Benoît Peeters l’affirme avec autorité : « La bande dessinée doit trouver place dans l’enseignement. » Jusqu’ici, même lorsque les enseignants -et ils sont nombreux- s’en saisissaient comme outil de médiation pour enseigner leurs matières, elle entrait toujours en contrebande dans l’Éducation nationale.
Dans la conférence introductive d’hier, aux accents très personnels, Benoît Peeters a évoqué les réticences qu’il avait rencontrées lorsque lui était venue l’idée saugrenue d’appliquer ses recherches à un corpus devenu aujourd’hui une évidence : Tintin.
Il a fallu l’audace, l’intuition et la prescience d’un Roland Barthes, le « pape » de la sémiologie, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur précisément au Collège de France, pour accepter de soutenir ce projet. L’élève n’a pas manqué hier soir de rendre hommage au maître.
Cette conférence inaugurale de Benoît Peeters s’apparentait autant à une brève histoire de la bande dessinée qu’à un aperçu de son cheminement personnel marqué par sa rencontre avec le dessinateur François Schuiten et par sa double inclination pour une recherche universitaire appliquée tant au champ littéraire (Paul Valéry, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Jacques Derrida…) et cinématographique (Raul Ruiz) qu’à une carrière d’auteur et d’éditeur de bandes dessinées.
On a remarqué, lors de son exposé, sa charge vigoureuse contre un Roy Liechtenstein qui ne cachait pas son mépris pour la bande dessinée, tout en la plagiant copieusement, et le retournement pop opéré par Forest avec Barbarella qui impulsa, en 1964, un mouvement de reconnaissance de la bande dessinée en France et dans le monde.
Le ton se fit un peu plus grave et même vertigineux lorsque le tout nouveau professeur du Collège de France évoqua son accident de santé survenu cette année, en août 2022, et qui faillit bien nous priver de sa présence lors de cette année académique.
Heureusement, la faucheuse a raté son coup, et c’est avec vigueur qu’il nous administra cette première séance qui sera suivie (jusqu’en janvier 2023) de cours sur la « poétique de la bande dessinée », de séminaires avec des conférenciers invités et d’un colloque sur « Les Nouveaux Chemins de la bande dessinée ».
Chapeau bas.
Voir en ligne : Benoît Peeters au collège de France
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Benoît Peeters. Photo : Collège de France.