Écrans

Gen V : le spin-off de The Boys débarque tout feu tout fuck sur Prime Video

Par Jaime Bonkowski de Passos le 30 septembre 2023                      Lien  
Série culte du comics Underground devenue phénomène du petit écran : "The Boys" est perçu comme un jalon de la sup-sploitation (films / séries de super-héros). Et qui dit jalon dit pognon : Sony et Amazon ne sont pas du genre à laisser une vache à moitié traite. Débarque donc sur Prime Video "Gen V", premier spin-off live-action de la série qui explore une nouvelle facette de l'univers du Homelander : la fac. Et de prime abord, ça dépote. Mais...

ATTENTION, CETTE CRITIQUE PORTE UNIQUEMENT SUR LES TROIS PREMIERS ÉPISODES DE LA SÉRIE, DIFFUSÉS LE 29 SEPTEMBRE

Marie Moreau est une jeune adulte touchée par la grâce du composé-V : elle est douée de supers-pouvoirs et peut manipuler le sang. Un seul rêve l’anime au quotidien, rejoindre l’élite des supers et faire partie des 7 aux côté du Homelander, A-Train, The Deep et consort.

Une seule route peut l’y mener et elle passe par la Godolkin University, un campus dédié aux jeunes supers en quête de leur identité. Cursus anti-crime pour apprendre à devenir un justicier, cours de théâtre pour devenir une future star des tapis rouges, et leçon de brand-management pour devenir un as des réseaux sociaux : chacun trouvera sa place à la Godolkin University.

Mais un secret morbide semble larvé au coeur de l’établissement et bien contre son gré, Marie se retrouve embarquée dans une série d’événements qui risquent bien de secouer la communauté super-héroïque jusque dans ses fondations.

Gen V : le spin-off de The Boys débarque tout feu tout fuck sur Prime Video

C’est "The Boys" en mode "American Pie" (avec un peu de "Scooby-Doo")

Full Disclaimer : l’auteur de ces lignes est un très grand fan du comics de base et de la série-mère (vite vite la saison 4). Je me suis donc lancé dans Gen V déjà partiellement conquis, et pour mon plus grand plaisir la série coche effectivement une longue liste des qualités qu’on espère retrouver dans un produit issu de l’univers The Boys.

Pêle-mêle : du gore très gore, des personnages bien trempés, des effets spéciaux impeccables, des acteurs au top, les inévitables séquences sexuellement explicites ô combien dérangeantes, et un discours au vitriol sur la société du divertissement, le capitalisme, Hollywood, et tout le reste.

Jusqu’au traitement de l’image, la colorimétrie, les plans de caméras, la direction d’acteur : Gen V applique à la lettre la recette des trois premières saisons de The Boys, et le spectateur n’est pas dépaysé pour un pouce. Si on a aimé The Boys on va évidemment dévorer Gen V pour exactement les mêmes raisons (et si on a détesté The Boys, vice-versa).

Toutefois avec un peu de recul, force est de constater que le spin-off peine à faire valoir un intérêt qui lui serait propre. Certes, on retrouve ce qui a fait le succès de The Boys, mais c’est précisément le problème : le fond est le même, l’histoire est juste racontée avec des personnages et un contexte différents, et des enjeux un peu remaniés.

La principale différence entre les deux séries vient du fait que cette fois, l’histoire est racontée du point de vue de personnages ayant des super-pouvoirs, là où The Boys nous met dans la peau de civils dépassés par la puissance des supers, qui tentent à leur échelle de faire valoir leur justice.

Mais les leçons de morale que le spectateur tire de chaque épisode sont peu ou prou identiques : Vought est une entreprise diabolique, le néo-capitalisme hybridé à la société du spectacle c’est pas bien, idolâtrer des héros déséquilibrés c’est dangereux, instrumentaliser les minorités et les souffrances des gens pour le pognon c’est atroce, le MCU c’est bidon...

Gen V remet une couche d’acide sur tous les thèmes déjà abordés par The Boys mais sans parvenir à rajouter un degré de contestation ou une profondeur d’analyse supplémentaire. Ce qui est assez dommage vu qu’on explore cette fois l’univers sous le regard des super-héros. C’était l’occasion de déplacer le scope pour mettre en scène une autre lecture des super-pouvoirs, et un autre regard sur la société fascinée par les héros.

Mais ce n’est pas ce qui est proposé. Les dilemmes moraux rencontrés par les personnages sont les mêmes que dans The Boys ("jusqu’à quel point puis-je effacer ma personnalité pour me conformer aux attentes de Vought" par exemple), les supers sont présentés de la même manière : pas fondamentalement mauvais mais très fragiles psychologiquement, égoïstes, violents...

En clair, tout ce que nous disaient déjà The Boys le comics et The Boys la série est répété à l’identique dans Gen V.

Même le personnage principal Marie Moreau (campée par une brillante Jaz Sinclair), ressemble beaucoup dans son développement à Starlight : une jeune super qui essaie d’équilibrer sa vie entre ses rêves, sa morale, et la réalité d’une industrie qui cherche à la contrôler par tous les moyens.

Les héros de demain

Au niveau du casting, hormis quelques caméos, Gen V se concentre sur une flopée de nouveaux personnages (qu’il serait d’ailleurs intéressant de voir évoluer dans la série principale par la suite), dont un quatuor de tête hyper-attachant : Marie, André (sublime Chance Perdomo), Cate (Maddie Philips) et Emma (Lizze Broadway).

Ces quatre personnages apportent chacun un regard différent sur leur super-identité, et s’avèrent très attachants. À l’instar des héros de The Boys, leur côté "super" est polarisé par de lourds traumas et une difficulté à trouver leur place dans le monde, qui les rend finalement plus humains que la plupart des non-supers de la série.

La palme du meilleur personnage revient cependant à l’exceptionnel.le Jordan Li, superbement joué par Derek Luh et London Thor (oui, oui, deux acteurs pour un seul rôle, vous verrez, c’est génial). Jordan incarne la question de l’identité de genre et le poids du regard sur les personnes trans, d’une manière aussi frontale que touchante. En plus d’avoir droit à la meilleure scène d’action de la série à date : on est #TeamJordan ici.

Ensemble, ce petit gang de super-héros en devenir va enquêter sur le campus pour résoudre le mystère de la mort d’un de leurs camarades, et lever le voile sur la réalité des activités de Vaught à la Godolkin University.

L’intrigue en tant que telle ne casse pas trois pattes à un super-canard, mais les héros sont assez attachants pour qu’on veuille les suivre et qu’on s’investisse pour eux. Et une fois de plus, l’univers global est très cool à explorer.

PEGI 18

Aussi débridée que The Boys dans sa violence crue et sanglante, surtout avec une héroïne qui manipule le sang, et dans sa représentation d’une sexualité adaptée aux capacités et morphologies des supers héros (vous voyez très bien ce que je veux dire), Gen V sait exactement ce que ses fans attendent, et nous le délivre sans retenue.

À tel point que ça en devient presque excessif, comme si la violence et le sexe bizarre devenaient des gimmicks de l’univers The Boys tout en haut du cahier des charges. Pour le moment, toutes ces séquences restent bien senties, mais gare à l’usure et à la lassitude. Les scènes d’action sont excellentes et bien dosées, l’humour acerbe fonctionne, les dialogues sont naturels... Ils en font peut-être un poil trop sur la caricature du "jeune de 2023" (ce fameux jeune qui ne se nourrit que de hashtags et passe sa vie en live sur TikTok), un peu plus de subtilité n’aurait pas rendu le message moins clair.

Mais une fois de plus, le spectateur le plus cynique (dont votre serviteur) ne manquera pas de relever que tout aussi contestataire et révolutionnaire que puisse être la série, elle reste, comme sa grande sœur, produite par Sony et Amazon, soit deux avatars bien réels de Vaught au moins aussi maléfiques.

Naturellement, ça n’invalide pas le discours tenu par les deux séries. Et en matière de représentation, de dénonciation grand public du traitement des minorités par l’industrie du divertissement, l’instrumentalisation des luttes, et la cupidité des entreprises, peu de production aussi importantes sont allées aussi loin.

N’oublions juste pas que derrière tout ça, il y a mister Bezos et toute une gigue de grands dirigeants : précisément ceux tournés en ridicule par The Boys et Gen V, mais qui vont quand même s’en mettre plein les fouilles grâce à la franchise. Ah, le capitalisme...

Et donc, Gen V n’est pas naze du tout, au contraire. Niveau plaisir de visionnage et divertissement, le contrat est rempli et on passe un très bon moment. Dans le paysage actuel de séries qui défilent en flux tendu, l’univers du Homelander a pour lui d’être hyper-singulier et très cathartique à explorer.

Mais on se souvient que The Boys avait résonné comme un coup de tonnerre dans le monde des adaptations de super-héros. Et on regrette de constater que Gen V n’a pas l’ambition d’essayer de faire de même, et se contente de réappliquer une recette certes efficace, mais déjà vue.

(par Jaime Bonkowski de Passos)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

"Gen V", une série créée par Craig Rosenberg, diffusée sur Amazon Prime Video, produite par Sony Pictures Television et Amazon Studios Production.

Crédits photos : © captures d’écran / Sony Pictures Television & Amazon Studios Production

adulte Super-héros Humour parodie Action Arts martiaux, Combats
 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Jaime Bonkowski de Passos  
A LIRE AUSSI  
Écrans  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD