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"Cas de force majeure" : les violences policières n’existent pas, mais Remedium les dessine pour les dénoncer

Par Frédéric HOJLO le 7 février 2022                      Lien  
Sujet sensible, récurrent en France et ailleurs, qui risque de resurgir dans la campagne présidentielle : les violences policières. Le dessinateur et enseignant Remedium pointe et accuse. Implacable, partial diront certains, il choisit de donner la parole presque exclusivement aux victimes. Des témoignages glaçants, parfois éprouvants, mis sobrement en images dans un ouvrage militant qui a failli de ne pas paraître.

Cédric, Zineb, Ramatoulaye, Sofiane, Houssam, Mohamed... Toutes et tous ont été victimes de violences policières, en France, ces dernières années. Violences verbales, violences psychologiques, violences physiques. Menaces, injures, humiliations, coups et blessures. Mort. Ils sont une quinzaine, réunis dans le nouveau livre de Remedium, Cas de force majeure, à avoir subi des avanies de la part des forces de l’ordre de la République française. Et ils auraient pu être bien plus nombreux - on pense par exemple à Adama Traoré ou Steve Maia Caniço.

"Cas de force majeure" : les violences policières n'existent pas, mais Remedium les dessine pour les dénoncer
Cas de force majeure © Remedium / Stock 2022

Certaines affaires ont connu un écho important, soit qu’elles aient connu une issue tragique - les décès de Zineb Redouane et de Cédric Chouviat - soit qu’elles aient été abondamment relayées d’abord sur les réseaux sociaux puis dans les médias traditionnels - les cas de Théo Luhaka et de Michel Zecler. D’autres sont passées beaucoup plus inaperçues : pas assez spectaculaires ou habilement étouffées. Beaucoup n’ont pas encore connu leur épilogue, ce que l’éditeur rappelle, n’oubliant pas la présomption d’innocence.

Cas de force majeure © Remedium / Stock 2022

Remedium y a ajouté quelques portraits un peu différents, voire totalement opposés. Adil vivait à Bruxelles, George à Minneapolis. Tous deux sont morts des violences commises par la police : la France ne fait pas exception. Amar, en poste à la Préfecture de police de Paris et dont l’histoire clôt l’ouvrage, semble lui être une véritable exception, par sa volonté de dénoncer les faits, choquants et illégaux, dont il a connaissance. Un chapitre enfin est consacré à Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur et à ce titre « premier flic de France ».

L’ensemble, soit une vingtaine de récits de deux à cinq pages, constitue un brûlot contre les violences policières. En entendre parler « étouffe » M. Darmanin qui estime qu’elles « n’existent pas telles qu’on l’imagine ». On ne lui recommandera donc pas la lecture de Cas de force majeure, qui risque de mettre en danger sa santé sans le faire changer d’avis. Tel n’est pas, de toute façon, l’objectif de Remedium. Réalisant une bande dessinée militante et assumée comme telle, s’appuyant uniquement ou presque sur les témoignages des victimes, il veut dénoncer, encore et encore.

Cas de force majeure © Remedium / Stock 2022

Comme dans Cas d’école, où il mettait en cause l’Éducation nationale, Remedium accuse l’institution. Ici : l’institution policière, celles et ceux qui la composent, la dirigent, la couvrent parfois. Même s’il admet qu’il peut exister des exceptions, il rejette la théorie des « brebis galeuses » et montre qu’un système impliquant la hiérarchie et l’IGPN - Inspection générale de la police nationale - conduit à cultiver un sentiment d’impunité, facteur favorisant grandement les violences. Cas de force majeure a d’ailleurs failli ne pas paraître. Les Équateurs, chez qui est sorti Cas d’école, devait l’éditer, avant de se raviser. Les Éditions Stock ont finalement permis à Remedium de faire aboutir son projet, prenant le soin d’éviter la diffamation notamment.

Tout est réuni pour faire de Cas de force majeure un uppercut : le dessin sec et sans fioritures, la force des textes, la sobriété du découpage, le minimalisme des couleurs. On sent à la fois la rage contenue avec peine et l’émotion de l’hommage aux victimes. L’auteur, qui a grandi en banlieue parisienne où il est dorénavant professeur des écoles, ne fait pas semblant de prendre de la distance. Il a vu et vécu les débordements. Il choisit de se mettre délibérément du côté des victimes, allant à l’encontre de leur invisibilisation et même si la justice ne s’est pas encore définitivement prononcée. Il faut dire que les faits sont le plus souvent accablants.

Cas de force majeure n’est pas une étude sociologique. La bande dessinée tient davantage du pamphlet s’appuyant sur les témoignages que de l’analyse socio-politique. L’auteur - il l’affirme dans son court avant-propos - accepte « une part émotionnelle » et « une forme de subjectivité » afin de réveiller le débat. L’artiste allemand antinazi John Heartfield voulait « utiliser la photographie comme une arme ». Remedium a choisi la bande dessinée, mais la volonté demeure.

(par Frédéric HOJLO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782234092990

Cas de force majeure. Histoires de violences policières ordinaires - Par Remedium - Éditions Stock - collection Essais-Documents - 18,1 x 26 cm - 96 pages couleurs - parution le 19 janvier 2022 - 18,50 €.

Consulter le blog de l’auteur & son site Internet.

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Stock ✍ Remedium ✏️ Remedium à partir de 13 ans Bande dessinée du réel France
 
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