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Vincent Monadé (président du Centre National du Livre) : « Le rôle d’un événement comme l’Année de la BD, c’est aussi de promouvoir la jeune création. »

Par Charles-Louis Detournay le 13 septembre 2019                      Lien  
« 2020 sera l’année de la bande dessinée en France » avait déclaré le ministre de la Culture Franck Riester en janvier dernier à Angoulême, faisant suite une suggestion du directeur de la Cité de la BD, Pierre Lungheretti. Où en est l’événement qui sera géré par le Centre National du Livre ? Eh bien, il s’ouvre dès aujourd’hui par un concours d’affiche. Vincent Monadé, le président du CNL, nous explique les tenants et les aboutissants de cette opération à laquelle sont invités tous les auteurs de BD professionnels ayant publié au moins un album.

Vous avez récemment déclaré que le Centre National du Livre devait être le « bras armé » de la lecture. Quel rôle la bande dessinée y joue-t-elle ?

Les études de lectorat, comme les chiffres de l’édition d’ailleurs, montrent que l’engouement pour la bande dessinée s’accroît d’année en année. C’est, aujourd’hui, le secteur le plus porteur du marché. La bande dessinée est un des genres plébiscités par les jeunes, avec le roman, et elle peut être un élément important de l’apprentissage de la lecture.

La bande dessinée est un art majeur ; elle produit des œuvres importantes tous les ans. Et l’engouement pour les différentes formes de bande dessinée, franco-belge, manga ou comics, repose sur cela : la qualité d’une production unique au monde à mes yeux, puisque nous sommes le seul pays où cohabitent les trois « genres » de la bande dessinée.

Vincent Monadé (président du Centre National du Livre) : « Le rôle d'un événement comme l'Année de la BD, c'est aussi de promouvoir la jeune création. »
Le ministre de la culture Franck Riester et Pierre Lungheretti, directeur de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême. Le rapport Lungheretti est à l’origine de l’année "BD 2020".
Photo : D. Pasamonik.

Huit mois après l’annonce du Ministre de la Culture, pouvez-vous nous expliquer où en sont les préparatifs ?

Après la phase de cadrage stratégique et de concertation avec les professionnels entreprise dès l’annonce du ministre de la Culture, Franck Riester, nous finalisons les projets qui seront la colonne vertébrale de l’année de la BD et élaborons un calendrier.

L’année de la BD se construit, avec les professionnels, sous l’égide du CNL et de la CIBDI.

Nous lancerons le site internet de l’année de la bande dessinée au début du mois de septembre, un peu avant le lancement du concours d’affiche dont nous reparlerons.

Je peux déjà vous dire que l’Année de la bande dessinée sera lancée à la fin du mois de janvier 2020, au moment du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême et se clôturera au même endroit, tout naturellement, en janvier 2021. Au mois de novembre, Franck Riester présentera l’ensemble du programme de cette année 2020. Vous comprendrez aisément, donc, que je n’en dévoile pas plus pour le moment.

Aux 50 ans de Glénat, Vincent Monadé aux côtés de Vincent Montagne, président du Syndicat National de l’édition, et de l’auteur Jul.
Photo : D. Pasamonik.
Visible en ligne, le bilan des aides du CNL en 2018. L’institution a versé 451 500 € d’aide à l’édition de bandes dessinées en 2018.

Quels sont vos objectifs principaux pour cette Année de la BD « BD2020 » ?

L’objectif principal de l’Année de la bande dessinée est de renforcer la visibilité de cette forme d’expression artistique, de faire naître des initiatives nouvelles, et de mettre en avant l’ensemble de la chaîne du livre, en premier lieu les auteurs dont on connaît les difficultés actuelles.

Il me paraît donc essentiel, et nous devrons répondre à cette exigence, que les auteurs soient au cœur de cette année de la bande dessinée. Nous devons encore travailler avec les organisations qui les représentent afin qu’ils se sentent pleinement partie prenante de cette année. Un accord, et leur adhésion, sont indispensables.

L’Année de la bande dessinée doit aussi permettre de faire évoluer les représentations stéréotypées de la discipline et de renforcer son ancrage dans le paysage artistique et culturel. Elle doit également constituer une opportunité pour renforcer la place carrefour du 9e art et le mettre en dialogue avec d’autres expressions artistiques très dynamiques, telles que le cinéma, le film d’animation et les jeux vidéo.

Enfin, la BD est un vecteur important d’éducation à l’image, d’incitation à la lecture et au décloisonnement des arts. L’objectif de l’Année de la BD est de faire de cette année une caisse de résonance pour toutes les politiques publiques en faveur de l’accès à la culture sur tous les territoires. L’Année de la bande dessinée a ainsi vocation à exister dans tout le territoire en s’adressant au grand public et aux professionnels du secteur et, en premier lieu, aux artistes-auteurs qui porteront l’animation de cette année à Paris et dans les régions.

Lors de votre conférence de presse au Centre International de la Bande dessinée et de l’Image à Angoulême en mai dernier, vous avez annoncé vouloir « sortir des lieux naturels du livre. » Qu’est-ce que cela signifie, concrètement ?

Cela signifie plusieurs choses.

Accompagner les festivals et manifestations littéraires, car leur objectif principal est aussi le nôtre : élargir le public du livre et de la lecture et promouvoir la lecture. Sortir des lieux naturels du livre, c’est aussi aller chercher des publics nouveaux, là où ils sont et les festivals le font, tous à leur manière ; aller convaincre des partenaires qui ne sont pas des partenaires naturels du livre, comme ceux qui nous accompagnent pour Partir en livre, la grande fête du livre pour la jeunesse ; inciter les lieux naturels du livre et les acteurs du livre à sortir de leurs pratiques habituelles comme ils le font pendant la Nuit de la Lecture, Partir en Livre et l’ensemble des initiatives qui existent dans les territoires.

Par ces événements, votre volonté est-elle de soutenir l’économie de la bande dessinée, et derrière elle, une majorité d’auteurs qui rencontrent des difficultés à en vivre ?

Oui, évidemment. Les événements que nous organiserons ou soutiendrons, et qui serviront les objectifs de l’Année de la bande dessinée, ont aussi l’ambition de soutenir l’économie de la bande dessinée en y intéressant un public toujours plus large.

Depuis 2016, les interventions d’auteurs dans les manifestations littéraires soutenues par le CNL sont rémunérées. Cela a été une avancée majeure, dont je suis fier. Mais, en bande dessinée, il y a peu de rencontres, moins qu’en littérature générale. Il y a donc là une question qui est posée à nous, au Ministère de la Culture et aux organisations d’auteurs, lesquelles ont des revendications. Nous y travaillons.

Une année de la bande dessinée qui ne servirait pas les intérêts des auteurs serait un non-sens. C’est ce que je peux dire aujourd’hui. Nous travaillons à proposer des solutions qui satisfassent les auteurs.

Au CNL, nous consacrons en 2019 un budget de 3 millions d’euros pour le soutien aux auteurs, en augmentation constante depuis trois ans. Et, je l’ai annoncé, cette priorité va se maintenir et s’accroître en 2020.

Le CNL aide 14 festivals de bande dessinée en France, dont le Festival d’Angoulême. (Inauguration du Festival 2019, avec Stéphane Beaujean, directeur artistique du FIBD et l’artiste américain Frank Miller).
Photo : D. Pasamonik.

Quels sont les publics visés par cette Année, principalement les jeunes ?

Non, tous les publics. C’est comme le journal Tintin, vous en souvenez-vous en ? De 7 à 77 ans…

Vous commencez par le lancement d’un concours d’affiches auprès des auteurs de bande dessinée « ayant publié au moins un album ». Il est doté d’un prix de 10 000€. Quelle tonalité devrait avoir cette affiche ?

J’espère que le jury retiendra une affiche belle et compréhensible par tous, une œuvre accessible.

Pourquoi ce concours ? Vous auriez aussi bien pu confier cette affiche à un grand auteur emblématique, comme Bilal, par exemple.

Oui, nous aurions pu faire ce choix, cela aurait été plus simple et personne n’aurait osé critiquer l’œuvre ainsi produite. Mais le rôle d’un événement comme l’Année de la BD c’est aussi de promouvoir la jeune création. C’est plus risqué, mais cela me paraît aussi plus le rôle d’un établissement comme le CNL.

Où peut-on se procurer le règlement de ce concours ?

On le trouvera sur le site internet https://www.bd2020.culture.gouv.fr et un lien sur le site du Centre national du livre redirigera vers la page du concours.

Comment sera composé le jury ? Quels seront leurs critères de sélection ?

Il y aura deux jurys, l’un pour la présélection des créations et le second pour le choix final.

Dans ces deux jurys seront présents des professionnels de l’univers de la BD (éditeurs, libraires, bibliothécaires…) mais aussi des journalistes spécialisés, des partenaires institutionnels de l’événement et bien évidement des représentants du CNL, de la CIBDI et du ministère de la Culture.

Le Concours est ouvert à tout type de création (dessin, collage, encre, peinture, illustration traditionnelle ou infographique). Le visuel lauréat sera intégré dans la charte graphique de l’Année de la BD. Il sera tenu compte de l’adéquation du message aux objectifs de l’Année de la bande dessinée 2020, de la qualité graphique, de la clarté et lisibilité du message et de l’originalité de l’œuvre.

De quelle manière cette affiche sera-t-elle exploitée dans les prochains mois ?

Sur le site internet de l’Année de la bande dessinée et par le truchement d’impressions d’affiches pour tous les événements labellisés. Elle annoncera les événements-phares de l’Année et sera déclinée sous différents formats. Elle sera reprise dans les éléments de communication tout au long de l’année et elle sera adaptée également sur la forme de Goodies. Cette affiche sera l’élément central de toute la communication de l’année de la BD !

Propos recueillis par Charles Detournay

Voir en ligne : CONCOURS D’AFFICHES "BD 2020"

(par Charles-Louis Detournay)

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