Si Naoki Urasawa connut un retentissant succès en France avec Monster et 20th Century Boys, des mangas à l’ambiance et à la narration qui empruntent au genre du thriller, c’est une comédie sportive qui lui valut une immense reconnaissance publique au Japon quelques années plus tôt : Yawara !, dont la parution s’étala de 1987 à 1993, sur 29 tomes. Kana sort donc aujourd’hui la version Deluxe en 20 volumes datant de 2013.
Yawara ! narre les aventures d’une lycéenne, Yawara Inokuma, élevée depuis son plus jeune âge par son grand-père, un ancien champion de judo, pour devenir la future étoile mondiale de la discipline. Avec en ligne de mire les Jeux Olympiques de 1992 ! Sauf que la jeune fille ne l’entend pas ainsi et aspire avant tout à vivre une jeunesse à l’image de celle de ses camarades de classe, faite de frivolité, de romance et d’autant moins marquée par les contraintes sportives et physiques.
Surtout, le grand-père, Jigorou Inokuma, entend conserver secret le plus longtemps possible le formidable talent de sa petite-fille. Ceci afin de créer un effet de surprise lors de son entrée en scène et de susciter un engouement national autour de sa personne. Mais tout se complique lorsqu’un journaliste détecte le potentiel de Yawara et qu’une championne populaire, en mal d’adversité, la désigne comme rivale.
Naoki Urasawa, sur ce canevas aussi simple qu’efficace, livre une comédie enlevée et réjouissante. Les différents protagonistes s’avèrent tous habilement caractérisés, à la fois gentiment excessifs et inscrits dans une dynamique qui demeurent bon enfant. Les situations multiplient les péripéties et les développements parfois rocambolesques mais toujours au service d’une progression sans temps morts.
C’est que le manga ne relève pas tant que ça du manga de sport. Et heureusement peut-être : on sait nos éditeurs frileux à l’idée d’adapter le genre chez nous, genre à succès au Japon mais synonyme d’échec le plus souvent en France. Il faut bien sans doute le label "Urasawa" pour amener un titre non seulement sportif mais ancien sous nos longitudes.
Notons toutefois que Yawara ! n’est pas le premier manga de sport d’Urasawa édité en France : il y eut son autre succès dans le domaine, Happy !, édité par Panini, reprenant la recette de Yawara ! après la fin de la série, avec une autre héroïne, adepte du tennis cette fois.
Mais si Yawara ! offre bien de jolis moments de confrontation, comme on peut l’attendre d’un manga de sport, l’accès est d’abord mis sur la comédie. C’est que le titre se révèle avant tout très drôle. Scènes et personnages apparaissent en effet d’abord déployés pour favoriser l’humour, les quiproquos et autres moments cocasses. Cela va des facilités à base de petites culottes à un travail plus subtil autour des caractérisations habituelles des personnages masculins et féminins.
Ainsi, même si Yawara ! pourrait être considérée comme une œuvre de jeunesse, d’un jeune auteur en quête de succès, il s’agit quand même d’une vraie et belle réussite qu’il serait dommage de bouder.
(par Aurélien Pigeat)
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Yawara ! T. 1. Par Naoki Urasawa. Traduction Thibaud Desbief. Kana, collection Big Kana. Sortie le 24 septembre 2020. 310 pages. 15 euros.