Hugues Micol est un passionné de l’Ouest nord-américain. Il est pour lui source de rêverie et d’imaginaire, d’histoire et d’invention. Il l’a rappelé avec brio l’an passé avec la sortie de Scalp (Futuropolis, 2017), ouvrage sombre et violent, dévoilant une part maudite de la conquête du territoire des États-Unis. Nous avions d’ailleurs salué ce livre qui lui a valu d’être récompensé du Prix Töpffer international.
Whisky, qui vient de paraître chez Cornélius, est en quelque sorte le pendant muet et coloré de Scalp. Mais, alors que Hugues Micol partait d’une réalité historique, forcément en partie remodelée, pour narrer les méfaits de John Glanton, il laisse cette fois totalement libre cours à son imagination. Pas de scénario ni même de mince trame, pas de dialogue ni d’indication de temps ou de lieu. Simplement de grandes images, comme une suite de panoramas aussi époustouflants qu’évocateurs.
Whisky nous plonge dans un Far West reconstitué. Mais d’éléments épars, maintes fois vus et revus au cinéma et en bande dessinée notamment, Hugues Micol tire un univers à la fois immédiatement reconnaissable et très personnel. Reconnaissable car mobilisant les principaux topoï du western : cow-boys et indiens, cactus et canyons, chapeaux et chevaux, soleil et poussière... Tous ces éléments sont cependant réinterprétés. L’emploi de couleurs inattendues, de formes exagérées, de trognes impressionnantes - des « gueules » comme l’on dit au cinéma - créent une atmosphère singulière.
Jouant avec les perspectives et les proportions mais sans tomber dans un surréalisme éloigné des références du genre, Hugues Micol fait avec Whisky une incursion réussie dans la peinture. Les planches de cet ouvrage édité dans un grand format à l’italienne sont en effet, à l’origine, des peintures mêlant gouache et aquarelle. Chacune de ces œuvres, de 50 sur 65 cm, part de presque rien, d’un quasi-hasard : une tache sur la feuille d’abord blanche puis envahie de couleurs. De cette pointe du destin, Hugues Micol développe sa vision de l’Ouest, parfois âpre mais souvent lumineuse.
Il en résulte de superbes peintures, empruntant au fauvisme voire au cubisme, mais osant la figuration et même la narration. Car ces images, même si elles ne sont pas reliées les unes aux autres comme dans une bande dessinée « classique », racontent... Chacun pourra inventer son histoire pour chaque peinture ou pour l’ensemble. Même sans cela, leur dimension narrative est indéniable, comme dans l’imagerie populaire qui a contribué à ancrer le western dans la culture occidentale.
Par son approche créative associant spontanéité et références, et bien sûr travail et talent, Hugues Micol renouvelle l’iconographie de la « conquête de l’Ouest ». Que ce soit pour les paysages, composés avec audace, ou pour les personnages plus vrais que réalistes, le livret Bourbon constitué uniquement de portraits réalisés à l’encre de Chine l’atteste, le scénariste, dessinateur et - osons l’écrire, ce n’est ni une tare ni une prétention déplacée - peintre parvient à surprendre et faire rêver.
(par Frédéric HOJLO)
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Whisky - Par Hugues Micol - Cornélius éditions - 30 x 23,6 cm (format à l’italienne) - 112 pages couleurs - couverture cartonnée avec dos toilé - collection Blaise - parution le 8 novembre 2018.
Une exposition des originaux de Whisky sera visible à la galerie Arts Factory (27 rue de Charonne 75011 Paris) du 29 novembre 2018 au 19 janvier 2019.
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