Hercule Poirot joue le jeu... et Paquet aussi !

Comme que nous l’avions expliqué il y a cinq ans, Paquet a pris la suite des différents éditeurs qui s’étaient, successivement, attelés à adapter les romans de la reine du crime : Hachette, Lefrancq et Emmanuel Proust. Une stratégie qui ne s’apparentait pas vraiment à une surprise de la part de l’éditeur suisse, car Paquet avait racheté le fonds d’EP Éditions, à savoir le dernier éditeur en charge de cette adaptation, reprenant sans doute ce contrat par la même occasion.

Certes, Paquet a mis les petits plats dans les grands en allant chercher parmi ses plus grands auteurs maison afin de faire vivre autrement les romans publiés à des millions d’exemplaires à travers le monde. Mais on aurait pu croire qu’une fois l’effet d’annonce passé, Paquet se serait contenté de reprendre des albums publiés chez Emmanuel Proust, en se consolant avec une nouvelle couverture et avec une remise en couleurs par exemple, afin de multiplier les sorties et de rentabiliser un maximum l’opération.

La première planche de l’album paru chez Emmanuel Proust...

... comparée à celle de cette nouvelle version.

Eh bien, loin de là ! L’éditeur a, au contraire, démontré à chaque fois son application en multipliant les approches qualitatives, afin de donner une nouvelle ampleur à cette adaptation au long cours. Comme s’ils voulaient se montrer digne de l’honneur qui leur aurait été fait, et qu’ils voulaient de plus en plus miser sur un rendement au long cours.

La meilleure démonstration reste cette treizième publication tout juste parue. Avec Marek, qui avait déjà adapté Hercule Poirot joue le jeu en 2011, on aurait pu croire que l’éditeur avait baissé la garde. Que nenni ! Il a au contraire demandé à l’auteur de revoir complètement son adaptation, au scénario, à la mise en page, au dessin et à la couleur, afin de proposer une nouvelle version de cette enquête ! Une excellente idée car le résultat s’inscrit dans la qualité des douze précédents titres, une recette déjà appliquée avec le précédent album de Marek : Rendez-vous avec la mort.

Concernant l’histoire d’Agatha Christie, ce roman ne figure pas souvent dans le top de sa production, même quand on la restreint aux enquêtes d’Hercule Poirot. La raison ? Peut-être car le meurtre en lui-même se déroule pendant une grande fête avec des centaines de personnes, et que le lecteur doit prendre en compte cette interaction potentielle alors que la majorité des autres enquêtes se déroulent avec un nombre de suspects assez limité en huis clos.

Il faut excuser Agatha Christie qui avait en réalité utilisé sa propre maison pour créer le cadre de cette enquête, ce qui donne à l’ensemble, cette atmosphère si particulière. Il faut d’ailleurs sans doute voir dans la tenancière de maison qui invente un faux crime et appelle Poirot, une transfiguration de la romancière elle-même.

Heureusement, Marek met à profit sa connaissance du récit pour guider le lecteur dans sa mise en page. Il met en exergue des éléments importants afin que l’on ne soit pas perdu par la centaine de "figurants", sans oublier de mettre en scène également de fausses pistes, bien entendu, marque de fabrique du génie de la romancière. Notons également son jeu des silences ou des moments de gêne, appuyées par des cases muettes très bien sélectionnées !

Son dessin est à la hauteur de son adaptation : dans une ligne très claire, tout en fournissant le niveau de détails approprié afin que l’on profite du cadre sans être fatigué par les 62 pages du récit. Les couleurs confortent ces choix narratifs, rappelant à un certain niveau le précédent album : La Mystérieuse Affaire de Styles, mettant parfaitement en scène la mondanité anglaise.

Cette nouveauté sacre donc l’implication de l’éditeur, autant que le travail de l’auteur qui s’est patiemment investi à nouveau dans son travail. Une enquête à découvrir pour tous les fans d’Hercule Poirot, surtout ceux qui n’auraient jamais lu le roman !