Quand on a huit ans, on ne s’intéresse pas tant que ça aux métaphores et aux allégories qui sont à l’origine de nos héros. « Oh ! Regarde ! C’est Naruto ! », ce petit garçon a pourtant des étoiles dans les yeux lorsqu’il franchit l’imposante entrée de l’expo « Folklorique enfance, fantastique enfance ». Et des yeux, il n’en a que pour le ninja de Konoha, représenté en plein combat. Mais sur le portique figurent également le petit Lakota de Derib, Yakari, Fernand, le Petit vampire de Joann Sfar et la jeune Hilda, née sous la plume du britannique Luke Pearson.
Quatre personnages qu’a priori rien ne rassemble. A moins que ? "Ils allaient tous être mis à l’honneur cette année, d’une manière ou d’une autre, explique Stéphane Beaujean, commissaire de l’exposition. J’y ai vu une occasion d’aborder la question des mythes, des folklores et des légendes, à travers ces quatre personnages. C’était une superbe coïncidence. Et cela a créé un ensemble harmonieux".
Ensemble harmonieux, réparti tout de même dans quatre salles distinctes. "Comment il s’appelle, lui, déjà ?", demande une maman accroupie. "Petit Tonnerre, maman !", lui répond sa fille, sur un ton de reproche. La première pièce est consacrée à Yakari, et par voie de fait, à son fidèle canasson, Petit Tonnerre. Le jeune héros, qui soufflera tout de même cette année ses cinquante-et-une bougies, se dévoile tout en planches originales – à travers lesquelles, thème de l’exposition oblige, l’on découvre les mœurs de sa tribu, les Lakota. "Quand on est un enfant, on découvre des histoires et on est persuadé que tout ça vient d’arriver, que c’est tout neuf, résume Stéphane Beaujean. Mais tout repose sur des traditions millénaires, des cultures parfois très éloignées des nôtres".
La deuxième salle est plus calme. Il faut croire qu’Hilda, l’intrépide héroïne de Luke Pearson, reste moins familière aux enfants que Yakari. Elle n’en a pas moins sa place au cœur de l’exposition : Hilda évolue dans un monde fantastique, inspiré des mythes scandinaves et peuplé de trolls, de géants et d’elfes. Parmi les quatre œuvres à l’affiche, c’est dans peut-être celle-ci que transparaît le plus le folklore d’origine.
"Ouah ! Ton T-shirt !", la petite fille s’extasie moins pour la douzaine d’interviews filmées de Joann Sfar qui se sont glissées dans la troisième salle, consacrée à Petit vampire, que pour l’effet de la lumière noire sur les vêtements blancs de son petit frère : "Il brille !". Là encore, les parents semblent plus intéressés que leurs rejetons par l’exposition, qui célèbre l’influence de "l’identité juive" et de la "littérature horrifique victorienne" sur les planches de Sfar.
Il faut dire que le commissaire d’exposition a gardé le meilleur pour la fin. Car qui, des dernières générations, ne connaît pas Naruto ? Le ninja, héros du shônen éponyme de Masashi Kishimoto et qui rencontre dès sa parution en 1999 dans les pages du magazine Jump un succès inégalé, s’offre une fresque gigantesque sur le mur de la plus grande salle de l’expo. Le retour à Konoha d’un Naruto mûri, qui marque son passage à l’âge adulte et entérine l’entrée dans la deuxième partie des aventures du ninja : Naruto Shipudden.
Cette fois-ci, c’est au tour des enfants de donner une leçon à leurs aînés. "- C’est pas du manga, ça... - Mais siii, mamie...". Certaines planches (toutes des reproductions) sont en japonais, et la grande majorité proviennent de Naruto Shipudden. Ne risque-t-on pas de perdre les plus jeunes visiteurs, auxquels l’expo est pourtant dédiée ?
"L’exposition est faite pour un enfant accompagné d’un médiateur, un parent, pour lui expliquer ce qu’il a devant lui, précise Stéphane Beaujean. Les textes sont très longs. Les parents peuvent se concentrer dessus, tandis que les enfants peuvent regarder les planches. Qu’ils profitent un peu !"
(par Pierre GARRIGUES)
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Folklorique enfance, fantastique enfance – du 30 janvier au 2 février.
Quartier jeunesse, Festival d’Angoulême.
Photos : © Cédric Munsch, ActuaBD.