Albums

Le Monde de Pikto – Par Michel Alzéal – Ed. Paquet

Par Jérôme BLACHON le 7 décembre 2023                      Lien  
Il était une fois un prince (charmant ?) qui cherchait un château avec une princesse (au bois dormant ?) à délivrer… Classique. En fait, non, pas du tout, mais alors vraiment pas !

Certes, c’est un peu sommaire comme introduction. Pour autant, lorsque vous saurez que chaque personnage de cette histoire est en réalité un personnage de nos contes populaires (Pinocchio, La Belle au bois dormant, Blanche-Neige, Cendrillon, le Dragon, la grenouille…), qu’ils sont assez différents de l’image que nous pouvons en avoir, vous comprendrez que Michel Alzéal nous promet ici une histoire aussi originale que réjouissante.

Mais ce n’est pas là son principal intérêt. L’auteur, habitué des essais graphiques variés, joue avec les codes de la BD en détournant la construction classique des planches et des cases, en y ajoutant nombre de petits détails amusants. À ce propos, nous sommes particulièrement fans du combat contre le dragon, où celui-ci brûle les cases, et du petit panneau qui indique ce qu’il va se passer dans 70 cases. Lorsque c’est bien fait, et c’est le cas ici, c’est vraiment un plaisir de lecture.

Le Monde de Pikto – Par Michel Alzéal – Ed. Paquet
© Michel Alzéal / Paquet

Mais surtout, l’album n’a pas de texte. Il a des phylactères, contrairement aux albums muets (dont certains sont de très grande qualité [1]), mais les mots sont remplacés par des pictogrammes (d’où le titre de l’album…) qui donnent l’idée générale de l’action.

Ces petites images nous entourent depuis des siècles, peut-être des millénaires. Depuis l’avènement de la communication à grande échelle, elles envahissent notre quotidien et les émojis n’en sont qu’une déclinaison. Si nous avons l’habitude depuis longtemps de voir les insultes remplacées par ces petites images, avoir un album entier réalisé ainsi n’est pas chose courante. Et le lecteur s’habitue très vite à la lecture des pictogrammes.

© Michel Alzéal / Paquet

Permettons-nous d’aller plus loin : pour l’avoir testé avec des élèves de collège en difficulté de lecture (pour ne pas dire en souffrance), c’est un album dont la forme et le fond permettent de dédramatiser l’accès à l’objet-livre. Les albums muets, que nous évoquions plus haut, sont plus difficiles d’accès pour ces élèves, car l’absence totale de support oblige l’enfant à un effort d’attention et d’interprétation auquel il n’est, malheureusement, plus habitué.

On pourra prétendre que c’est une lecture facile qui entretient le culte de l’image et qui ne permettra pas à ces élèves de progresser. Certes, c’est sans doute vrai. Pour autant, redonner plaisir à un élève à la lecture d’un livre, fut-il sans texte, c’est déjà une petite victoire qui peut ouvrir d’autres portes.

© Michel Alzéal / Paquet

Michel Alzéal réalise un album au dessin simple voir simpliste, très lisible et à la mise en couleur sobre. Ajoutons que l’histoire en elle-même est vraiment jouissive, pleine de rebondissements et parle à toutes les générations. C’est une vraie réussite. En espérant que cet "OBNI" (objet bédé non-identifié) ne reste pas une exception dans le monde éditorial.

Cet album a été sélectionné pour le prix BD 2024 France Bleu / ActuaBD.

© Michel Alzéal / Paquet

(par Jérôme BLACHON)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782889323661

[1Tel que le sublime et incontournable Là où vont nos pères, de Shaun Tan, ou le très beau et poétique L’Écorce des choses, de Cécile Bidault

Paquet ✏️ Michel Alzéal tout public Humour 🏆 Prix BD France Bleu / ActuaBD
 
Participez à la discussion
7 Messages :
  • "Pour autant, redonner plaisir à un élève à la lecture d’un livre, fut-il sans texte, c’est déjà une petite victoire qui peut ouvrir d’autres portes."

    L’argument misérable ! On touche le fond !

    Et quelles portes un livre sans texte peut-il ouvrir à l’élève supposé ?

    Répondre à ce message

    • Répondu par Jérôme BLACHON le 7 décembre 2023 à  11:08 :

      Il était évident que cette phrase soulèverait des commentaires. Et pourtant phrase totalement assumée. Quelles portes ? Celle de pouvoir prendre un livre sans se dire "ce n’est pas pour moi". Et si ce barrage est passé, on peut alors orienter vers des ouvrages simples, adaptés (en FLE par exemple). Il n’est pas ici question uniquement des enfants d’origine étrangère mais de tous ceux pour qui la lecture est une souffrance (je pèse mes mots) : enfant "dys", ne parlant pas la langue etc. Il y en a beaucoup (trop) et désacraliser le livre c’est aussi les intégrer à l’ensemble des élèves. Je ne cherche ici à convaincre personne, c’est juste un fait constaté par l’expérience.

      Répondre à ce message

      • Répondu le 8 décembre 2023 à  07:12 :

        Vous y croyez vraiment en votre catéchisme ?
        Je doute que cet album puisse donner envie de lire à des enfants qui ne lisent pas (peu importe la raison).
        Décoder des pictogrammes pour comprendre un récit est encore plus compliqué qu’apprendre à lire le français. Avec 26 lettres, vous pouvez former des mots et on n’a pas inventé une écriture plus simple.
        Il y a même un paradoxe en bande dessinée : celles avec du texte sont plus faciles à lire que celles muettes. Une bande dessinée muette de quatre images fonctionne très bien mais une bande dessinée muette sur plusieurs pages, difficile de ne pas décrocher.
        Une bande dessinée avec des pictogrammes s’approche de la bande dessinée muette. Ce qui se dit avec un pictogramme est conceptuel et manque de nuances.
        Des pictogrammes (comme dans Astérix et Cléopâtre), c’est amusant dans quelques bulles mais vite lassant parce qu’il faut décoder une image dans une case avec à l’intérieur des bulles d’autres images. Des images gigognes. Un procédé narratif très complexe.
        Substituer un pictogramme par un mot ou un ensemble de mots n’invitera jamais des enfants à la littérature.

        Si vous voulez donner envie à lire à un enfant, les Schtroumpfs reste ce qui s’est inventé de mieux pour les obliger à faire un exercice d’apprentissage du langage. Le langage schtroumpf permet à l’enfant de faire un effort intellectuel en s’amusant : substituer mentalement le mot par un autre.

        Répondre à ce message

    • Répondu le 7 décembre 2023 à  12:28 :

      Ça peut lui donner le goût des livres et l’envie d’apprendre à lire tout simplement. C’est vous qui touchez le fond.

      Répondre à ce message

      • Répondu le 8 décembre 2023 à  09:44 :

        « . Avec 26 lettres, vous pouvez former des mots et on n’a pas inventé une écriture plus simple. » j’ai rarement lu un truc aussi idiot.

        Répondre à ce message

        • Répondu le 8 décembre 2023 à  12:33 :

          Mais vous avez pu le lire parce que vous utilisez cet alphabet de 26 lettres.

          Répondre à ce message

          • Répondu par Thomas More le 9 décembre 2023 à  23:33 :

            Eh bien oui, j’ai le privilège de ne pas être illettré dans ma langue natale. Ce n’est pas le cas de tout le monde, hélas. Toutes les initiatives visant à mettre un livre dans les mains d’un enfant sont bonnes à prendre.

            Répondre à ce message

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Jérôme BLACHON  
A LIRE AUSSI  
Albums  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD