Albums

La Bibliothécaire d’Auschwitz – Par Salva Rubio et Loreto Aroca, d’après le roman d’Antonio G. Iturbe – Ed. Rue de Sèvres

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 17 septembre 2022                      Lien  
Le début de notre histoire nous mène à Prague, dans le quartier juif de Josefov, avant la guerre… Nous découvrons Edita Adlerova, une adolescente de 14 ans passionnée de livres et de lecture. Ses parents l’encouragent dans cette voie. Ce sont des Juifs « assimilés » qui ont compris que l’émancipation commençait d’abord par l’acquisition de la connaissance. Nous sommes dans la Tchécoslovaquie des années 1930, un pays récent, moderne, social-démocrate, qui ne soupçonne pas encore les malheurs qui vont lui tomber sur la tête.

Ça commence par l’invasion des Sudètes, la partie germanophone du nord du pays, un morceau de la Tchécoslovaquie avalée par le régime nazi, atteinte évidente à l’intégrité d’un pays de la Société des Nations qui se conclut par les tristement fameux Accords de Munich, blanc-seing accordé aux fascismes. Mis en appétit, Hitler dévore le reste du pays six mois plus tard. C’est le début des ennuis pour Edita et sa famille.

On connaît le processus : port de l’étoile jaune, mise à l’écart des juifs de toute fonction publique, spoliation des biens juifs,… et puis la déportation, l’extermination.
D’abord à Terezin, sur la frontière polonaise, un « camp de concentration – Potemkine » où les prisonniers sont « privilégiés » : ls vivent en famille, n’ont pas le crâne rasé, ne portent pas des uniformes de prisonniers… mais ils doivent donner le change aux visites de la Croix Rouge, par exemple.

Où est-il question de bibliothèque ? Lorsqu’Edita, évacuée de Terezin, se retrouve à Auschwitz-Birkenau, mais là encore, elle est ménagée par ses bourreaux qui la placent dans le Block Bllb, un « block-vitrine » pour les visiteurs du camp.

La Bibliothécaire d'Auschwitz – Par Salva Rubio et Loreto Aroca, d'après le roman d'Antonio G. Iturbe – Ed. Rue de Sèvres

C’est immense Auschwitz-Birkenau, on n’imagine pas, un complexe plus de 2000 entreprises vivaient en Allemagne de la mise en esclavage des Juifs. Le camp de concentration et centre d’extermination d’Auschwitz en est un de principaux pôles.
Le block est géré par le charismatique Fredy Hirsch (on sent bien que notre héroïne en pince pour ce beau jeune homme d’une vingtaine d’années), à la fois soucieux de préserver au mieux les prisonniers dont il a la charge mais en même temps partiellement manipulé par les tortionnaires allemands.

Dans cet enfer, il bombarde Edita « bibliothécaire », c’est-à-dire responsable des huit malheureux livres sauvés dans un camp où posséder un livre est puni de mort. Grâce à cela, on peut occuper des enfants et des vieillards qui passent leurs journées entre deux « représentations ». Car il y a les livres imprimés mais aussi les « livres vivants », c’est-à-dire les prisonniers qui connaissent histoire, contes, ou n’importe quel savoir qui peut être transmis.

Cet album est donc un bel outil de transmission qui valorise la défense de la culture aux marches de la mort. Sans doute, mais l’approche esthétique nous semble problématique. Elle nous rappelle la réflexion de Simone Veil aux Dossiers de l’écran en 1979 alors qu’elle vient de voir le feuilleton Holocauste. Que dit-elle de ce feuilleton ? Que c’est un formidable outil de transmission mais que ce n’était pas cela Auschwitz, qu’il y avait dans cette représentation des camps un côté hollywoodien, « joli », comme ici notre héroïne… Mais, disait-elle, « c’est mieux que rien ».

Et quand on montre les cadavres dans cette bande dessinée, et c’est notre deuxième objection, on tombe facilement dans ce que Georges Bensoussan, le grand historien de Auschwitz en héritage (2003, Mille et une nuits), appelle une « pornographie du cadavre ». Claude Lanzmann, dans Shoah, s’était soigneusement refusé de montrer la moindre victime morte.

Ce sont les deux reproches que nous pouvons faire à ce livre, mais si on n’a rien d’autre sous la main, comme dit Simone Veil, « c’est mieux que rien ».

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782810201259

La Bibliothécaire d’Auschwitz – Par Salva Rubio et Loreto Aroca, d’après le roman d’Antonio G. Iturbe – Ed. Rue de Sèvres

Rue de Sèvres ✍ Salva Rubio ✏️ Loreto Aroca à partir de 13 ans Documentaire Histoire Shoah Espagne
 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
A LIRE AUSSI  
Albums  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD