César et Alexandre sont deux Américains « moyens ». Sans beaucoup de culture ni d’ambition, ils vivotent chacun de leur côté et se retrouvent de temps à autre pour boire une bière. Ils ont leurs obsessions : César observe sa décrépitude physique et Alexandre, vaguement mystique, rêve d’un Dieu incarné en Elvis Presley. Rien ne vient vraiment bousculer leur quotidien, jusqu’au jour où la mort d’un homme, sans qu’ils s’en doutent, va sceller leur destin.
Un matin, César se réveille avec un chien au pied de son lit. Massif, laid et pataud, l’animal lui colle aux basques. C’est le chien d’un mort. Comment s’en débarrasser, puisqu’il n’est plus possible de le rendre à son propriétaire ? César ne souhaite pas le garder, mais il ne peut se résoudre à l’abandonner alors que même la SPA n’en veut pas. Il entreprend donc de retrouver des proches ou des connaissances du mort : n’importe qui, du moment qu’il puisse confier le chien.
Flanqué d’un Alexandre plus curieux que réellement malin, César voit malgré lui sa quête se transformer en véritable enquête policière. Sous prétexte de dénicher une information qui permettrait de se débarrasser du chien, Alexandre multiplie les interrogatoires comme s’il était flic. Mais, à fourrer son nez partout, le duo risque au mieux de tourner en rond, au pire de provoquer les mauvaises surprises.
Hound Dog est la seconde bande dessinée de Nicolas Pegon. Spécialisé dans l’animation, notamment pour Miyu Productions, il a déjà signé Les Os creux, la tête pleine, publié en 2019 par les Éditions Réalistes. Son nouveau livre édité par Denoël Graphic confirme sa maîtrise graphique et narrative. Hound Dog est un polar dont la solidité et la saveur sont fondées sur l’ambiance, les personnages - principaux et secondaires - et la peinture d’une Amérique grisâtre, dure, guère réjouissante.
L’intrigue n’est pas totalement secondaire et réserve même quelques surprises. Mais l’essentiel est ailleurs. César est désabusé et malgré tout déterminé à trouver une place au chien qui lui est tombé du ciel. Alexandre fanfaronne, mais est moins fiable qu’il ne le paraît. Leur vie est terne, comme la ville qu’ils sillonnent, et cache des fragilités et des frustrations mal digérées. L’atmosphère est poisseuse, presque glauque. L’ensemble rappelle un peu les romans de Jim Thompson ou de Dennis Lehane.
Les choix graphiques de Nicolas Pegon renforcent ces aspects. Les aplats bruns et ocres contrastent avec les gris-bleu, faisant osciller l’ambiance entre saleté et froideur. L’importance du noir, soulignée par un encrage puissant à la manière de Brüno, est primordiale. Elle enveloppe les personnages, reflète leurs pensées et résume l’histoire qu’ils vivent. Les compositions sont simples, efficaces, poussant à lire cette bande dessinée d’une traite.
L’ombre tutélaire d’Elvis, qui hante les pages de Hound Dog, est à l’image de l’Amérique et des personnages mis en scène par Nicolas Pegon : dépassée, désuète, décalée. Mais elle est toujours là.
(par Frédéric HOJLO)
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Hound Dog - Par Nicolas Pegon - Denoël Graphic - direction éditoriale par Jean-Luc Fromental - conception graphique par Nicolo Giacomin - 19 x 26,8 cm - 200 pages couleurs - couverture cartonnée - parution le 13 avril 2022 - 24,90 €.