus gentil avec ses héros qui sont en train de rentrer dans le monde de l’alph-art.

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