Après avoir revisité certains des chants épiques de L’Illiade dans sa trilogie Achille, il semblait presque logique que l’auteur italien enchaîne avec la seconde grande saga d’Homère : L’Odyssée d’Ulysse.
Le premier tome de cette nouvelle trilogie était un peu désarçonnant, car le récit commençait alors qu’Ulysse était seul et incapable de s’échapper de l’île de la sulfureuse Calypso. Tombée éperdument amoureuse de lui, la nymphe réussit à le retenir pendant plusieurs années, lui offrant même l’immortalité s’il consent à rester auprès d’elle. Au final, les dieux ont pitié de notre héros et le laissent repartir, ce qui ne va pas être non plus de tout repos.
En effet, si Cosimo Ferri continue de se rattacher le plus possible aux sources de ce récit mythique, il a également choisi de faire d’Ulysse un tueur d’enfant, optant pour la version où le roi d’Ithaque précipite le fils d’Hector du haut des murailles de Troie pour éviter une nouvelle guerre dans le futur. Un choix passionnant pour la narration et la psyché d’Ulysse, mais qui crée une grande distance entre lui et le lecteur. Une distance amplifiée par la volonté de l’auteur de reprendre de temps en temps certaines strophes chantées du poème original. C’est beau et louable, mais cela coupe un peu le rythme de lecture.
Heureusement, ce deuxième tome progresse à tout point de vue. Ferri ne change pas sa façon de narrer le récit, mais cet opus profite des deux passages certainement les plus connus de l’Odyssée, à savoir le cyclope et Circé. On a beau en connaître les péripéties, la volonté de Ferri de revenir aux sources nous dévoile des détails que l’on connaissait moins ou qui ont été gommés par les interprétations successives. Bref, on profite pleinement d’un récit épique que l’on redécouvre avec beaucoup de plaisir.
Cet avis vaut pour la version Graph Zeppelin de ce deuxième tome. Car comme à son habitude depuis maintenant cinq albums, Cosimo Ferri réalise une version soft pour l’éditeur précité, et une adaptation plus érotique pour Tabou. Le lecteur peut aisément opter pour l’un ou l’autre, sans craindre que l’intrigue perde en force. Auteur et éditeurs retirent juste quatorze pages avec la version de Tabou, pour respecter un public plus sensible. Ces pages sont essentiellement des scènes sexuelles, mais étonnamment, c’est aussi le lot d’une double page plus violente avec les géants Lestrygons. L’aspect érotique de L’Île aux plaisirs ne se limite pourtant pas à ces six pages restantes. Le séjour chez Circé laisse deviner des fruits désirés sous les voiles légers (voir l’illustration ci-contre), voiles qui sont opacifiés pour Graph Zeppelin et son album intitulé dès lors L’Île au cyclope.
Cyclope ou Circé ? Vous ne devrez pas choisir car les deux sont bien présents dans chacune des versions. Et l’on profite surtout pleinement du magnifique travail en couleurs directes de Cosimo Ferri. Même si certains tons chromatiques sont encore parfois très contrastés, l’auteur ne cesse d’évoluer, comme on peut s’en rendre compte sur les magnifiques couvertures et quatrièmes plats qui livrent de somptueuses fresques.
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Ulysse T.1 - Par Cosimo Ferri - deux versions parues respectivement chez Graph Zeppelin (version soft) et Tabou (version pour adulte).
Acheter Ulysse T.1 :
la version soft de Graph Zeppelin
la bande dessinée érotique parue chez Tabou
Acheter Ulysse T.2 :
la version soft de Graph Zeppelin
la bande dessinée érotique parue chez Tabou
De la même série, lire notre précédent article : Après Achille, Cosimo Ferri revisite le mythe d’Ulysse
Du même auteur, lire également :
Achille T. 3 : De Fer et de chair - Par Cosimo Ferri - Tabou
La double vie d’Achille : épique et érotique
Sa précédente série Mara dans notre article : Tabou, l’éditeur qui repousse les limites de l’érotisme