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Dupuis : Le directeur général, Jean Deneumostier, démissionne.

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 juin 2004                      Lien  
Premier développement du rachat de Dupuis par Média-Participations : l'annonce de la démission de du directeur général de l'éditeur de Marcinelle, Jean Deneumostier. Il sera remplacé par le PDG de Dargaud, Claude de Saint-Vincent. Par ailleurs, nous disposons de plus d'informations qui racontent les conditions du rachat.

Le communiqué de Dargaud daté d’hier était muet sur la question, mais le quotidien Le Monde daté de dimanche 27/Lundi 28 juin 2004, sous la signature de Yves-Marie Labé et Alain Salles, le confirme : le directeur général des Editions Dupuis, Jean Deneumostier a présenté sa démission. Présent dès les premières heures de la reprise de Dupuis par Albert Frère en 1985, cet homme venu de la grande distribution avait mené l’éditeur belge avec prudence et mesure aux portes du 21ème siècle, diversifiant son activité dans la production de télévision avec Dupuis Audiovisuel, mais aussi en se positionnant à la place de N°2 en Hollande et en Flandre, derrière le groupe Standaard.

Il quitte le navire Dupuis moins d’un an après le départ de l’ancien directeur général Philippe Buck (voir notre article« Big Bang à la tête des Editions Dupuis »), preuve que la défiance de l’actionnaire vis-à-vis de son management était de mise. A l’époque, nous nous interrogions : « Est-ce là la conséquence de la décision d’un actionnaire, Albert Frère, dont la stratégie consiste -on le voit avec Suez- à se séparer de tous ses actifs liés à la communication ? Est-ce annonciateur d’un changement majeur dans l’actionnariat de l’éditeur belge, leader du marché de la bande dessinée ? » Nous avons aujourd’hui la réponse, le départ de Jean Deneumostier étant dû, selon nos sources, surtout au fait que la négociation ait été faite entièrement dans son dos. Le communiqué de Dargaud fait immédiatement taire les rumeurs en assurant à Dupuis, selon ses termes, « une indépendance et une liberté éditoriales totales. »

La fin d’une vieille rivalité

Le Monde rapporte une anecdote savoureuse racontée par Vincent Montagne, le PDG de Média-Participations : En 1987, l’éditeur Georges Dargaud avait fait le chemin de Marcinelle pour vendre le groupe Dargaud à Dupuis, mais il s’est ravisé : « ...il s’arrête pour prendre de l’essence et téléphone à un dirigeant de Média-Participations pour lui proposer une association avec le Lombard, qui débouchera, un an plus tard, par l’entrée de Dargaud dans le groupe franco-belge. » Les débuts de Dargaud sont peu connus. On ignore que Georges Dargaud doit son essor en tant que capitaine d’industrie à Raymond Leblanc, le fondateur des éditions du Lombard, et à un mentor commun : Albert De Smaele, le tout-puissant magnat de la presse flamande, PDG du groupe Standaard, tombé en déconfiture en 1968. A l’époque, Dargaud a eu la chance de rebondir sur le phénomène Astérix. La concurrence entre les éditeurs belges et l’éditeur parisien était alors féroce et s’est traduit par le passage chez Dargaud des séries Lucky Luke puis, plus tard de Boule & Bill et enfin, une fois le Lombard et Dargaud fusionnés, des Schtroumpfs, le symbole-même de la réussite de l’éditeur de Marcinelle.

Le prix de l’acquisition

On connaît maintenant le prix officiel de l’acquisition : 102.100.000 d’euros, un sacrée somme qui valorise le prix du marché de la BD à l’aune de la part de Dupuis sur ce segment (environ 15%). C’est environ un sixième de ce que Média-Partitcipations s’apprêtait à décaisser pour le rachat du groupe Editis, finalement vendu par Lagardère à Wendel Investissements. Claude de Saint-Vincent, le PDG de Dargaud, annonce au Monde que son groupe achète une « société bénéficiaire » dont le chiffre d’affaire est de l’ordre de 70 millions d’euros avec une rentabilité de 2 à 3 millions d’euros, hors audiovisuel. Dargaud, quant à lui, réalise 80 millions d’euros de chiffre d’affaire. L’un et l’autre créent le premier acteur européen de la BD adossé à un groupe qui, selon le communiqué de Dargaud, « dépassera les 300 millions d’euros » de chiffre d’affaire. Des chiffres qui ne sont pas suffisamment importants pour faire invalider ce rachat par le Conseil de la Concurrence.

Deux éditeurs qui se ressemblent mais qui s’assemblent.

Les forums chauffent sur internet depuis quelques heures. Les auteurs s’inquiètent de la répercussion de cette acquisition sur leur avenir. Le rachat de Dupuis par Dargaud/Lombard resserre les centres de décision, réduit les possibilités de mise en concurrence des éditeurs en terme de prix à la planche notamment. Certains, parmi lesquels le scénariste Arleston, soulignent les origines idéologiques du groupe Média-Participations dont le fondateur Rémy Montagne, aujourd’hui décédé et père de l’actuel PDG du groupe Vincent Montagne, était un politicien conservateur connu pour avoir battu Mendès-France dans sa circonscription et familialement lié à la dynastie Michelin. Il avait proclamé au début des années 80 qu’il fallait « moraliser la BD . » A l’époque, Bilal avait quitté le groupe avec précipitation pour rejoindre les Humanos. Depuis, on peut constater que les BD partouzardes de Lauzier n’ont pas été retirées du catalogue et que les auteurs jouissent d’une notable liberté, dans la mesure où la ligne du catalogue n’est pas d’investir dans la BD politiquement militante, ni dans la pornographie. Le catalogue Dupuis est d’ailleurs parfaitement en phase avec cette ligne éditoriale.

Des conséquences commerciales et industrielles ?

En revanche, c’est au niveau commercial et industriel que cette fusion aura des conséquences. Les équipes commerciales font doublon et devront harmoniser leurs forces. Des changements sont à attendre de ce côté. Par ailleurs, Dupuis est distribué par Hachette/Lagardère alors que Dargaud dispose de sa propre distribution. Il est probable que le distributeur de Maurepas (qui distribue aussi Albert-René, Glénat, Soleil, Delcourt, les Humanoïdes Associés) va avoir de sérieuses discussions avec le nouveau groupe. Cette nouvelle donne va d’ailleurs dans le sens d’un rééquilibrage qui donnait à Hachette une situation de quasi monopole dans la distribution de la BD en France, argument-clé pour une autorisation du Conseil de la Concurrence.

Mais c’est, par ailleurs, une alliance profitable pour les deux groupes. Dans l’audiovisuel, Dargaud dispose d’un catalogue étendu (Tintin, Blake et Mortimer, Bob Morane, Corto Maltese,... provenant d’Ellipsanime), d’un éditeur de vidéo leader sur la jeunesse, si l’on excepte Disney (Citel) et d’une société de production (Dargaud-Marina) qui pourra allier ses forces avec Dupuis Audiovisuel qui jouit d’une bonne expérience dans la télé (Largo Winch, Kid Paddle, Spirou...).

Dupuis n’a jamais quitté le domaine de la presse et détient le seul hebdomadaire de BD franco-belge, Spirou magaziiine, publié continument depuis 1938 en français et en néerlandais simultanément. Là aussi, des synergies vont pouvoir s’opérer.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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