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Comic Art Factory : entre terre et mer

Par Charles-Louis Detournay le 27 novembre 2019                      Lien  
Que la galerie soit physique (à Bruxelles) ou virtuelle, la Comic Art Factory joue sa petite partition de découvreur de talents en mettant en avant des artistes qui n'ont pas ou peu exposé, alors que la pertinence de leurs œuvres saute aux yeux.

Dès le 2 septembre, nous vous avons présenté le premier tome de la série maritime Seul au monde comme l’un de nos coups de cœur de la rentrée. Car, outre la maîtrise de l’adaptation du livre de Sébastien Destremeau qui avait bouclé le Vendée Globe en 124 jours, ce récit plein de sensibilité était servi par une superbe mise en couleurs directes.

Surtout, le parcours de son auteur Serge Fino avait de quoi étonner : sa première grande saga s’était bâtie entre 1997 et 2004 avec les Ailes du Phaéton, un univers d’Heroic Fantasy très bien implanté chez Soleil, où trois scénaristes et pas des moindres : (Tarquin, Crisse et Isabelle Plongeon) lui livraient successivement trois triptyques.

Comic Art Factory : entre terre et mer
Seul au monde - Serge Fino

On croyait le dessinateur dévolu à continuer dans ce genre, mais il surprit en changeant de registre : tout d’abord avec des thrillers, puis en entamant des séries réalistes historiques : Les Chasseurs d’écume avec François Debois et Les Maîtres Saintiers avec L. -F. Bollée. Le trait a changé, plus fin, apportant une sensibilité bienvenue à la narration.

Fino était donc toujours épaulé par un scénarise ; il conserve d’ailleurs sa collaboration avec François Debois, car les deux auteurs viennent de démarrer une nouvelle série bretonne avec L’Or des marées, une saga historique où le dessinateur démontre une fois encore toute sa maîtrise du réalisme. Mais alors que Fino débutait cette nouvelle série, il fit la surprise en initiant une seconde nouveauté chez le même éditeur.

Serge Fino
Photo : DR.

Serge Fino a décidé en effet d’adapter seul le roman de Sébastien Destremeau, une première pour sa part. Troisième surprise : l’auteur a décidé de relever ce défi en couleurs directes, un choix graphique qu’il n’avait pas encore expérimenté là non plus. Cela fait beaucoup de nouveaux challenges pour un seul auteur, de quoi susciter notre curiosité et celle de la Comic Art Factory.

Le résultat dépasse nos espérances : la galerie présente quelques-unes des plus belles planches des deux albums qui viennent de paraître : L’Or des marées, premier tome d’un premier cycle de quatre, et Seul au monde dont l’adaptation comptera cinq albums. Grâce aux nouveaux cadres dotées de très efficaces vitres antireflet, on peut réellement se perdre dans les eaux tumultueuses peintes par Serge Fino. On en vient même à douter qu’une vitre nous sépare de la planche !

L’Or des marées (couverture) - Fino & Desbois

L’engouement est également au rendez-vous avec L’Or des marées : Serge Fino multiplie les lieux dans cette nouvelle série bretonne où il dessine non seulement le littoral comme il sait si bien le faire, mais également l’intérieur des terres, jusqu’à Paris, superbement retranscrite dans cette fin de XIXe siècle.

Aux côtés des illustrations proposées par l’auteur, on retrouve également des planches en noir et blanc tirées de sa précédente série avec François Desbois, Les Chasseurs d’écume. C’est non seulement l’occasion d’admirer son travail dans cette technique, mais également d’observer son passage à la couleur directe, une transition si naturelle qu’on se demande comment l’auteur n’a pas sauté le pas plus tôt.

Les Chasseurs d’écume - Fino & Desbois

Frédéric Lorge : une vocation de défricheur

Que cela soit pour ses précédentes ventes consacrées par exemple à Renaud Dillies ou à Clarke qui réalisaient là leurs toutes premières expositions après bien des années dédiées à la bande dessinée, ou à Serge Fino qui se trouve dans le même cas de figure, on comprend que le galeriste Frédéric Lorge réalise un vrai travail de découvreur de talents graphiques.

Là où d’autres galeries courent les stars qui ont pignon sur rue, il étudie minutieusement les parutions des deux côtés de l’Atlantique, pour se laisser porter par sa propre sensibilité, afin de dénicher ceux qui percent aujourd’hui et qui seront sans doute les stars de demain.

Renaud Dillies (en avant plan) et Frédéric Lorge
Photo : DR.

Les planches de Serge Fino en couleur directe sont par exemple proposées entre 900 et 1000 euros, une gamme de prix classique pour la galerie, qui reste plus que raisonnable en comparaison de la qualité proposée par ces planches qui s’exposent aux yeux des visiteurs attirés à la Comic Art Factory.

Frédéric Lorge ne se limite pourtant pas au cadre physique de sa galerie située à Bruxelles. Depuis ses débuts, il sait compter sur le numérique, et chaque expo est avant tout virtuelle, à découvrir sur son site internet. Chacune d’entre elles est souvent agrémentée d’une interview de l’auteur réalisée pour l’occasion par une équipe professionnelle : une mise-en-avant qui se double d’une vraie valeur journalistique et patrimoniale. À découvrir !

Cité irréelle : hypnose graphique

Pour mieux comprendre la démarche de Frédéric Lorge, nous vous conseillons d’aller faire un tour sur son site (ou mieux encore, de lui demander d’ouvrir ses cartons lors de votre passage à sa galerie). Vous découvrirez par exemple les superbes planches au crayon réalisées par Nina Jacqmin et qui sont extraites de La Tristesse des éléphants et Les Ruines de Tagab, deux albums parus aux Enfants Rouges.

La Tristesse des éléphants - Par Nina Jacqmin

Un tout autre univers nous a subjugué : moins bucolique que celui de Nina Jacqmin mais tout aussi remarquable, le noir et blanc de D. J. Bryant rivalise d’intensité et d’innovation case après case. Tirées de l’album Cité irréelle paru récemment aux éditions Tanibis, les planches sont d’une méticulosité presque irréelle lorsqu’on observe les perspectives et les trompe-l’œil réalisés par l’auteur. On ne s’étonne d’ailleurs pas d’apprendre que D.J. Bryant a travaillé cinq ans afin de réaliser ces cinq récits, tels des exercices de style poussés à l’extrême.

Cité irréelle - D.J. Bryant

Voici d’ailleurs ce que notre rédacteur Frédéric Hojlo écrivait à son propos : « "Cité irréelle" met en scène des personnages dont le rapport à l’identité, à la sexualité ou à la société tangue quelque peu. Rêve ou schizophrénie ? L’auteur ne nous permet pas de trancher. Au contraire, il multiplie les pièges, narratifs et visuels, pour mieux nous faire approcher le gouffre au bord duquel ses personnages se promènent. Il ose ainsi des récits dont la temporalité est malmenée et dont les paradoxes sont dignes des meilleures nouvelles de science-fiction. Pour autant, ses dispositifs servent avant tout la caractérisation de ses personnages, leur conférant ainsi une densité éloignée des clichés qu’ils semblent être au départ. »

« Le dessin participe pleinement du malaise créé par la lecture de cette bande dessinée, continuait-il. Là aussi, la simplicité n’est qu’apparente. Elle masque une véritable recherche et l’assimilation de différentes influences, de Daniel Clowes aux productions Hanna-Barbera. Le dessinateur devra d’ailleurs peut-être s’en affranchir davantage pour suivre une voie qui lui soit encore plus personnelle. »

Cité irréelle - D.J. Bryant

Que l’on soit attiré par les romans graphiques de la nouvelle vague anglo-saxonne, ou par les auteurs franco-belges à forte identité graphique, la galerie propose donc des expositions qui rivalisent d’intérêt et de surprises.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Expo Serge Fino à la Galerie Comic Art Factory
Du 22 novembre au 28 décembre 2019
Chaussée de Wavre 237
1050 Bruxelles - Belgique (galerie située en face de Museum - l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique)
Heures d’ouverture : jeudi, vendredi et samedi de 11 à 19h. Les autres jours sur rendez-vous.

Acheter :
- [Cité irréelle - Par D. J. Bryant - traduit de l’anglais (États-Unis) par Madani (Tanibis) chez BD Fugue, FNAC, Amazon.

Concernant la Comic Art Factory, lire nos précédents articles :
- Enfin, Clarke (s’)expose !
- L’interview du galeriste Frédéric Lorge : "Il faut vraiment voir une oeuvre en face de soi pour se rendre compte de sa qualité"
- Exposition-vente Western à la galerie "Comic Art Factory" (Bruxelles) et Stern : "L’Ouest, le vrai" !
- L’expo Renaud Dillies chez Comic Art Factory
- Exposition-vente Alex W. Inker - Erotisme et révolution chinoise - Galerie Comic Art Factory Bruxelles

Photo : DR.

 
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