"MacGuffin & Alan Smithee" : une trilogie pleine d’humour et d’action aux Éditions du Tiroir

Au sein de la S6, à savoir la Section Spéciale des Services Secrets et de la Sécurité Supranationale (mais on dit "S6" car c’est vachement plus court), bref, dans cette agence spéciale évolue un tandem d’agents tout aussi spéciaux. L’homme en complet noir se fait appeler Alan Smithee, mais c’est en réalité un Français qui cache son vrai nom pour protéger sa femme et ses enfants. Tandis que la blonde en mini-jupe s’appelle MacGuffin. Comme MacGyver, elle n’a pas de prénom. Ou plutôt si, elle en a un, mais elle ne veut pas le dire. Alors à la fin de chaque mission, Alan Smithee a droit à une tentative pour deviner le prénom de sa comparse écossaise. Mais encore faut-il réussir une mission !...

Ce tandem de feu et de charme dispose déjà de trois albums, chacun pouvant s’apprécier séparément, mais on a pris plus de plaisir à les lire dans l’ordre, surtout qu’ils se suivent chronologiquement, car ils se déroulent respectivement au début, à la moitié et à la fin du mois de juillet 1967. Une période qui n’éveillera peut-être pas de souvenirs chez vous, mais ce n’est pas le cas des Canadiens, dont font partie nos deux auteurs, car c’était à ce moment-là que l’Exposition Universelle de Montréal battait son plein. Tant de nationalités réunies au même endroit, c’est du pain béni pour les trafics en tous genres, les échanges d’espions et les possibles attentats. Bref, MacGuffin et Alain Smithee ont du pain sur la planche.

Dès la couverture, on comprend que cette sympathique trilogie d’espionnage rend hommage à la série télévisuelle bien connue des années 1960, Chapeau melon et bottes de cuir. Même leur chef s’appelle d’ailleurs Mère-grand. Mais les hommages ne s’arrêtent pas là, on retrouve également des références à toute la fameuse période des Sixties : les chansons mythiques, les grands événements, les personnalités, la mode, les mœurs, les films de l’époque, etc.

À tout cela vient s’ajouter une bonne et omniprésente dose d’humour, presque majoritaire par rapport à l’action, le tout porté par deux personnages bien caractérisés et que l’on prend beaucoup plaisir à suivre. Le premier tome utilise d’ailleurs nos héros à contre-emploi, surtout l’hyper-dynamique (pour ne pas dire hyperactive) MacGuffin qui doit se transformer en gentille et souriante hôtesse de l’Expo Universelle, alors qu’elle n’a qu’une envie, dire tout le fond de sa pensée à chaque personne qu’elle croise.

Après un premier album de 64 pages vraiment bien dosé, le scénariste Michel Viau continue de s’en donner à cœur-joie dans le tome 2. Afin de mieux faire ressortir les qualités de notre tandem de choc, il continue de leur adjoindre un encombrant novice, ce qui donne l’occasion de relever encore l’humour de l’ensemble. Rajoutons que la France est à la première place, car c’est bien le Général de Gaulle et sa gestion de la guerre d’Algérie qu’une bande de barbouzes a décidé de dynamiter.

Si on craignait que la recette commence à tourner en rond au bout du troisième tome, nous avons été heureusement surpris que le scénariste modifie avantageusement sa composition : cette fois, notre tandem n’agit pas de concert, mais chacun est forcé de collaborer avec un autre agent. Si certaines ficelles se laissent facilement deviner, ce troisième album remporte toute notre adhésion en terme de mise en scène, de rythme et de références. Le fait de sortir de l’Expo Universelle, et de plonger dans une thématique plus rude - les émeutes raciales de l’époque - rajoute une dimension intéressante à l’ensemble.

Cette réussite tient bien entendu beaucoup au travail du dessinateur et coloriste Ghyslain Duguay. Dès le début de la série et les pages de garde, on comprend que celui-ci gère aussi bien l’univers que les références. Et même si certaines proportions n’étaient pas toujours réalistes, tous les effets comiques passent par de superbes physionomies qui se marient avec les dialogues de son partenaire.

Si Duguay progresse en dessin dans le tome 2, ses couleurs moins tranchées ne donnent pas une bonne impression du travail réalisé. Tout à l’inverse du tome 3, où ce dernier réalise des découpages plus audacieux qui innovent agréablement au sein de ces 64 pages, sans oublier des effets pop dont on avait déjà pu apprécier le cachet dans le tome 1. Ce tome 3 remporte donc tous nos suffrages, ce qui explique d’ailleurs qu’il soit paru eu Europe avant les tomes 1 et 2.

En effet, les deux premiers albums avaient été publiés auprès de l’éditeur canadien Perro, respectivement en 2017 et 2019, et c’est en novembre 2020 que les Éditions du Tiroir ont publié directement le tome 3 de cette série, intitulée Summer of Love. Ils viennent maintenant de rééditer les deux premiers, de quoi vous proposer une trilogie complète aussi drôle qu’entraînante, tout en profitant de plein de références amusantes. Certainement l’une des meilleures découvertes de l’été !