Les Petits Riens T. 9 : Les chemins de désir - Par Lewis Trondheim - Ed. Delcourt

Lewis Trondheim ne surprend pas avec ce nouveau tome des Petits Riens. On y retrouve la structure classique de la série : une succession de gags extrêmement bien ficelés qui prennent racine dans la vie quotidienne de leur auteur.

On sait que Trondheim – non sans ironie – affirme souvent qu’il ne sait pas dessiner. Pourtant, comme chacun le sait, son œuvre démontre le contraire. Une page particulièrement marquante de ce dernier tome est celle où il dessine un panneau qui se trouve sur un parking. Cette page concentre bien des aspects de son travail : déjà, elle prouve que son trait n’est pas si malhabile qu’il l’avance. Mais bien plus, elle témoigne de ce regard qui lui est propre.

Car que sont ces Petits Riens, si ce n’est un ensemble d’exercices d’attention ?Trondheim investigue chaque pan de son quotidien pour en dégager un enchaînement drôle, voire, quelquefois, profond.

Les petits riens de Lewis Trondheim, T. 9, Les chemins de désir. Lewis Trondheim, Delcourt.

On aurait tort de faire de cette série une simple collection de gags. On doit certes admettre que Trondheim a, dans ce domaine, un talent évident ; mais à côté de cet humour extrêmement fin, il y a sa sensibilité : voyez, par exemple, cette page où il se dit « hypnotisé » par l’antenne électrique de San Francisco qui jaillit d’une mer de « nuages cotonneux ».

Ce que l’on retient surtout des livres de l’auteur d’Approximativement, c’est son écriture. Dans Le Miroir des idées, Michel Tournier défend qu’« Un grand auteur est celui dont on entend et reconnaît la voix dès que l’on ouvre un de ses livres ». On pourrait dire la même chose de Lewis Trondheim. Sa force ne réside pas dans une certaine manière d’agencer les planches, ni dans cette façon qu’il a de contraindre sa création pour être libre, mais dans ce fond qui unifie l’ensemble de ses ouvrages sans les appauvrir : son regard et sa voix.

Les petits riens de Lewis Trondheim, T. 9, Les chemins de désir. Lewis Trondheim, Delcourt.

Puisqu’il surprend dès qu’on a le livre entre les mains, il faut bien que nous en parlions : que veut dire ce titre ? Il désigne ces petits raccourcis qu’empruntent parfois les piétons. Ce sont des petits chemins sablonneux nés du passage répété de personnes ayant choisi de faire un pas de côté.

Suivre un chemin de désir, c’est choisir de tourner la tête pour voir les choses différemment. C’est regarder le monde obliquement, plus à distance, pour déceler ce qui nous échappe à première vue.

Loin de nous l’idée de faire de Trondheim une sorte de prophète porteur d’une nouvelle éthique. Voyons-le plutôt comme cet être sardonique qui nous suit lorsque nous marchons dans la rue : il est comme nous, mais cherche à ne pas se mentir à lui-même. Il est comme tout le monde, mais il fait un pas en arrière pour rire de sa normalité.