"Au Bord du monde", le chef d’oeuvre de Bruno Le Floc’h à nouveau disponible

Le livre était épuisé depuis longtemps. Paru en 2003, les éditions Delcourt n’en avaient tiré que mille exemplaires, conduisant le titre à une rupture inévitable, or c’est peut-être l’album le plus important de la bibliographie de l’auteur, celui qui synthétise ses inspirations et les grandes thématiques de son œuvre de la façon la plus évidente. Il s’agit ici d’un recueil de 3 nouvelles enrichies de deux, complètement inédites. Bruno Le Floc’h dévoile à travers trois récits intimistes l’aura et l’esprit de ce bout de bord de mer bien particulier qu’est le pays bigouden. Inspiré par la littérature de Pierre Jakez Hélias et par l’œuvre d’Hugo Pratt, il apporte ici un portrait sensible de cette terre particulière.

Planche Bruno Le Floc’h © Locus Solus

D’apparence anecdotique, le lecteur devra faire l’effort d’être attentif aux propos et aux inspirations de Bruno Le Floc’h. Dans ses planches, le silence est important et une subtilité dans le coin d’un sourire ou l’inclinaison d’un visage donne tout son sens et sa poésie au récit. De ce marin poissard embarqué malgré lui, à cette caravane de gitans sur le bord de la route, l’auteur nous invite à voyager en sa compagnie pour découvrir un lieu et les individus qui le peuplent. Il faisait partie de ces dessinateurs à qui il suffisait de passer la tête par la fenêtre pour aller à la source de leur inspiration. Bruno Le Floc’h habitait la ville de Pont L’Abbé et on y reconnaît ces ambiances portuaires, et cette mer omniprésente qu’il n’a jamais cessé de dessiner tout au long de sa vie. Il le disait lui-même :

« Je suis Breton, Bigouden et le décor de la Bretagne est celui que je connais le mieux. J’y situe donc le plus souvent l’action de mes récits, m’inspirant notamment du monde de la pêche qui est une société très puissante. Mon travail de documentation est négligeable car j’ai tout en mémoire, et au pire je n’ai qu’à sortir de chez moi pour saisir le détail qui me manque. » [1]

Planche Bruno Le Floc’h © Locus Solus

Cette nouvelle édition est enrichie de nombreux bonus et supplément inédits. Outre une préface juste et sensible de François Bourgeon, ami de longue date du dessinateur, nous avons donc pu lire deux nouvelles inachevées par le dessinateur : l’une, « Jean des Pierre », est une adaptation directe de Hélias, et une seconde, plus énigmatique et insaisissable : « Corentin ». À cela, ajoutons un dossier documentaire densément fourni articulé par Brieg Haslé-Le Gall président des l’association des Amis de Bruno Le Floc’h, dans lequel nous avons pu retrouver de nombreux extraits d’entretiens avec l’artiste mais également avec certains de ses collaborateurs dont son éditeur Thomas Ragon ou son ami Michel Poyac.

Pourvu d’une nouvelle photogravure, cette édition rend pleinement hommage au trait pur et synthétique du dessinateur grâce à l’usage d’un papier grège clair de fond qui rend compte des nuances des gris et de l’intensité du blanc de ses planches.

Comme il se plaisait à le dire : « Pour moi la bande dessinée, c’est LA liberté. » et c’est effectivement ce que l’on ressent à travers son dessin et ses mots. Aujourd’hui, nous ne pouvons que vous inciter à (re-) découvrir l’ensemble de l’œuvre de ce dessinateur d’exception, prématurément disparu en 2012, en commençant bien évidemment par ce qui est son fondement : Au bord du monde.

Planche Bruno Le Floc’h © Delcourt