Condamné à mort pour le meurtre de son épouse qu’il soupçonnait d’adultère, le peintre fuit et s’exile dans la forêt de Fontainebleau. C’est un homme aigri par une société qu’il considère comme absurde mais dans laquelle il est contraint et forcé d’évoluer. On découvre à travers les pages de Duchazeau, un de ces individus persuadés de détenir la vérité : il a le monopole du bon goût, de ce qui est beau et correct. De retour à l’abbaye où il a appris à peindre, l’artiste entame une retraite spirituelle caractérisée par la pratique de la peinture dans le but de percevoir les dessous des choses, les représenter intrinsèquement. Ainsi, il déclare « Jamais un peintre qui se respecte ne doit toucher un pinceau s’il n’a pas son modèle sous les yeux. »
Ce récit est aussi caractérisé par la période qu’il décrit. Entre royalistes et révolutionnaires, c’est une lutte à mort et les exactions sont nombreuses. Égoïste et égocentrique, Lazare Bruandet trouve en la peinture un refuge dans son monde en perdition. Le personnage est extrêmement bien dépeint, entre rage et désespoir. L’auteur de ce roman graphique, Frantz Duchazeau développe une psychologie complexe et habilement construite, faite d’un tempérament violent, désagréable et antipathique justifié par des traumatismes graves vécus tout au long de sa vie. Peintre-guerrier, fin bretteur, il défie le monde en essayant d’en illustrer la beauté. Il manie aussi bien l’épée que le pinceau et les mots. Il peint, en reniant l’académisme, pour la beauté du geste. La postérité ne l’importe guère, il est « l’Artiste » dans le sens le plus noble du terme.
Bruandet,peintre méconnu, compte pourtant une quarantaine de tableaux référencés. Il réalisa à son échelle une petite révolution artistique. C’est le premier véritable paysagiste français, un amoureux convaincu de la nature. Son œuvre et ses représentations de paysages ont transformé le genre : une véritable rupture à l’époque. Formaté par ses névroses, le peintre est victime de ses émotions. Exigeant avec lui-même, on pense qu’il est à l’origine de la destruction de la plupart de ses travaux. Lors d’un retour de chasse le roi Louis XVI déclarera, « Je n’ai croisé que des sangliers et Bruandet ». Les nombreuses lacunes présentes dans sa biographie sont un terrain propice à la créativité scénaristique.
Ce portrait atypique au texte brillant est porté par un dessin irréprochable doté d’un élégant travail à la plume et au fusain de la part de Duchazeau, venant rendre hommage au travail du peintre et à ses couleurs. Un récit original sur l’un de ces grands oubliés de l’Histoire des Arts, qu’il est intéressant de redécouvrir aujourd’hui.
(par François RISSEL)
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Lazare Bruandet, le peintre hors-la-loi. Par Frantz Duchazeau - Casterman
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