Cauchemar - Par Pierre Ferrero - L’employé du moi

Voilà la France telle qu’elle se présente depuis que Pétain est revenu au pouvoir par l’entremise d’une sorte d’invocation qui a été prononcée et qui a fait sortir le Maréchal collabo de son cercueil.

Ce dernier, devenu une sorte d’homme-zombie providentiel est revenu d’outre-tombe pour contenter les extrémistes de tous bords qui n’aspirent qu’à un retour à l’ordre moral et à l’autoritarisme.

Vous pensez qu’un tel scénario est absurde… et vous avez raison tant l’histoire semble abracadabrante. Sauf que…

Sauf que la bande dessinée réalisée par Pierre Ferrero ne l’est pas tant que cela. L’auteur manie l’art de la dystopie et s’appuie sur une certaine réalité inquiétante contemporaine pour montrer ce que serait la France si les extrémistes arrivaient au pouvoir. Outre les Zemmour, étrange mélange entre Nosferatu et Salacious Crumb qui murmure à l’oreille d’un Pétain ressuscité (filons la métaphore Star wars jusqu’au bout…) ou le leader de La France insoumise, d’autres acteurs de la fachosphère, moins connus mais non moins influents, apparaissent pour profiter de cette situation chaotique dans laquelle la France s’englue : Dieudonné, Soral, Papacito…

Et puis, il y a aussi le commun des mortels. Celui qui se laisse facilement convaincre par les fake news et les théories du complot diffusées par les artisans de la haine qui déversent leur verve nauséabonde sur le petit écran et sur les réseaux sociaux dans l’unique but de provoquer le chaos. Il devient le milicien, tout heureux d’avoir le droit d’user de violence pour maintenir un ordre qu’on lui impose. Car finalement, lui (mais il ne s’en rend pas compte) comme ses victimes, sont soumis au même diktat du pouvoir autoritaire.

Heureusement, au milieu de tout cela, des poches de résistance subsistent. Un peu caricaturales certes, mais il faut faire contrepoids aux agents fanatiques du pouvoir. Elles s’organisent en groupes de combat dans une sorte de maquis montagnard pour protéger les Français issus de la diversité et tous les autres opposants.

Bien sûr, le cauchemar se termine plutôt bien, mais de cette uchronie, la France n’en ressort pas indemne. Habitué à produire des fanzines, Pierre Ferrero ne déroge en rien à son style « underground ». Les premières planches en couleurs, parfois inspirées d’affiches de propagande vichystes, donnent le ton, d’une suite très rythmée et séquencée en plusieurs chapitres. La conception du livre, au format presque manga, vient parfaire l’étrangeté du produit final et lui donne toute son originalité.

Quand on sait que selon des sondages récents, une majorité de jeunes Français aimeraient voir un gouvernement autoritaire s’installer en France, il y a de quoi réfléchir, et cette bande dessinée pourra peut-être dessiller les yeux de ces jeunes, ou moins jeunes, lecteurs. Un livre comme un avertissement…