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La Directrice - Par Coq - Dynamite (La Musardine)

Par Charles-Louis Detournay le 1er octobre 2023                      Lien  
Petit retour en arrière sur un album qui nous avait échappé : un récit qui peut se lire indépendamment, mais qui s'avère aussi être le troisième tome des "Aventures de Karine", une série emblématique des années 1990 et 2000.
La Directrice - Par Coq - Dynamite (La Musardine)
La première parution en album en 2000
Première couverture en 2000

Artiste multiple (peintre, graphiste, plasticien, dessinateur de presse mais aussi musicien, compositeur, auteur et interprète), Coq a œuvré par vagues pour la bande dessinée érotique.

Tout d’abord dans un magazine (1986), puis dans un premier album en 1991, avant de réellement s’y investir à la fin des années 1990 dans les pages de Bédé X. Coq entre alors dans une intense période de production, notamment avec Les Aventures de Karine, L’Étrange Docteur Mazsovitch, Punitions pour Bella Postic, etc.

Chez Coq, les jeux sexuels sont intenses, avec une part de soumission, mais toujours avec la notion de plaisir en point de mire. Le meilleur exemple sont les deux tomes des Aventures de Karine, secrétaire de son état, empressée de jouer de son corps. Certes, elle perd le contrôle de la situation, mais cette fragilité pimente la relation. De plus, les nouveaux plaisirs qu’elle découvre exacerbent les pratiques auxquelles elle s’est soumise, parcours initiatique d’une oie pas si blanche que cela.

Pour Coq, les femmes ne sont d’ailleurs pas reléguées au rang de jouets sexuels pour les hommes. Elles sont tour à tour timides ou volontaires, provocatrices ou ingénues, exigeantes ou faussement soumises. Coq soigne d’ailleurs le caractère de certaines d’entre elles pour qu’elles dominent l’échange, quel que soit le partenaire. Sans tomber dans un sado-masochisme hard, il est davantage question de guider l’autre pour obtenir son plaisir, sans interdit.

Au début des années 2000, IPM (International Presse Magazine) avait publié en noir et blanc les histoires que Coq avait réalisées pour Bédé X. Une absence de couleur justifiée par une publication en l’état des planches dans le magazine. Coq savait appuyer son trait pour souligner les formes de ses corps et l’agrémenter de généreuses nuances de gris, destinées à mettre en lumière la lingerie de ses dames. Son trait quelquefois rugueux semblait dévolu au noir et blanc.

La nouvelle version colorisée du premier tome

Il y a cinq ans, Dynamite avait commencé la réédition de ces albums en osant le le choix de la couleur. Une entreprise risquée pour des planches au noir et gris très travaillés, mais qui permettait de remettre sous le feu des projecteurs le travail de Coq. Pour notre surprise, cette initiative s’est concrétisée par une belle réussite, car le choix des couleurs souligne les qualités des dessins, magnifiant le travail de mise en lumière opéré par l’auteur. Un soin guidé par le fait que c’est Coq lui-même qui a réalisé chacune des mises en couleurs.

Et dans l’accord passé entre l’auteur et La Musardine, se trouvait également l’envie de réaliser un troisième album des Aventures de Karine, près de vingt ans après avoir arrêté cette série et cessé de dessiner de cette manière. Paru en 2020, cet album judicieusement intitulée La Directrice était passé sous notre radar. Et lorsque nous avons découvert son existence il y a quelques semaines, il nous a paru évident qu’il fallait urgemment en parler.

Changement d’époque dans ce tome 3 : maintenant ce sont Karine et ses amies qui s’amusent avec des hommes jouets

Dressons tout d’abord le tableau : les années ont passé pour Karine, et la petite secrétaire qui subissaient les affres de ses collègues et de son directeur a grimpé les échelons pour devenir elle même cadre importante. D’où le titre de La Directrice !

Une fonction qui s’accompagne de son lot de problèmes et de responsabilités, notamment celle d’enquêter sur le trou financier de près d’un million d’euros que le département de Karine a découvert dans les finances de leur société. C’est le résultat dés malversations opérées par Ropparz, un autre haut dirigeant de la boîte, que Karine ne supporte pas car il profite de sa position pour abuser sexuellement ses subalternes. Une conduite que Karine trouve inacceptable, entre autres à cause de ce qu’elle a subi précédemment.

Est-ce d’ailleurs la conséquence de ces précédentes jeux érotiques auxquelles la belle blonde était souvent soumise ? Mais Karine a découvert qu’elle ressent maintenant beaucoup de difficultés à atteindre l’orgasme. Et les maisons de plaisir où l’invitent ses copines n’y changent pas grand chose… Karine s’en ouvre à sa psy : elle fait des rêves ou elle est attachée et soumise à des jeux érotiques de plus en plus plus poussés. Comment se sortir de cette escalade de la mise en scène pour retrouver du plaisir ?

C’est avec beaucoup de joie que l’on retrouve Coq avec celle qui reste certainement la plus emblématique de ses héroïnes, l’ingénue Karine. Coq a heureusement su évoluer et sortir de cette ornière pour livrer cette suite vingt ans plus tard. De quoi combler les amateurs de la série tout en apportant un nouvel aspect, dans le découpage, le dessin et le traitement de la thématique !

Parlons tout d’abord du récit : l’auteur a su comprendre que les mœurs dévoilées dans les deux premiers tomes n’avaient heureusement plus cours dans le milieu du travail, en tout cas pas de manière décomplexée. Il est donc parvenu à maintenir le cadre du travail tout le modernisant. Non seulement Karine dirige, mais ces pratiques sont maintenant bien condamnées comme du harcèlement. Le fait d’évoquer les fantasmes et les envies de Karine, en tant que femme mûre qui cherche à retrouver le plaisir, est également une excellente piste. Le tout nous donne un polar qui se lit avec beaucoup de plaisir, que l’on ait apprécié la série ou que l’on soit un nouveau lecteur.

Pour ce salaud de Ropparz, toutes les occasions sont bonnes pour abuser de ses victimes

Quand au traitement graphique, il diffère bien entendu des deux premiers tomes réalisés avec beaucoup de nuances grisées. Ici, l’auteur a travaillé sur un trait plus entier, en laissant volontairement cette fois plus de place à la couleur. Son expérience numérique livre un très beau rendu, qui s’approche d’une mise en couleur traditionnelle. Enfin, dans la mise en page des cases, Coq a aussi revu ses précédentes juxtapositions qui sont passées de mode.

Une transformation donc des plus réussies, et qui donne envie de bénéficier encore d’une suite à cette série. Sait-on jamais : rêver permet parfois d’accomplir ses fantasmes, comme dans le cas de Karine ?

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782362345098

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