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Sébastien Laurens (Le Toulouse Game Show) : « Je n’organise pas un salon seulement pour des initiés ! »

Par Xavier Mouton-Dubosc Thomas Berthelon le 9 janvier 2013                      Lien  
Le patron du TGS nous offre une plongée dans les coulisses de l'organisation d'une Convention, en n'éludant aucun détail. A quelques semaines de l'ouverture d'un nouveau Salon à Monaco, entretien avec un vrai passionné.

Le Toulouse Game Show, une convention réunissant les passionnés de cultures mangas, animations, science-fiction et jeux vidéo, a dépassé lors de sa 6ème édition en décembre 2012, la barre des 34 000 visiteurs.

Mais cette croissance a aussi entraîné des soucis d’organisation, le Salon ayant dû déménager cette année, faute de place, dans le bâtiment qui les accueillait jusqu’alors, de Labège dans la banlieue de Toulouse, vers le Parc des Expositions en plein centre.

Alex Pilot, le directeur des programmes de la chaîne NoLife, a posté un message d’encouragement sur le forum de sa chaîne, deux jours après la fin du Salon : « Le TGS est dans sa période adolescente. Quand tout grandit trop vite et qu’on perd ses repères.
Japan Expo était passé par là aussi, en 2004 au CNIT de la Defense quand l’affluence a généré des files d’attentes pas possibles qui faisaient le tour de la grande arche.

En tout cas, j’ai senti que le staff prend tout cela très au sérieux et sont bien conscient des problèmes à régler pour la suite. »

Loin de se défiler devant nos questions évoquant ces problèmes survenus cette année, qui a valu à l’équipe dirigeante les foudres des fans sur les réseaux sociaux, Sébastien Laurens, le co-organsateur avec Frédéric Devèze du TGS, s’épanche dans nos colonnes et nous propose un tour d’horizon très large : la logistique nécessaire à de tels évènements, la lutte contre la contrefaçon, les rapports aux fans, la création de salons multiples... Rencontre avec un geek passionné.

Sébastien Laurens (Le Toulouse Game Show) : « Je n'organise pas un salon seulement pour des initiés ! »
Sébastien Laurens
Photo © Thomas Berthelon

Vous avez du gérer ces files d’attente interminables, vous avez beaucoup été attaqués là-dessus...

Nous sommes conscients qu’il y a eu de gros problèmes, certains sont de notre faute et nous les assumons. Nous nous en sommes excusés sur le Salon samedi soir lors de notre conférence que nous n’avons pas annulée, nous ne nous sommes pas dégonflés. Et nous l’avons également assumé lors de notre communiqué officiel. Ensuite, je peux comprendre le mécontentement de quelqu’un qui a attendu trois heures dehors dans les files d’attente.

Nous avions demandé 750 barrières qui nous avaient été attribuées par la municipalité et le Grand Toulouse, et nous nous sommes aperçus samedi que nous n’en avions que 450. Tous nos plans de guides-files ont donc du être modifiés à la dernière minute. Il y avait plusieurs événements, le matériel a du être distribué, je ne suis pas là pour jeter la pierre à tel ou tel service. Mais c’est vrai que nous aurions préféré qu’on nous dise dès le départ que nous n’aurions que 450 barrières, nous nous serions débrouillés autrement. Il y avait le TGS, le Salon de l’Erotisme, le match de rugby Stade Toulousain-Clermont, plus un concours d’escrime, l’île du Ramier était saturée, plus les encombrements dus aux travaux liés au tramway dans le quartier St Michel. Nous avions alerté tous les services de la voierie, la police municipale, nous avons eu un compte-rendu de réunion où nous avions expliqué ce qui allait se passer, qu’il y aurait 30 000 personnes. On nous a répondu : "Ne vous inquiétez pas, nous avons l’habitude, depuis des années il n’y a jamais eu aucun problème". Quand nous sommes arrivés, ils ont bloqué tous les parkings à partir de 8h du matin. C’était donc un peu compliqué, sachant que nous avions dépêché des bénévoles directement auprès des services de police, il y avait des gens à côté des policiers pour essayer de faire passer des visiteurs sur le salon, dont les véhicules auraient automatiquement été refoulés par la police. Ce système de négociation était prévu, mais cela ne s’est pas fait.

Cela compliquait également la tache de ceux qui tenaient les stands...

Tout à fait, mais nous avons réussi à diriger les exposants vers un parking dédié, derrière un hall du Parc des Expositions. Tout cela pour vous dire que nous avions anticipé nombre de problèmes, nous avions effectué les démarches adéquates, seulement le jour J, nous ne pouvions pas fabriquer les barrières manquantes, ni annuler le match de rugby...

... Du coup, il fallait passer par la Bat-Cave...

C’est cela, ou venir en hélicoptère.

Sébastien Laurens en conférence en juin 2011 à la FNAC de Toulouse.
Photo © Thomas Berthelon

Sinon, nous avons cru comprendre que la crémaillère s’était bien passée, avec un nouveau record de fréquentation ?

C’est la question qu’on m’a souvent posée. "Est-ce que tu es content ?" Concernant le nombre de visiteurs, oui, je suis content, nous avons franchi la barre des 34 000 visiteurs, contre un peu moins de 31 000 visiteurs l’an dernier. Par contre, je ne suis pas content de mon travail, puisque mon travail c’est l’organisation, et qu’il y a eu un gros problème d’organisation cette année. Mais que les visiteurs se rassurent, nous prenons en compte toutes les remarques, nous avons fait une réunion de crise samedi soir pour pouvoir réaménager en prévision de l’ouverture du dimanche matin. La réunion s’est déroulée jusqu’à minuit, et cela a permis de régler beaucoup de problèmes de fluidité, en bougeant des barrières et en réglant ainsi les problèmes des files d’attente. Pour l’an prochain, nous avons tenté de tout lister, le prochain Salon ne sera pas parfait, mais nous y travaillons.

Quelques détails avaient changé depuis l’an dernier, notamment au niveau des caisses...

Oui, mais l’an dernier, nous avions 6 caisses, contre 9 cette année, nous avions mis en place des procédures pour que l’encaissement aille plus vite, avec des caisses rapides consacrées aux cartes bancaires. Mais nous sommes conscients qu’il fallait 15 caisses au lieu de 9 ! Et bien, l’an prochain, nous en mettrons 15 ! Il ne faut pas oublier que nous découvrions ce lieu cette année. Par exemple, on nous a reproché qu’il n’y avait pas assez de restauration. L’ancien lieu ne comportait que 2 points de restauration, contre 5 cette année...

Même s’il faut aussi prendre en compte les alentours, car l’ancien lieu à Labège était entouré de restaurants, qui avaient aussi leurs propres parkings. Il n’y a quasiment rien en dehors du Parc des Expositions...

Oui, mais cela fait quand même mal d’entendre : "Vous n’avez fait aucun effort sur la restauration" sachant que nous sommes passés de deux à cinq, que nous avons fait venir deux traiteurs japonais, on nous le demandait depuis des années... Cela fait mal de prendre ces remarques dans la figure, même s’il y a une part de vérité. Mais il faut trier le vrai du faux.

Quelle a été la part de critiques négatives dans les retours ?

Les gens qui ont apprécié le Salon sont quand même majoritaires, soyons d’accord ! Mais ce n’est pas pour autant que nous ne prenons pas en compte les retours négatifs, qu’il y ait une personne, 200 personnes, ou même 1000 personnes qui ne sont pas contentes, nous allons les écouter de la même façon. De toute façon, nous sommes 4 ou 5 personnes à travailler en permanence sur le TGS toute l’année, donc quand nous recevons un mail, il est lu par toute une équipe, et même si nous ne pouvons pas répondre à tout le monde, tous les mails sont lus ! Nous encourageons les visiteurs à acheter en pré-commande. Ces files d’attente ont duré au grand maximum une heure et demie. Quant aux billets Express, ils sont rentrés en 15 minutes.

Un cosplay de Chun Li
Photo © Thomas Berthelon

Cette augmentation de public entraîne aussi un plus grand brassage, certains visiteurs sont moins connaisseurs et ne comprennent pas forcément la logique des cosplays, et certains cosplayeurs se sont faits moquer. Est-ce la rançon du succès ?

Attendez, quelqu’un qui vient et qui paye 10€ pour entrer dans le Salon, et qui va se mettre à rigoler devant un gars, je ne sais pas... À la limite, c’est au cosplayeur qui se fait moquer de rigoler, car le gars qui se moque ne sait clairement pas où il est. Par contre, j’ai lu : "C’est dommage, maintenant, au TGS, nous voyons plus de grand public et moins de fans." Alors, les fans viennent toujours, mais nous avons plus de grand public. Maintenant, j’en appelle à la conscience de chaque cosplayeur : quand on fait du cosplay, c’est pour partager sa passion. On n’est pas là pour se retrouver uniquement entre cosplayeurs, entre initiés, car on peut se voir ailleurs dans des lieux adaptés. On est là pour faire découvrir aux gens ! Moi, je n’organise pas un salon seulement pour des initiés ! Ou alors, on organise un quizz à l’accueil pour filtrer les visiteurs, du genre : "Naruto, c’est un personnage de manga, ou un centre de réparation automobile ?" (rires)

Comment vivez-vous ce rapport à votre communauté de fans ? Cela fait déjà 6 ans qu’existe le TGS. Avez-vous pu constater une évolution de votre public ?

Les fans de la première heure sont toujours là, ils grandissent comme tout le monde. De nouveaux jeunes viennent découvrir le Salon, et pour ceux dont il s’agissait de leur première édition, ils ont dit que ce TGS était énorme ! J’ai aussi entendu des gamins me dire "J’ai grandi avec le TGS, j’étais venu à l’âge de 11 ans !" Je me sens un peu comme un grand-père ! Il y a bien sûr une évolution, il y a des choses que nous ne ferons pas. Nous organisons les thématiques qui nous plaisent, nous sommes fans de Science-Fiction, de mangas, de jeux vidéo...

Le TGS à l’espace Diagora, lors de l’édition 2008
Photo © Thomas Berthelon

Que ne ferez-vous pas ?

Par exemple, il y a deux ans, c’était la folie du catch, il fallait mettre du catch partout ! Et bien, pas chez nous. Sinon, les gens regrettent que le Salon ait changé. Oui, le Salon a changé, mais vous aussi vous avez changé. Nous ne sommes plus émerveillés, c’est comme quand nous allons voir au cinéma Le Seigneur des Anneaux, puis ensuite Les Deux Tours, il n’y a plus le même émerveillement. Nous avons peur de décevoir, tellement l’attente est immense. Mais je préfère décevoir les gens sur la partie organisation car je sais que nous allons pouvoir l’améliorer, que sur la partie programme pur et dur. Autre chose : sur cette édition, nous avons eu deux annulations, la web série Hello Geekette, ainsi que les deux auteurs de Karaté Boy Davy Mourier et M. Poulpe. Des gens ont dit "Ils annulent tous !" (silence) Nous avons géré 110 invitations sur le week-end, nous avons réservé 4 hôtels complets, des bus qui faisaient la navette entre les hôtels des invités et le Parc des Expositions... Pour deux annulations, on nous a dit "C’est la débandade !" Mais regardez la liste des invités ! Donc, je le redis, niveau organisation, nous sommes désolés, et c’est avec le coeur que je le dis, pas avec une intention commerciale, je suis moi-même un fan ! Donc je le redis, oui, nous avons fait des erreurs !

Cette année, vous avez intégré les concerts dans le festival, alors qu’ils étaient à part lors des précédentes éditions. Les fans des artistes musicaux se sont ainsi mélangés aux autres...

Les années précédentes, les concerts étaient dans les soirées TGS Night Shows, nous vidions le bâtiment, puis nous faisions ensuite rentrer le public des concerts. Cette année, nous avons changé cela, car le grand nombre de concerts nous auraient obligés à fermer à 6h du matin, donc nous avons préféré les intégrer sur le Salon directement. Ensuite, nous avions peur d’une chose, car cela s’était déjà produit auparavant sur des concerts des éditions précédentes, pour des artistes japonais que nous avions faits venir et qui nous avaient coûté beaucoup d’argent, c’est qu’il n’y ait que 150 personnes. Ce qui n’est pas rentable.

Avant de se recentrer vers un TGS "light", les éditions Ohanami se voulaient plus centrées sur la culture japonaise. Ici, une démonstration de kyudo lors de l’édition 2010.
Photo © Thomas Berthelon

Notre logique quand nous organisons un concert, n’est pas de gagner de l’argent, mais de proposer une animation supplémentaire. Du coup, nous ne savons pas encore si nous allons maintenir du concert japonais de ce niveau-là sur les TGS. Certains groupes font des efforts sur leur prétentions financières, mais d’autres coûtent très très cher. Vous imaginez, faire venir une troupe de 10 ou 15 personnes depuis le Japon, ce que cela coûte déjà en billets d’avion ! De plus, les maisons de disque japonaises sont très pointilleuses... Cette année, par exemple, le groupe Loverin Tamburin, absolument adorable, mais aussi très très bon musicalement, je me souviens de la première fois qu’ils sont arrivés sur scène, ils nous détestaient ! C’était la première fois qu’ils se produisaient dans une Convention de ce genre, il n’avaient joué jusqu’alors qu’au Japon dans des grands festivals avec une vingtaine d’autres groupes, à domicile et devant 50 000 personnes, donc forcément c’est plus simple. Ici, ils arrivent sur un petit salon, sur une petite scène de 80 m2, devant un public de 2000 personnes... Durant les balances, ils ont été très compliqués à gérer, mais dès que le concert a commencé, ils ont compris dans quelle ambiance ils étaient ! À la fin du concert, ils sont venus nous voir, et nous ont dit : "Excusez-nous ! Nous ne savions pas que cela se passait comme cela."

Quel est votre rapport avec les tourneurs français qui gèrent ces licences d’importation, et les maisons d’édition japonaises ?

En France, concernant la musique japonaise, il n’existe pas 50 tourneurs, j’en connais deux. Comment cela se passe : ce n’est pas moi qui vais les trouver, ce sont eux qui viennent et qui doivent me proposer des artistes. Certains groupes sont inaccessibles, payer 30 000€ pour faire venir un groupe est impossible. Nous avons eu l’opportunité de faire venir Masashi Hamauzu, qui avait prévu une tourné en France avec de nombreuses dates qui ont toutes été annulées sauf Paris et Toulouse. Au départ, Toulouse ne devait être qu’une petite date, où ne devaient se déplacer que Hamauzu et Mina la chanteuse, mais au final, c’est tout le groupe qui est venu ! Quand nous tombons sur ce genre d’opportunité, nous nous lançons !

Puisqu’on parle du Japon, vous avez copié le nom du Tokyo Game Show...

Alors : le T : nous sommes de Toulouse. "Game" : il s’agit du jeu vidéo, mais aussi du jeu de plateau, de cartes, de rôle. Et pourquoi le "Show" ? Dès le départ, depuis le premier TGS, nous partons du principe que quelqu’un qui vient passer deux heures au TGS... bon une fois qu’il est rentré, en dehors des trois heures d’attente, hein... (rires), durant ces deux heures, il peut voir un spectacle : des animations sur scène, dans des salles de conférence... Cette notion de "show" est importante, nous avons des concerts, des cosplays, des karaoké, des quizz, nous tenons vraiment à ce côté spectacle. Alors qu’au Tokyo Game Show, il s’agit de jeux vidéo, avec des éditeurs. Il s’agit pour moi d’un des plus jolis salons au monde, nous avons certes les mêmes lettres à la base, mais comme beaucoup de sociétés. Il y a même une société de parachutisme, les Très Grands Sauteurs (rires). Regardez sur societe.com, vous tapez TGS, et vous verrez qu’il y a beaucoup de TGS en France !

À quelle grande convention aimeriez-vous aller ?

Au Comic Con de San Diego, pour aller voir les acteurs de Star Trek ! (rires)

Un Salon au carrefour de la Science-Fiction et du Manga.
Photo © Thomas Berthelon

Cette année, la Corée du Sud revient en tant que pays invité du Festival d’Angoulême. Cela vous tenterait d’y aller ?

Pourquoi pas ? Je suis allé à beaucoup de salons, plus branchés Science-Fiction je dois avouer, comme par exemple ceux de Mâcon, ou le F.A.C.T.S. en Belgique, mais cette année, je vais tenter le Paris Manga, dont les organisateurs ont accepté de nous recevoir. Nous n’avons pas la science infuse, nous aimons voir ce qui se fait ailleurs.

Parlons un peu des produits dérivés : comment faites-vous la guerre aux contrefaçons ?

Je voudrais déjà remercier les vendeurs locaux de goodies, qui travaillent toute l’année sur ces produits et qui acceptent d’acheter un stand, qui n’est pas donné sur un TGS, on ne nage pas dans les billets, mais cela coûte plutôt cher à fabriquer (vous payez l’électricien, la location de la salle, les agents de sécurité...), ils misent là-dessus pas que pour faire de l’argent, mais aussi pour contribuer à l’image du festival, le faire grandir. Qu’on se le dise bien : quand on ouvre les portes du TGS le samedi matin, le Salon n’est pas payé ! Même en ayant vendu les stands, si nous n’avons pas de visiteurs supplémentaires en dehors des pré-ventes, c’est terminé, nous mettons la clé sous la porte ! C’est donc un gros risque que nous courons chaque année. Les gens disent : "C’est un grand supermarché, il y a plein de magasins". Prenez la liste dans le plan, vous verrez qu’il n’y a pas tant de magasins que cela, il y a autant d’associations. Et dans les "magasins", vous pouvez retrouver les écoles qui présentent leur cursus, ainsi que les jeunes créateurs qui bénéficient d’un tarif avantageux (250€ les 6m2 pour un jeune créateur, sachant qu’à nous, il nous en coûte 350€). Nous mettons également gracieusement à disposition à Nintendo un stand de 140m2, ce qui n’est pas rien. Nous mettons aussi à disposition à certaines associations plus que 6m2 !

Le marché des produits dérivés : une part importante des Conventions
Photo © Thomas Berthelon

Pour en revenir à la contrefaçon : nous faisons en sorte qu’il y en ait de moins en moins, mais nous ne pouvons pas être derrière chaque exposant. Si vous écoutez toutes les rumeurs qui circulent sur tout le monde, vous ne mettez plus qu’un seul exposant au milieu. Nous tentons de le signaler quand nous remarquons une contrefaçon. Sur les contrats que nous faisons signer, il est noté noir sur blanc que les contrefaçons sont interdites, et que si nous remarquons une contrefaçon sur un stand, nous pouvons fermer le stand sans aucune contre-partie. De plus, il est impossible d’effectuer une enquête approfondie sur chaque exposant. Si on veut faire un salon 100% légal, fliqué de A à Z pour être sûr qu’il n’y ait plus de contrefaçon, c’est possible. Mais cela ne sera pas un TGS, mais un salon dans une salle de 500m2 avec 5 exposants, et les tarifs ne seront pas du tout les mêmes. Il faut se dire qu’une boutique qui arrive avec quelques produits contrefaits, va faire baisser les produits de tous, même de ceux qui ne sont pas contrefaits ! Ensuite, ce qui est appelé parfois une contrefaçon, c’est juste que le mec n’a pas la licence "française" ! Par exemple, les figurines St Seiya de Bandaï pas chères, ce ne sont pas des contrefaçons, il s’agit de produits qui ont été achetés en Allemagne, en Belgique, fabriqués dans les usines de Bandaï, mais qui n’ont pas été revendus par l’importateur officiel Bandaï. Donc s’agit-il d’une contrefaçon ? Oui et non !

À quand une remise de prix, un palmarès, un tapis rouge ?

Il nous faudrait des sponsors. Nous avons eu un vrai sponsor l’an dernier à l’espace Diagora de Labège, où nous avons été bien subventionnés pour payer le chapiteau, même si nous en avons payé une partie. Mais il faut savoir que cela n’intéresse pas du tout les sponsors de venir sur Toulouse ! Ils veulent de la visibilité en échange de quelques coffrets DVD. Moi je préfère mettre sur mes affiches des gens avec qui j’ai envie de travailler. Par exemple, la chaîne NoLife a son logo systématiquement sur les affiches, alors qu’il n’y a aucun contrat signé, ni échange d’argent. On le fait parce que cela nous fait plaisir, quand on les invite, ils viennent.

Mais nous réfléchissons peut-être à un truc organisé autour de web-séries, avec plus d’invités spécifiques, des séries connues ou débutantes, qui se tiendrait à un autre moment...

Dans une convention de ce genre, où les jeux vidéo, l’animation et l’univers de Science-Fiction tiennent une place importante, vous continuez d’inviter des auteurs de BD plus traditionnels. Pourquoi ce choix ?

Pourquoi, il ne faut pas ? Eh bien, parce que ce sont des auteurs aussi, et quand on fait la promotion du manga, c’est un type de dessin particulier, mais c’est le même univers. Pour moi, "BD", "Manga", "Comics", c’est une grande famille. D’ailleurs, nous aurons des auteurs de comics, il y en aura aussi à Monaco [1]. Et si nous rencontrons des gens qui nous proposent un projet qu’ils éditent eux-mêmes, si cela nous plaît, nous les ferons venir. C’est un gros melting pot, je suis aussi content de faire venir un mangaka qu’un auteur de comics ou de BD franco-belge.

Pour rentrer dans les détails, quelle est la différence entre Diagora et le Parc des Expos pour les organisateurs ? Doit-on vraiment tout détailler sur le devis ?

L’équipe de Diagora nous a quand même fait confiance au début quand personne ne croyait en nous. À Diagora, quand on a un problème, on aune solution. Mais vraiment ! La solution est trouvée en 15 minutes, par exemple pour un problème logistique ("il nous manque 4 chaises et 2 tables"). Mais je me souviens de l’acteur Corin Nemek [2] qui déchire son blouson à l’aéroport, qui nous demande du fil et une aiguille. Nous sommes face à l’acteur, nous étions quand même un peu impressionnés, et là, je prends mon talky walky : "J’appelle Diagora... Quelqu’un aurait-il du fil et une aiguille ?" Je peux vous dire que j’étais fier, quand j’ai entendu la personne au bout du fil me répondre : "De quelle couleur veux-tu le fil ?" (rires)

Attendez, l’acteur Corin Nemek a pris lui-même le fil et l’aiguille pour recoudre son blouson ?

Oui oui, il l’a fait lui-même ! Non mais j’en ai une tonne d’anecdotes comme celle-là à raconter. Cette année, par exemple, Tot [3] vient me voir à la fin du Salon, pendant le démontage ! Nous voyons la porte s’ouvrir et Tot arriver, il pleuvait des cordes. Il arrive juste pour nous dire : "Merci, c’était super ! Nous reviendrons !" Et là, il est reparti tranquille sous la pluie, sans taxi, avec son bonnet pour rentrer à l’hôtel ! Il y a des mecs comme cela, qui viennent au TGS et qui se sentent comme à la maison !

Sinon, pour revenir à votre question, oui, avec le Parc des Expositions, il faut vraiment tout négocier. Avec Diagora, nous étions en famille, ils connaissent la manifestation par coeur, nous connaissons le bâtiment par coeur, nous savons quoi leur demander en sachant ce qu’il y aura. Au Parc des Expositions, ils n’ont jamais eu de Toulouse Game Show, même si le chargé de sécurité était le même que sur l’espace Diagora, il leur avait dit : "Vous allez voir un TGS !" Ce n’est pas qu’ils ne voulaient pas aider, c’est plutôt qu’ils n’avaient pas de visibilité sur ce qui allait se passer. Alors que l’an prochain, ils auront vu le Salon, et pourront prévoir. Mais c’est normal, il s’agit d’une première collaboration, cela ne peut pas se passer aussi bien qu’avec Diagora, avec qui nous travaillons depuis 6 ans sur deux manifestations par an...

L’affiche du TGS Ohanami 2012
©TGS Evènements

Cela veut dire que le rapport de force a changé ?

Non, nous avons toujours pu dire ce que nous voulions, ils nous ont dit des choses qui n’étaient pas sympas, nous avons dit des choses qui n’étaient pas sympas non plus, puis nous nous sommes finalement tous serrés la main... Ils sont dans une logique de commercialisation d’espace, il y a une partie "négociation", ce qui est normal, ensuite, nous travaillons ensemble. Pendant le Salon, leurs équipes ont été très bien, ils n’étaient pas réfractaires.

À partir de 2013-2014, le Parc des Expositions déménagera. Vous les suivrez ?

Ben oui, sinon, nous le ferons en plein air ! (rires) Le Parc des Expositions, qui n’est plus conforme aux réglementations, va être détruit, seuls un ou deux halls seront conservés, puis toute la zone sera transformée. Effectivement, le nouveau Parc sera près de Blagnac, dans un bâtiment neuf avec de la nouvelle technologie, notamment des ports ADSL. Il y aura aussi le tramway... Nous continuerons d’organiser les éditions Ohanami à Diagora, mais je rappelle que nous avons quitté Diagora à leur demande.

En attendant le déménagement, vous allez vous étendre sur d’autres halls ?

L’édition 2013 sera plus grande que celle de cette année, nous allons essayer de consacrer un hall entier à une zone de repos, ce qui pour nous serait idéal. Ensuite, un hall pour les files d’attente, puis trois halls pour le Salon, dont deux halls pour les animations et les stands, et un dernier hall pour l’amphithéâtre et les salles de conférences.

Vous en êtes où des high scores de fréquentation du Parc des Expositions ?

Je n’ai pas vérifié les chiffres, mais je pense que sur le nombre de visiteurs sur deux jours seulement, nous sommes pas mal. Du coup, nous prenons acte des problèmes rencontrés lors de cette édition, et nous testerons de nouveaux dispositifs dès la prochaine édition Ohanami à Diagora au printemps 2013, pour voir si cela peut être transposé sur le TGS. Par exemple, sur l’édition Ohanami, nous passerons de six caisses à douze caisses, nous agrandirons les allées, qui feront 6 mètres. L’amphithéâtre ne sera plus planté en plein milieu, il aura des files dédiées d’entrées et de sorties. Les visiteurs VIP auront leurs places dédiées, 300 tickets leur seront ainsi réservés, ils devront se présenter 15 minutes avant le début de chaque conférence, sachant que nous espacerons plus les conférences, nous passerons à 25 minutes au lieu de 15 actuellement. Nous caserons donc moins de conférences mais elles seront mieux organisées. Nous agrandissons l’amphithéâtre, qui passera de 680 places à 1000 places...

Publicité pour le Monaco Anime Game Show
©TGS Evènements

Au mois de mars, se tiendra la première édition du Monaco Anime Game Show, cousin version principauté du TGS, avec notamment Michel Ocelot et Go Nagai en invités. Vous aviez pourtant démarré dans les salles d’arcade toulousaines mal ventilées, et vous voilà au Forum Grimaldi...

Nous avons eu l’opportunité d’organiser cela, grâce à notre partenaire Shibuya International. Le but était aussi de voir si nous arrivions à organiser autre chose ailleurs qu’à Toulouse, avec l’esprit du TGS, une grande manifestation de ce côté-là de la France. Il y a une autre manifestation (Japan Expo Sud) qui se déroule aux mêmes dates à Marseille. Nous n’avons pas choisi ces dates pour les concurrencer, il s’agit d’un report car nous voulions déjà organiser cette manifestation en 2012, et comme nous n’étions pas prêts, nous avons demandé à être décalés en 2013, et la seule date disponible a été imposée par le Forum Grimaldi. Par contre, l’équipe de Japan Expo nous a mis de sacrés bâtons dans les roues, mais nous y serons quand même. Pour nous, c’est trop facile de faire un gros Salon à Paris, avec des méga invités, et afin de prendre la part du gâteau dans le Sud-Est de la France, d’en organiser un là-bas, mais light, avec deux invités et trois cacahuètes. Personnellement, je n’ai pas à critiquer Japan Expo Paris, c’est un Salon qui fonctionne, leur succès parle de lui-même, c’est un joli Salon, même s’il y a beaucoup de boutiques. Mais je suis désolé, Japan Expo Sud n’est pas un joli Salon. Nous, nous voulions arriver avec un Salon comportant un grand nombre d’invités, comme le Joueur du Grenier, les Noobs, la Flander’s Company, les Saturday Man, des acteurs comme William B. Davis et Michael Hogan (de la série Battlestar Galactica), nous venons d’annoncer Go Nagai... Nous avons encore un nom japonais à annoncer, en cours de négociation. Akino Arai sera en concert... Voilà, il s’agira de l’esprit TGS, transposé à Monaco, c’est à dire un Salon geek, de passionnés, avec des invités geeks. Ce ne sera pas plus cher qu’au TGS, le prix d’entrée sera le même, les visiteurs pourront venir en train, et par exemple dormir à Nice ou Beausoleil. Le bus de Nice à Monaco coûte seulement un euro. Niveau météo, nous avons visité les lieux en février, il faisait super beau, nous avons même déjeuné en extérieur... Bon, il y avait le Grand Prix, c’était un peu bruyant (rires). Ce Monaco Anime Game Show est un test, en fait. Ce n’est pas dit que nous le reconduirons tous les ans, mais nous avons envie de voir s’il existe un public par rapport à un vrai Salon geek.

En tout cas, le décalage avec le cadre extérieur sera intéressant...

Oui, vous allez quand même voir Bernard Minet à Monaco ! Sinon, juste à côté du Forum Grimaldi, nous avons l’autorisation d’exploiter un magnifique jardin japonais qui fera partie intégrante du Salon, qui s’étale sur 6000 ou 7000 m2, il y aura des stands tenus par l’association Monaco Japon, il y aura carrément des animations à l’intérieur du jardin, il y aura des superbes photos de cosplay à faire !

Sébastien Laurens lors du TGS Ohanami 2010
Photo © Thomas Berthelon

Est-ce que cette multiplication de manifestations ne va pas disperser votre clientèle ?

Ce n’est pas la même clientèle, même si nous espérons qu’il y aura des gens de Toulouse qui viendront. Mais 80% des gens qui viennent au TGS viennent de la région toulousaine. C’est clair que ce ne sont pas les monégasques qui viendront, mais plutôt les gens de Toulon ou du Nord de l’Italie.

Ensuite, ce sera l’étranger ?

Si nous avons une opportunité, mais en ce moment, nous en avons fini avec les débriefings du TGS, nous sommes en pleine préparation et commercialisation du Monaco Anime Game Show, ainsi que du TGS Ohanami, ce qui fait beaucoup de choses à gérer en même temps, pour nous et pour les exposants, car ce sont les mêmes qui se déplacent. Si nous arrivons à bien gérer cette succession de manifestations, pourquoi pas organiser d’autres salons !

Propos recueillis par Thomas Berthelon, Xavier Mouton-Dubosc, et Benoît Salles.

(par Xavier Mouton-Dubosc)

(par Thomas Berthelon)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Ecouter la version intégrale de l’interview de Sébastien Laurens, diffusée en direct dans l’émission radio "Supplément Week-End" du samedi 22 décembre 2012

[1Viktor Kalvachev, créateur de la série Blue Estate

[2Corin Nemek a notamment joué dans les séries Parker Lewis et Stargate SG1.

[3Tot : directeur artistique et co-créateur d’Ankama

 
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