Nautilus : récit d’une collaboration artistique remarquable

Dans cette captivante aventure en trois actes intitulée Nautilus, Kimball O’Hara, autrefois orphelin et voyou des rues de Lahore connu sous le nom de "Kim", est devenu un agent au service des services secrets britanniques.

L’histoire débute en 1899 à Bombay. Alors qu’il traquait un espion russe meurtrier d’un de ses proches, Kimball se retrouve accusé à tort de terrorisme contre les intérêts britanniques. N’ayant pas d’autre choix pour prouver son innocence, il s’évade afin de trouver le moyen de récupérer les documents essentiels coulés dans un navire anglais. Pour cela, il a besoin de l’aide du légendaire capitaine Nemo, emprisonné en Sibérie depuis une décennie. Ensemble, ils entreprennent un voyage à bord du Nautilus, le sous-marin le plus performant de l’époque, pour résoudre cette énigme abyssale. Malheureusement, leur alliance est fragile, et des tensions se développent rapidement entre eux. Entre la vengeance du capitaine Nemo et la tentative de Kimball de prévenir une guerre imminente entre la Couronne britannique et le tsar russe, les deux hommes doivent s’allier pour mettre en échec leurs poursuivants. Mais ils ne se doutent pas que leurs adversaires ont plus d’un tour dans leur sac. En effet, un plan audacieux se dessine pour piéger le Nautilus...

Nous vous avions déjà dit tout le bien que nous pensions de Nautilus, cette trilogie spectaculaire créé par Mathieu Mariolle (scénariste de La Voie du sabre et de Far Cry chez Glénat) et Guénaël Grabowski. Nous avions discuté avec les auteurs à l’occasion du troisième et dernier tome de cette série et ceux-ci nous ont raconté la genèse du projet.

Le processus créatif derrière Nautilus est une véritable plongée dans l’art du thriller d’espionnage et de la conception visuelle. Mariolle, tout d’abord, est captivé par le travail de Grabowski, jeune dessinateur qui avait collaboré avec Thimothée Montaigne sur la série Malicorne avant la fermeture de l’éditeur 12Bis. Son trait caractérisé par des lignes épaisses et sombres, ainsi que par son sens aigu du cadrage, méritait un nouveau projet comme terrain de jeu. Cette combinaison artistique a jeté les bases de l’univers visuel unique de Nautilus.

Nautilus T. 1 - Le théâtre des ombres

Mathieu Mariolle & Guénaël Grabowski © Glénat

L’influence du cinéma sur leur travail est également palpable. Tous deux partagent une passion commune pour le septième art, un lien qui les a rapprochés. D’ailleurs Steven Spielberg, maître de la narration cinématographique et du grand spectacle, a joué un rôle majeur dans la construction de l’histoire de Nautilus. Son talent pour offrir du plaisir aux spectateurs à travers des films tels qu’Indiana Jones et Jaws a inspiré Mariolle et Grabowski à créer une aventure visuellement généreuse et époustouflante, tout en apportant des éléments de démesure rappelant Godzilla.

Le design du personnage secondaire, le capitaine Nemo, révèle d’ailleurs le souci du détail de Guénaël Grabowski. Inspiré par la majesté des aigles, Nemo incarne un calculateur impitoyable, ayant toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Par ailleurs, le design du vaisseau Nautilus a été élaboré avec une minutie artistique remarquable. S’inspirant de l’animé japonais Space Battleship Yamato 2199 et du style Art déco, Grabowski a également puisé dans l’univers graphique de H.R. Giger en dotant le Nautilus d’une proue évoquant la tête d’un xénomorphe (la créature de la série de films Alien, NDLR). La métamorphose progressive de l’intérieur du Nautilus en une structure organique s’inspire également de l’esthétique de Giger.

Nautilus T. 2 - Mobilis in Mobile

Mathieu Mariolle & Guénaël Grabowski © Glénat

Leur processus de création a été marqué par des choix audacieux visant à surprendre les lecteurs d’une manière positive. Reconnaissant la difficulté de captiver un public expérimenté en matière de narration, Mariolle et Grabowski se sont efforcés de concevoir un récit qui plaise véritablement aux lecteurs. Le personnage de Nemo par exemple, avec sa radicalité morale, incarne parfaitement cette démarche, faisant le mal pour le bien de son peuple et de l’Inde. Précisons que le scénariste s’appuie sur une recherche approfondie de données historiques pour créer un récit riche en émotion. En effet, la notion d’identité qui est au cœur de ce récit, est explorée à travers les interactions entre les personnages, un processus qui rappelle la confrontation entre les visions de Rudyard Kipling et sa propre perspective. Pour le scénariste de ce thriller maritime, la rigueur dans le traitement des faits historiques est essentielle car, comme le dit Alexandre Dumas : « On peut violer l’Histoire à condition de lui faire de beaux enfants ».

D’ailleurs, on ne peut parler de Nautilus sans rappeler que cette œuvre captivante puise son inspiration à la fois dans la vision de Jules Verne et celle de Kipling.

L’influence de Jules Verne se fait sentir à travers le désir de progrès et d’exploration qui anime les personnages de Nautilus. Comme Verne, Mariolle et Grabowski explorent la tension entre l’enthousiasme pour le progrès technologique et la sombre prémonition d’un monde en déclin. Tout comme Verne décrivait des mondes condamnés à la destruction, les auteurs de cette BD nous invitent à explorer un monde menacé d’autodestruction à cause du Grand Jeu, la rivalité coloniale et diplomatique entre la Russie et le Royaume-Uni en Asie au XIX e siècle.

Nautilus T. 3 - L’Héritage du capitaine Nemo

Mathieu Mariolle & Guénaël Grabowski © Glénat

D’un autre côté, l’influence de Rudyard Kipling se manifeste dans l’amour de l’Inde qui imprègne la mini-série. Tout comme Kipling avait le talent de dépeindre l’Inde avec une profondeur et une authenticité, Mariolle et Grabowski nous transportent dans un monde exotique riche en détails et en aventures. Le personnage central, Kimball O’Hara, se révèle être une création audacieuse, tout en évoquant les thèmes de l’éducation et de la liberté chers à Kipling.

En somme, Nautilus est un exemple fascinant de la façon dont les visions de Jules Verne et de Rudyard Kipling peuvent se fondre harmonieusement pour donner naissance à une histoire mémorable. Mariolle et Grabowski ont réussi à capter l’esprit de ces deux grands auteurs tout en insufflant leur propre créativité, créant ainsi une aventure littéraire inoubliable qui continue d’inspirer et de captiver les lecteurs d’aujourd’hui.

En ce qui concerne leurs projets futurs, bien que Mariolle et Grabowski n’aient pas de projets immédiats en commun, ils restent ouverts à de nouvelles collaborations. Le dessinateur travaille actuellement sur une trilogie de science-fiction chez Dargaud, ainsi qu’une anthologie en trois tomes en collaboration avec Philippe Pealaz, inspirée par l’univers d’Interstellar. De son côté, le scénariste se consacre à une adaptation d’un roman Fantasy pour Dargaud intitulé Un Long Voyage, tout en travaillant sur un deuxième récit dans la veine du Secret d’Hitler pour les Humanos. En outre, il explore actuellement la question sensible du colonialisme en Algérie à l’occasion d’un nouveau récit à paraître chez Maghen.

Nautilus - Nemo dans sa prison russe

Mathieu Mariolle & Guénaël Grabowski © Glénat