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Angoulême 2024 : une « contre-histoire » du Festival ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 2 février 2024                      Lien  
« Nous espérons, par cette enquête, à la fois journalistique, historique et ultra-critique, ouvrir un champ que d’autres, plus compétents, plus avertis et plus impartiaux que nous, pourront explorer. » Ainsi commence ce livre étrange, narration bardée de verbatims sérieusement documentés où l’on sent la patte et le sérieux de Philippe Capart, l’éditeur de La Crypte tonique, et de Nicolas Finet, ancien employé de l’organisateur du festival, 9e Art+, qui, de son côté, règle ses comptes, pas toujours de façon très subtile.

La gourmandise des éditeurs de La 5e Couche, petit éditeur alternatif belge de bonne qualité connu pour ses « coups d’éclat » avant le festival d’Angoulême, était visible. Ils avaient là leur scandale annuel. Il s’agit d’un petit livre, joliment mis en page et illustré de dessins d’Alain Saint-Ogan tiré de Zig et Puce. Un collage incongru : des dessins des années 1920 adornant un essai virulent contre le Festival International de la BD d’Angoulême, c’est original et singulier. Un collector à coup sûr, qui devrait intéresser tous les passionnés de la scène BD francophone.

Angoulême 2024 : une « contre-histoire » du Festival ?

L’avertissement dont nous publions un premier paragraphe en tête de cet article, pour modeste qu’il soit, s’achève par un présupposé qui nous étonne : « Ce livre est à l’opposé d’une commande ou d’une demande, car il semble qu’autant les lecteurs que les professionnels de la bande dessinée ne veulent rien savoir des coulisses de cet événement, qui les représente officiellement et officieusement. Si vous lisez ces lignes, vous êtes une exception. »

Manifestement, les auteurs de cet ouvrage ne lisent pas ActuaBD et prennent ses lecteurs pour des branques. Tout le monde sait très bien ce qui se passe à Angoulême. ActuaBD n’a pas manqué, depuis de nombreuses années, de documenter les curiosités du festival angoumoisin, notamment lorsque celui-ci a été épinglé par la Cour des comptes voici deux ans.. Nous voici donc face à un essai qui commence par une affirmation fausse.

Curieuse alliance

La collaboration entre Philippe Capart, un spécialiste de la BD réputé comme sérieux, et Nicolas Finet, journaliste, éditeur, spécialiste de l’Asie et historien de la revue (A Suivre) notamment, mais aussi un ancien employé de 9eArt° et du FIBD qui a des comptes à régler, interroge : comment ont-ils travaillé ?

« J’ai fait la partie historique des débuts et les interviews (Joelle Faure, Mouchart, Thévenet, Boucheron (on était à deux), Groensteen, Smolderen (on était à deux) et les interventions en fin de livre... Et je me suis occupé de l’iconographie… » répond Capart. C’est la partie la plus intéressante de l’ouvrage, apportant des éclairages inédits à côté desquels aucun historien de la BD ne pourra passer. C’est un complément aux autres ouvrages sur le sujet, notamment celui de Philippe Tomblaine sur les 50 ans du Festival paru l’année dernière chez PLG, soigneusement caviardé par Delphine Groux, la présidente de l’Association du FIBD, fille du co-fondateur du FIBD, Francis Groux avec Jean Mardikian et Claude Moliterni.

Nicolas Finet et Philippe Capart
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

En revanche, l’apport de Nicolas Finet nous semble bien plus critiquable. Il distribue des bons et des mauvais points aux différentes personnalités évoquées sans analyse, ni nuance. La lecture politique et économique de la construction du FIBD et de son pendant, la Cité de la bande dessinée, est totalement absente, par ignorance du dossier probablement. La plupart de ses citations sont indirectes et son témoignage entaché de parti pris. Il est vrai qu’il a été débarqué du FIBD où il s’occupait de la programmation Asie, avec une certaine brutalité. Difficile d’être objectif...

Ainsi, exit le rôle capital des politiques dans cette histoire : celui de Jean Mardikian, adjoint au maire pour la culture, mais aussi de David Cameo, dont on oublie son rôle comme conseiller de 1997 à 2000 auprès des ministres de la Culture et de la Communication, Catherine Trautmann et Catherine Tasca, et du Premier ministre Lionel Jospin, au moment où le festival est dans un moment particulièrement critique.

Prompt à accabler le directeur délégué du FIBD, Franck Bondoux -qui mérite son sort- Finet passe par pertes et profits le véritable enjeu de ce que l’on qualifiera un jour de scandale : l’absence de réaction, sinon l’apathie des pouvoirs publics (mairie, conseil régional, conseil départemental, ministère des la culture, préfecture…) face au rapport de la Cour régionale des comptes qui dénonce les irrégularités de la gestion du FIBD. Aucune prise de position, aucune plainte, là est le scandale. Mais ce n’est pas le sujet de Nicolas Finet dont le portrait du Festival et de la Cité est esquissé à coups de griffe.

« Nous espérons, par cette enquête, à la fois journalistique, historique et ultra-critique, ouvrir un champ que d’autres, plus compétents, plus avertis et plus impartiaux que nous, pourront explorer…  » écrivent les auteurs en introduction de l’ouvrage. On ne peut mieux dire.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782390080985

Angoulême, la contre-histoire (1974-2024) par Philippe Capart et Nicolas Finet (Ed. La 5e Couche)

5e couche Etude sur la BD Marché de la BD : Faits & chiffres Angoulême 2024
 
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5 Messages :
  • L’ouvrage, sorti en cette fin janvier 2024, est lié à un site afin d’offrir les sources, les interviews et de permettre de poursuivre l’enquête. C’est un work in progress, c’est ici : angoulemebd.5c.be. Vous y trouverez déjà l’intégralité de l’interview de Jean-Michel Boucheron...que je ne pense pas qu’ACTUA BD ait jamais recueilli le témoignage...

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  • Angoulême 2024 : une « contre-histoire » du Festival ?
    2 février 10:45, par Capitaine Kérosène

    Le festival d’Angoublême.
    Même si le traitement semble discutable, c’est une bonne chose d’avoir un regard critique sur cette foire, plutôt qu’une énumération sans intérêt façon Tomblaine.
    Merci pour cet article… lui aussi critique. C’est tellement rare dans ce milieu.
    J’achèterai le livre pour me faire une opinion.

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