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Exceptionnel : une vente aux enchères consacrée à Morris

Par Charles-Louis Detournay le 19 décembre 2023                      Lien  
À l'occasion du centenaire de la naissance de Morris, se tient à la galerie Huberty & Breyne à Bruxelles, jusqu'au 27 janvier, une exceptionnelle exposition de cent de ses œuvres, principalement des planches et des couvertures d'un niveau que l'on pourrait qualifier de muséal. De plus dix pièces provenant des archives de la famille de l'auteur sont mis aux enchères aujourd'hui à 19h. On s'attend à des records, car les originaux de Morris sont quasiment inexistans sur le marché !

Depuis l’ouverture de cette exposition consacrée à l’œuvre de Morris, les échos sont unanimes, qu’il s’agisse de professionnels ou de simples lecteurs : le contenu proposé mérite largement le voyage jusqu’à Bruxelles. Surtout si l’on pense que la précédente exposition à Angoulême date déjà de 2016 et ne comprenait que des planches, la précédente ayant eu lieu au Centre Belge de la Bande Dessinée dans les années 1990.

Qu’est-ce qui explique la rareté de ces expositions ? TJusqu’ici, Morris comme sa famille étaient réticents. Mais là, la très vaste galerie Huberty-Breyne de Bruxelles réussit un joli coup en se transformant en espace muséal pendant deux mois, ne vendant aucune des cent pièces qui sont aux cimaises.

Exceptionnel : une vente aux enchères consacrée à Morris
La rencontre mythique entre Lucky Luke et les cousins Dalton

Cent ans, cent œuvres

Aussi simple qu’efficace, la scénographie reprend le déroulé chronologique des publications en albums de Lucky Luke. Les planches sont présentées en toute simplicité, mais elles se suffisent à elles-mêmes, captant l’attention du visiteur. On regrette de ne pas avoir les toutes premières planches de 1946, lorsque Charles Dupuis donnait sa chance à Morris, tout en sentant dans sa nuque le souffle de Raymond Leblanc et de son Journal Tintin.

On profite pourtant de pièces qui démarrent dès 1949 jusqu’au décès de Morris en 2001, ce qui permet de déceler facilement les influences de Walt Disney et d’Hergé dans ses travaux de jeunesse, avant que les sept années passées aux Etats-Unis et l’amitié avec les auteurs de Mad Magazine ne modifie en profondeur le style de l’auteur.

"Les rivaux de Painful Gulch" : deux planches mythiques de la série sont présentées en vis-à-vis

Les pièces présentées montrent l’impact important du travail de René Goscinny : on comprend surtout que les deux hommes ont eu longtemps l’occasion de se connaître et de s’apprécier avant de démarrer une réelle collaboration. Goscinny a su se fondre dans les éléments construits par Morris : le western avec cette touche humoristique, l’aspect authentique ainsi que les codes telle la case finale au soleil couchant, sans oublier la reprise des Dalton demandée par Morris lui-même.

Bien des éléments étonnants s’imposent au regard du visiteur au fur et à mesure que l’on parcourt les planches et les couvertures dans le sens chronologique : l’évolution graphique de Lucky Luke : la censure (ou la crainte de celle-ci) qui pèse sur la violence et la place des femmes ; la capacité de Morris à travailler rapidement, avec une étonnante facilité, presque sans retouche, tout en soignant à l’extrême sa lisibilité ; l’importance des couleurs lorsqu’il transforme le défaut des coloristes de Dupuis en point fort de la série ; sa capacité à innover, tant dans les mises en pages que dans les outils, etc.

On est également hypnotisé devant des couvertures qui n’ont rien perdu de leur pertinence ni de la force de leurs couleurs, chose étonnante pour des réalisations qui ont souvent plus de cinquante ans et preuve de leurs excellentes conditions de conservation. Et même lorsque quelques-unes des planches les plus anciennes ont subi parfois le poids des âges, comme les couvertures de Pat Poker ou de Sous le ciel de l’ouest, c’est pour mieux faire ressortir le talent de leur auteur.

Une demi-douzaine d’Art Strips sont proposés à la vente, des sublimations sur aluminium qui restituent certaines des plus pièces de l’expo.

Avec toutes ces pièces couleurs dont la plupart n’avaient jamais été montrées, s’installe un petit jeu entre le visiteur et Morris qui nous sourit malicieusement : comment s’y est-il pris pour réaliser la couverture de Chasseur de primes par exemple ? Sans doute l’agrandissement d’un crayonné découpé et reposé sur la pièce exposée ? C’est possible... Et que dire de l’illustration du quatrième de couverture de Dargaud, où l’on l’aperçoit les morceaux collés qui forment la célèbre palissade.

D’une œuvre à l’autre, on découvre autant sur Morris qu’on se souvient de nos propres lectures de ses albums. Des surprises qui continuent jusqu’à la fin de l’expo où sont présentées des planches inédites du dernier album de Lucky Luke réalisées par l’auteur : Lucky Luke contre Lucky Luke. Jusqu’au bout, Morris a été fasciné par la représentation de son personnage qu’il n’a jamais abandonné, et par la représentation de ses doubles.

Autre pièce muséale autour de laquelle on se cesse de s’enthousiasmer et de s’étonner.

Morris se transposait-il d’ailleurs dans son personnage ? Quelques réponses se nichent dans le catalogue de l’exposition. Outre les planches présentées, près d’une centaine d’auteurs et de personnalités ont livré leur opinion ou leurs souvenirs liés à Morris et son célèbre personnage.

Et bien entendu, nous ne pouvons que conseiller la lecture des recueils de la nouvelle intégrale de Dupuis, dont le tome 5 vient de paraître. Le dossier signé par Bertrand Pissavy-Yvernault continue à retracer le parcours presque mythique de Morris et Goscinny, dans les albums qui marquent un tournant décisif pour la série, lorsque le créateur de Lucky Luke décide de laisser carte blanche au scénariste pour se concentrer sur l’aspect graphique. Ils signèrent alors certains albums devenus des classiques indémodables pour des millions de lecteurs.

Une vente aux enchères

Ce soir est organisé la vente aux enchère de dix pièces, qui sont d’ailleurs également exposé dans la galerie. Alain Huberty, le directeur de la galerie, nous explique comment cette vacation s’est mise en place.

« La vente est le fruit d’un partenariat avec la famille de Morris, dans l’idée de garantir l’aspect économique des deux mois d’ouverture de cette exposition muséale. Nous avons choisi les pièces ensemble, afin qu’elles représentent au mieux le travail de Morris, sans toutefois qu’elles ne proviennent des albums. On retrouve pourtant de magnifiques travaux de Morris, comme ces gouaches réalisées pour le mensuel Lucky Luke et qui restituent tout le talent de l’auteur, ou encore cette case de Lucky Luke partant au soleil couchant. »

Case mise en vente lors de la vente aux enchères

Rajoutons pour les férus de Morris qu’un carnet composé de reproductions de dessins inédits et d’études est également proposé à la vente. Pour notre part, nous espérons que le succès de cette exposition permettra de ne plus attendre trop longtemps pour voir d’autres pièces sortir des archives de la famille.

Couverture du "Journal de Spirou" n° 1551 du 4 janvier 1968, également mise en vente.

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Exposition Morris : "100 ans, 100 œuvres"
Galerie Huberty & Breyne
33, place du Châtelain – 1050 Bruxelles
TEL : +32/2.893.90.30
Mail : contact@hubertybreyne.com
Galerie ouverte du mardi au samedi de 11h à 18h

Voir les catalogues, les Art Strips et le carnet de dessins inédits sur le store de la galerie

Lucky Luke ✏️ Morris Belgique
 
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