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Piratage : Dargaud et Lucky Comics gagnent contre Telecom Italia

Par Xavier Mouton-Dubosc le 26 janvier 2010                      Lien  
C'est une affaire de BD mises en ligne de manière illégale en 2002 qui vient enfin de se clore devant les tribunaux, une décision qui va faire jurisprudence. Elle solde une époque, celle d'un piratage artisanal qui consistait en une simple mise en ligne sur le web de pages scannées sur des espaces financés par la publicité.

En 2002, alertés par la gendarmerie, les éditeurs Dargaud et Lucky Comics constatent la publication sauvage et intégrale de l’aventure de Blake et Mortimer « Le Secret de l’Espadon » et de celle de Lucky Luke « Le Daily Star ». Ces albums contrefaits étaient hébergés sur Chez, un service de Minitel devenu hébergeur de pages perso, un service très en vogue à cette époque,, un hébergeur qui appartenait à Tiscali, depuis racheté par Telecom Italia.

N’arrivant pas à obtenir le retrait des pages fautives des serveurs de Chez/Tiscali, les éditeurs demandèrent la fiche d’information remplie par l’internaute indélicat lors de son inscription à ce service. Celle-ci révéla que le contrevenant se nommait « M. Dessinée BANDE, habitant rue de la BD à Bruxelles. » L’identité déclarée est bien évidemment bidonnée.
Afin d’obtenir enfin que cesse ce piratage, les éditeurs se retournent contre l’hébergeur pour contrefaçon (puisqu’il s’agit de planches piratées) afin d’en obtenir le retrait.

En France, le statut d’hébergeur est censé être déresponsabilisé s’il n’effectue aucune modération ou publication éditoriale, et ce depuis la LCEN (Loi sur la Confiance dans l’Économie Numérique, appliquée en 2004). Mais comme les faits litigieux remontent à 2002, les dispositions qui s’appliquent concernent la communication en ligne non privée, lesquelles indiquent qu’en l’absence d’une déclaration exacte, que l’hébergeur peut être mis en cause, une précision faite dans la loi de 2000 qui n’était pas encore décrétée à l’époque des faits.

La présence d’un encart publicitaire systématique sur toutes les pages hébergées par Tiscali a été considérée par les tribunaux comme étant une intervention éditoriale, le prestataire technique se doublant d’un éditeur tirant des revenus du contenu publié via ses services, et donc complice de la contrefaçon.

Perdant en cassation, Telecom Italia est condamnée à verser 10.000 € au titre des préjudices, plus 3.000 € de frais de procédure.

Cette jurisprudence revoit la position des prestataires techniques que sont les hébergeurs Web et clarifie la situation de ceux qui intègrent systématiquement du contenu sur les pages hébergées.

Elle remet en perspective l’hypocrisie d’une certaine époque dorée de l’Internet où les prestataires faisaient leur pub sur la volumétrie de leurs services, comme Wanadoo qui favorisait le téléchargement musical à une époque où il n’existait aucune offre légale dans ce secteur d’activité.

Un shérif sur le fil

Joint ce matin, Claude de Saint-Vincent,, Directeur-Général de Média Participations, en charge des éditeurs plaignants, nous déclare : « Personne n’a envie de faire un procès pour des cerises, c’est une perte de temps. [...] Payer mon avocat 8 ans pour cette affaire ne m’enchante pas ». Il convient que la décision judiciaire est totalement disproportionnée par rapport au préjudice mais il considère qu’il était du devoir de l’éditeur de faire cesser cette contrefaçon : « Pour l’avenir de la création, il est indispensable que les shérifs arrivent, et il faut que ce soient les FAI (Fournisseurs d’accès internet. NDLR.) »

Commentant l’actualité récente du législateur en France, l’éditeur ajoute : « Hadopi, c’est une usine à gaz ». La loi en effet confie la recherche des contenus piratés aux sociétés d’auteurs qui en sous-traiteraient la technique à un prestataire. Cette procédure est, selon l’éditeur, vouée à l’échec : « C’est normal que les FAI soient responsables : seuls eux ont les moyens techniques de voir ces trafics et sont à la meilleure place pour suivre les évolutions techniques ». Quant à son application, « Saisir un juge pour 5€ ne fera qu’encombrer la Justice ».

Nous attendons la réaction de l’AFA (Association des Fournisseurs d’Accès et de Services Internet) dans la journée.

(par Xavier Mouton-Dubosc)

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