Les organisateurs du FIBD peuvent être contents : une affluence conséquente (tous les stands ont atteint voire dépassé leurs objectifs de vente, « Manga City » doublant sa fréquentation), en dépit d’un crachin qui ne nous a pas lâché de tout le festival. Elle a connu une résonance médiatique accrue avec une journée sur France Inter et sur France TV, une exposition de la BD dans 17 gares, et une opération « BD, le Grand Rendez-vous » initiée avec le CNL et l’Éducation Nationale.
Et puis il y a eu la venue du président et de sa garde prétorienne dans le contexte d’une forte interpellation des auteurs quant à leur statut et leur précarité.
Ça selfie, maintenant !
La thématique du LBD (Lanceur de Balle de Défense, l’arme non létale utilisée par les policiers contre les manifestants), allusion à une vanne lancée par Jul à l’inauguration de l’année de la BD2020 au ministère de la culture en décembre dernier (« Je suis content que l’on passe en 2020 du LBD à la BD… »), a fleuri partout sur les murs d’Angoulême jusque dans le journal édité par Jean-Christophe Menu et ses complices, une feuille qu’il ne fallait « pas jeter sur la force publique ».
Si l’on doit garder l’image symbolique qui aura marqué cette année, c’est bien celle qui montre le dessinateur de Silex in the City lors du déjeuner présidentiel, offrant un T-Shirt dénonçant les violences policières à un président au sourire crispé s’efforçant de la jouer cool devant l’objectif. Elle a fait le tour du monde, offrant à Jul, au Festival et aux auteurs français une tribune inespérée.
Mais elle a été diversement ressentie au sein de la profession. Certains estiment que Jul -considéré comme un « nanti » en raison du succès de ses albums (La Planète des sages, Lucky Luke…) jouait le jeu du pouvoir en le rendant sympathique. Rappelons qu’au déjeuner présidentiel du jeudi, bon nombre d’auteurs, dont Marion Montaigne, présidente du jury 2020, avaient décliné l’invitation. Sauf certains représentants syndicaux (Bajram…), Enki Bilal ou encore Trondheim dont le selfie où il fait le kéké avec le président a vraiment été mal accueilli par ses pairs.
Un palmarès conforme à l’image du festival
Le palmarès, comme chaque année désormais, comble d’aise les amateurs de bande dessinée alternative bien que le Grand Prix soit Emmanuel Guibert (Le Photographe, La Guerre d’Alan, Ariol...) que l’on ne peut pas accuser d’être « hermétique » tandis que le Fauve d’or (le Prix du meilleur album), Révolution, qui avait déjà trouvé 30 000 acheteurs, comme Moi ce que j’aime, c’est les monstres l’année d’avant, et obtenu le Prix Cheverny au Festival d’Histoire de Blois, recevait la consécration suprême de la production de l’année.
Évidemment, le FIBD n’a quasiment pas élu de BD « commerciale », comme ces Indes fourbes, album sélectionné qui avait reçu il y a quelques jours le Prix des Libraires. Mais avec un jury présidé par Marion Montaigne, est-ce une surprise ?
Le retour du « Prix de la série » est allé à un manga. Là encore, est-ce étonnant quand on sait que 2 BD sur 5 vendues en France viennent du pays du Soleil-Levant ?
La surprise vient du « Prix du public » piloté par France TV, revenu cette année, qui tranche un peu avec ceux des sponsors FNAC et Cultura que l’on avait connus les années précédentes. Autres temps, autres mœurs…
Une programmation exceptionnelle
Les Fauves d’honneur remis à Nicole Claveloux, Yoshiharu Tsuge et Robert Kirkman et les expositions qui leurs ont été consacrées ont permis d’assurer l’affiche du FIBD avec des auteurs aux talents et au rayonnement incontestables aussi bien en France et en Europe qu’aux USA et au Japon. Si l’on ajoute les expos Calvo, Yukito Kishiro et Wallace Wood et les nombreux autres événements qui vous ont été rapportés par ActuaBD, on ne peut que constater l’intelligence et la richesse de la programmation de Stéphane Beaujean, la meilleure depuis que le FIBD existe, et la qualité de l’organisation de 9eArt+ qui a plutôt bien géré le bordel ambiant généré par la venue du président et les actions des auteurs tenant à marquer leurs revendications.
Le caractère interprofessionnel du FIBD, qui est devenu un hub incontournable pour les éditeurs de BD internationaux, a été renforcé par le développement du Marché International des Droits et de Licences et une présence accrue cette année d’éditeurs du monde entier avec une mention spéciale pour Hong Kong, Taïwan et la Chine qui ont fortement marqué leur présence.
Bref, cette année aura été une année faste pour le FIBD, sans accroc, avec en perspective une année de la BD2020 où le Concours de la bande dessinée scolaire et le Concours Jeunes Talents, seront prolongés par un Fauve des lycéens qui sera proclamé en janvier 2021.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion