Il était né le 6 mars 1917, nous célébrons donc son centenaire cette année. À cette occasion, la Cité internationale de la bande dessinée et le Festival International de la Bande Dessinée inaugurent lors de la 44e édition du Festival (du 26 au 29 janvier 2017), cette exposition exceptionnelle est présentée au musée de la bande dessinée du 26 janvier au 15 octobre 2017.
C’est un auteur majeur (la plus haute distinction aux États-Unis pour un auteur de BD est un « Eisner Award » remis au moment de la Comicon de San Diego en juillet ) : fils d’immigrés juifs autrichiens et roumains, il créa littéralement en 1936, avec Jerry Iger, l’Eisner & Iger Studio, le premier studio de comics américains, un studio où Jack Kirby, Bob Kane, Frank Frazetta, Wallace Wood, Joe Kubert, Jules Feiffer et tant d’autres firent leurs premières armes.
Eisner crée en 1940 le personnage du Spirit, un « anti-super-héros » dont le genre venait d’être créé avec Superman (1938) et Batman (1939) quelques temps auparavant. Mais l’industrie prend un tour qui ne cadre pas avec cet auteur indépendant plus intéressé à produire des histoires pour les adultes que d’éternels combats en costumes pour les adolescents. Il crée une société de communication par le dessin, l’American Visuels Corporation, où il a comme client principal l’armée américaine.
Retraité dans les années 1970, ayant revendu son entreprise, une nouvelle vie s’offre à lui : il se consacre un peu à l’enseignement (on lui doit deux ouvrages sur la pratique de la bande dessinée) et découvre à l’occasion de la convention de New York de 1971, les mutations de la bande dessinée de son temps. Il y croise Crumb, Griffith, Art Spiegelman... Grâce à Jules Feiffer, devenu entretemps un éditorialiste réputé, le public redécouvre le Spirit. Sa réputation traverse l’Atlantique et Eisner reçoit le deuxième Grand Prix d’Angoulême en 1975 (après Franquin).
À l’occasion de son escapade angoumoisine (il y reviendra régulièrement), il découvre le N°1 de Métal Hurlant et La Ballade de la Mer salée de Pratt. Un choc qui lui fait comprendre que le logiciel de la bande dessinée mondiale a changé. On parle de "9e art"...
En 1978, il se fait le promoteur d’une forme nouvelle de bande dessinée : le Roman Graphique dont il accole le vocable à une création plus littéraire, avec un nombre de pages abondants, au format du roman. En clair un « vrai livre » qui n’est ni un comics ni un album, que l’on peut mettre sur une table à côté des romans et des essais. Art Spiegelman et bien d’autres s’engouffreront dans la brèche. Eisner se consacrera à sa cette nouvelle activité jusqu’à sa mort en 2005.
Sur 400 m², dans une scénographie monumentale signée par une référence : l’atelier Lucie Lom, ce sont plus de 120 planches originales, imprimés, croquis, esquisses, photos, lettres manuscrites… qui nous seront montrées dans un parcours chronologique peuplé de personnages qui échappent le plus souvent aux stéréotypes classiques de la bande dessinée américaine, dans des paysages urbains détaillés avec acuité, empathie et nostalgie. Le regard d‘un maître.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
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Exposition Will Eisner, génie de la bande dessinée américaine
Du 26 janvier - 15 octobre 2017
Musée de la bande dessinée d’Angoulême
Deux films documentaires seront également diffusés au sein de l’exposition : "Will Eisner : Profession Cartoonist" (1999) de la réalisatrice brésilienne Marisa Furtado d’Olivero et "Will Eisner : Portrait of a Sequential Artist" (2010) du réalisateur américain Andrew Cooke.