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Célébration de Molière : quand la BD a ses limites...

Par Paul CHOPELIN le 18 janvier 2022                      Lien  
Pour le 400e anniversaire de la naissance (du baptême) de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, Glénat, en bon éditeur opportuniste, présente le premier tome d’une biographie dessinée qui fait la part belle aux rapports entre vie privée et fièvre créatrice. Une approche très classique, sans doute un peu trop.

17 février 1673, après avoir donné la 4e représentation du Malade imaginaire, Molière se meurt. Armande Béjart, sa jeune femme, épousée 11 ans plus tôt, envoie quérir un prêtre, qui ne vient pas. Le dramaturge commence peu à peu à perdre conscience et se remémore sa carrière passée. Selon un scénario fondé sur une succession de flashbacks, Vincent Delmas propose de revisiter la vie de Molière à travers ses principales pièces.

Célébration de Molière : quand la BD a ses limites...

Ce « premier acte », d’une série de trois bien sûr, est plus particulièrement centré sur les rapports compliqués que Molière entretient avec les femmes, sujet abordé à l’aune de l’écriture et de la représentation de L’École des maris (1661), de L’École des femmes (1662), puis de La Critique de l’École des femmes (1663). Fiction et réalité s’entremêlent à travers les relations tumultueuses de Molière avec Armande Béjart dont on ne sait si elle est la sœur ou la fille de Madeleine Béjart, la première maîtresse du « grand homme ».

Fièvre créatrice, besoins d’argent, intrigues de cour et de cœur, on retrouve ici, sans grande surprise, les ingrédients classiques des récits traditionnels autour de la vie de Molière. Nous sommes bien loin de l’approche ouvertement fictionnelle jadis proposée chez le même éditeur par Patrick Cothias dans la série Le Fou du Roy (9 tomes, 1995-2004, dessin Brice Goepfert), qui intégrait Molière à l’univers des Sept vies de l’épervier.

Sergio Gerasi propose un dessin réaliste de bonne facture. Les planches sont habilement composées et rendues dynamiques par des changements de perspective fréquents. Les scènes théâtrales sont très bien rendues, que ce soit à travers les apartés ou le jeu expressif des visages. On se sent vraiment aux côtés des hommes et des femmes de la troupe de Molière. La couverture, notamment, est une vraie réussite.

Sur le plan historique, le lecteur reste cependant un peu sur sa faim. Commande de circonstance, l’album sent un peu la précipitation, qui n’est d’ailleurs peut-être pas le fait des auteurs... La documentation fait clairement défaut : les décors et les costumes sont peu travaillés, avec beaucoup d’anachronismes ou de schématismes, que ce soit dans la représentation des théâtres de l’époque ou celle du Paris des années 1660. Le contexte politico-artistique, celui du rapport entre théâtre et pouvoir monarchique, est à peine esquissé.

Le scénario n’échappe pas à une vision très caricaturale des dévots, ce groupe de catholiques moralisateurs ennemis de Molière. Un improbable « secrétaire d’État au clergé », dessiné comme un méchant cardinal de Richelieu à la Dumas, demande au roi Louis XIV d’enquêter sur les liens de parenté réels entre Armande Béjart et Molière. Quelques planches plus loin, les prélats de la Compagnie du Saint-Sacrement – qui était en réalité essentiellement composée de laïcs – complotent sourdement dans une sinistre assemblée nocturne. Situation et personnages relèvent de la plus pure fantasmagorie, mais celle-ci ne semble pas vraiment assumée par les auteurs. Du moins pas pour le moment.

Ces dévots semblent être appelés à jouer un rôle grandissant dans l’histoire car ils apparaissent en bonne place sur les projets de couverture des deux autres tomes de la série. Espérons que scénariste et dessinateur sauront prendre clairement le parti de la fantaisie dans leur récit et utiliser ces méchants d’opérette pour mieux faire l’éloge de la comédie, alors que Tartuffe se profile à l’horizon du tome 2.

Voir en ligne : présentation de l’album sur le site de l’éditeur

(par Paul CHOPELIN)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782344045909

Molière. Acte 1. À l’école des femmes. Par Vincent Delmas (scénario), Sergio Gerasi (dessin), Arancia Studio (couleurs). Glénat. 24 x 32 cm. 48 pages couleurs. 14,50 €

Glénat ✍ Vincent Delmas ✏️ Sergio Gerasi tout public à partir de 10 ans Histoire Biopic
 
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