Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, cela fait plus de quinze ans que Jung s’intéresse à l’adoption par le biais de la bande dessinée. Tout a commencé avec une magnifique introspection qu’il a livré au travers des trois tomes de Couleau de peau : miel. Avec humour, franchise et émotion, l’auteur a su aborder comme jamais en bande dessinée ce sujet qui lui tient tellement à cœur, car il a tout simplement décrit son propre parcours en tant qu’enfant adopté à la recherche de ses racines. Une trilogie qu’il a d’ailleurs adaptée au cinéma en 2012 avec Laurent Boileau.
Une fois le film terminé ainsi que sa série autobiographique, Jung a ressenti le besoin de continuer à travailler sur cette thématique, à savoir l’adoption d’enfants coréens par des familles françaises. Tout d’abord avec Babybox paru en 2018, puis avec cette nouvelle trilogie, dont le premier tome vient justement de paraître.
« Chaque tome donne ainsi la parole à une catégorie de personnes impliquées dans le processus de l’adoption, explique l’auteur, Les adoptants, les adoptés et les familles biologiques coréennes. »
Jung s’est donc basé sur les témoignages qu’il a recueillis au gré des rencontres provoquées par ses albums et son film, mais il s’est heurté à quelques difficultés pour les adoptés au sein de cette nouvelle série : « Trouver le bon angle de narration dans un style documentaire, sans trahir les propos des personnes interviewées était une approche ambitieuse parce que je voulais y apporter ma touche personnelle et poétique. J’ai alors décidé de m’inspirer librement de ces histoires sans en perdre l’essence mais en apportant mon regard d’auteur, lui-même adopté. […] Ce travail de reformulation est devenu plus facile et plus fluide depuis qu’on travaille ensemble [avec] Laetitia Marty. [Elle] apporte une qualité littéraire qui [lui] demande moins d’effort qu’à moi. On se complète et on se comprend de par notre même vécu et notre sensibilité. »
Ce premier tome intitulé Nous t’avons adopté donne donc la parole aux adoptants, aux familles françaises qui ont adopté un ou plusieurs enfants coréens. Le récit dépasse très largement le cadre d’un simple témoignage pour deux raisons. Tout d’abord, car la qualité d’adopté des auteurs ainsi que leurs expériences narratives sur ce terrain leur permettent de toucher au cœur les beautés et les difficultés inhérentes à l’adoption. Le propos est fort, les sentiments sont réels, dans les prises de consciences, les changements d’avis ou les ressentis que l’on peut vivre lorsqu’on accueille un enfant ou que l’on pense que l’on vient vous l’arracher parce qu’il repart vers sa famille coréenne.
Deuxièmement, la force poétique des images de Jung est juste magique pour illustrer avec pertinence, pudeur et finesse cette thématique des plus sensibles. Son image des racines qui poussent, compose un schéma symbolique et narratif qui habite tout l’album. Il permet de comprendre ce que ressentent les personnages, par-delà les mots. Puis le format du roman graphique donne à l’auteur la capacité de réaliser des pleines-pages ou des compositions au sein desquelles les images se renvoient.
De plus, à la fin de l’ouvrage, les auteurs ont réuni une quinzaine de lettres d’adoptants : « On a souhaité élargir cette thématique des retrouvailles à la communauté des adoptés dans son ensemble, et pas seulement aux adoptés d’origine coréenne. Suite à un appel à témoignages de parents adoptants sur les réseaux sociaux, nous avons sélectionné une quinzaine de lettres adressées à l’enfant qu’ils ont adopté, ou à la mère biologique de celui-ci. »
Bref, entre expérience, authenticité et pudeur ; compositions, dessins et choix des mots : tout se complète pour former au diapason un hymne toutes personnes touchées par l’adoption. De quoi nous tirer quelques larmes de compassion mais aussi de joie.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Illustrations : © Éditions Delcourt, 2023 — Marty, Jung
Du même auteur, lire :
Une interview de Jung : « Je veux faire la paix avec l’enfant que j’étais. »
L’aventure cinématographique de "Couleur de Peau : Miel"
Deux palmes supplémentaires pour le film Couleur de peau miel
Annecy 2012 : Prix du public et Prix Unicef pour "Couleur de peau : Miel"
Jung, directeur artistique d’un docu-fiction basé sur « Couleur de Peau : Miel ».
Couleur de Peau : miel – T2 – Par Jung - Quadrants
Le premier tome de Couleur de Peau : miel : Jung adopte le roman graphique