L’héritage Wagner — Par Desberg et Van der Zuiden — Éd. Grand Angle/Bamboo

Héritier de la famille Wagner, Wieland ancien proche du führer, cherche dans l’Allemagne de l’après-guerre à rompre avec les pratiques d’une autre époque, celle qui a conduit son pays à la ruine. Période dont les traumatismes et les réminiscences restent encore présents jusqu’aux années 60.

Devenu un metteur en scène exigeant et prestigieux, le petit fils de Wagner veut redonner vie et grandeur à la musique de son aïeul. Pour cela il lui faudra affronter les démons de son propre passé et les secrets qu’il a toujours refoulés. De son côté, une jeune chanteuse d’opéra, Anja, cherche à bousculer les convenances et les codes du monde musical allemand encore très ancrés sur la tradition. Passionnée et engagée, la belle cantatrice devient la maîtresse de Wieland. De leur rencontre va naître une passion vive et intense, mais Anja et Wieland vont se retrouver face aux gardiens du temple de Bayreuth, une élite conservatrice, nostalgique du troisième Reich mais principale bailleur du célèbre festival. D’Amsterdam à Venise, en passant par Berlin, nous suivons l’idylle des deux amants sur laquelle ne cesse de planer l’ombre du troisième Reich, et les exterminations d’Hitler.

La mise en images renvoie parfois à celle utilisée à l’opéra.

Après les Anges d’Auschwitz (édité chez Paquet) et Aimer pour deux, paru chez Grand Angle, Stephen Desberg semble boucler ce qui s’apparente à une sorte de trilogie inscrite dans le contexte, ô combien tourmenté de la Seconde Guerre mondiale. Associant souvenirs et histoires personnelles, l’auteur revisite à sa façon la grande histoire en nous invitant à suivre des parcours particuliers et intimes. Ici, c’est d’abord la passion que provoque l’œuvre de l’auteur de la Chevauchée des Walkyries chez le scénariste qui est à l’origine de cet album. La « récupération » par le régime nazi, l’ambiguïté du musicien et sa place si particulière au sein de la culture allemande : tout cela nourrit, aujourd’hui encore la réputation sulfureuse Wagner.

A travers les destins croisés de Wiland et Anja, le récit révèle de manière subtile et documentée les traumatismes et les contradictions qui ont traversé cette génération d’après-guerre. Si Wagner demeure l’immense compositeur admiré par Desberg, cela ne justifie en rien d’ignorer les aspects les plus sombres et les plus discutables de sa pensée et de son œuvre. Des aspects qui n’ont cessé d’imprégner une partie de l’aristocratie allemande.

Exigeant et documenté, le scénario est brillamment soutenu par le dessin précis et fluide d’Emilio Van Der Zuiden auquel les couleurs de Jack Manini apportent une grande lisibilité. Les variations de tons et d’ambiances colorées guident le lecteur à travers les différentes périodes d’un récit dense de destins profondément malmenés et victimes de l’histoire !

Un album exigeant au discours solide, original et... important !