L’histoire de la Belgique de nouveau à l’honneur avec les Éditions Anspach

D’un côté, Ostende, en 1905 : le roi Léopold II, qui sera ensuite rejoint par sa jeune compagne, Blanche Delacroix, enceinte, est attendu au chalet royal. Il doit y retrouver un émissaire du Shah de Perse. Seulement, il règne une drôle d’ambiance du côté de la « Reine des plages » : peu avant l’arrivée du roi, le corps du diplomate est retrouvé sans vie au Royal Palace. La dame qui l’accompagnait, elle, a disparu...

Parallèlement, un vent de contestation souffle sur la côte belge : des maquereaux fraîchement pêchés sont déposés devant la demeure royale, pour dénoncer les mœurs du roi. Voilà deux affaires pour le commissaire Ansor, qui va devoir faire preuve de sagacité, de diplomatie, et de finesse, qui ne sont a priori pas ses qualités premières, mais cet homme au premier abord un peu bourru et friand de bonne chère a plus d’un tour dans son sac pour établir des liens insoupçonnés entre ces deux affaires, via le peintre James Ensor...

De l’autre, Coq-sur-mer, en 1933 : Albert Einstein, prix Nobel de physique en 1921, s’y réfugie en avril. Depuis plusieurs mois, il regarde avec inquiétude les succès grandissants du parti nazi. L’un de ses collègues physiciens a déjà été drogué à Berlin.

La fouille de sa maison, alors qu’il était en voyage aux Etats-unis, le convainc de quitter l’Allemagne, non sans avoir pris soin de brûler ses archives. Il s’installe cinq mois à Coq-sur-Mer, mais les nazis le traquent, cherchant à utiliser les travaux du savant et faire de l’atome un moyen de propulsion pour avion. Entre deux morceaux de violon, Einstein fait la connaissance du peintre James Ensor, qui vient de récupérer les toiles qu’il a exposées à Berlin. Einstein veut absolument les récupérer : et si le sort de l’humanité en dépendait ?

Ostende 1905 est scénarisé par Patrick Weber et dessiné par Olivier Wozniak ; Coq-sur-mer 1933 est scénarisé par Rudi Miel et dessiné par Baudouin Deville  : on retrouve ainsi une partie du succès qui a lancé les Éditions Anspach avec Sourire 58 en 2018, puis avec les albums de la série « Kathleen », avec leur scénariste dans le premier album, et leur dessinateur dans le second. Une fois n’est pas coutume, soulignons le remarquable travail d’encrage, reflet d’un travail éditorial soigné, de Bérengère Marquebreucq pour Coq (qui est créditée sur la couverture), et de Cerise pour Ostende, qui mettent notamment en lumières les contrastes qu’offre la côte belge.

Les deux albums offrent deux polars de très bonne facture, qui offrent leur galerie de personnages truculents : Léopold (surnommé « Très Vieux » par sa belle !) passe pour un beau gougnafier à la recherche d’un coupable, quel qu’il soit, pour s’acheter une paix diplomatique ; la tenancière d’un restaurant haut-de-gamme chez qui le commissaire Ansor prend ses habitudes est une parfaite intrigante, tandis que le fils du commissaire, militant au POB (Parti Ouvrier Belge), donne (dans un premier temps) bien du fil à retordre à son père ; à Coq, l’intrigue est davantage centrée sur le personnage principal, Einstein, qu’il est toujours étonnant de découvrir dans sa seule humanité, mélomane, comme le dernier rempart d’un monde prêt à s’auto-détruire. On découvre également une belle curiosité du côté de Laeken, avec ce pont qui relie la propriété royale à la villa Van der Borght, où loge Blanche Delacroix.

Des deux côtés, la peinture de James Ensor, expressionniste ostendais, constitue un opportun fil rouge pour relier le patrimoine local et la « grande histoire » (inter)nationale. Et, on l’aura compris, une partie de la clé des énigmes s’y trouve.

En maniant habilement fiction et réalité, servies par un style efficace et très proche de la ligne claire, accompagnées par des ces deux cahiers historiques richement documentés sur les thématiques abordées et les personnages rencontrés, ces deux nouvelles productions confirment la place de cet éditeur parmi les valeurs sûres du marché actuel.