Il m’a volé ma vie - Par LF Bollée et Francesco Dibattista (d’après Morgane Seliman) - Glénat

Un soir en Île-de-France dans les années 2000 : Morgane accompagne Franck, son compagnon, dans les tribunes d’un stade de football. Si le football ne la passionne pas, elle vient pour ne pas décevoir Franck et, surtout, son neveu, qui est sur le terrain.

Autour du terrain traîne un homme, Yassine, bien connu des environs qui, même s’il a parfois un comportement étrange, ne semble pas bien méchant. Il a en tout cas une conviction : Morgane sera, un jour, la femme de sa vie. Et il se trouve que ça ne va pas fort en Franck et Morgane, qui finissent par se séparer.

Après quelques semaines, Yassine réussit son entreprise de séduction, et le nouveau couple se forme. Si les premières semaines sont roses, quelques éléments interrogent Morgane : pourquoi ses beaux-parents ont-ils l’air si rassurés de voir que leur fils va "arrêter ses bêtises" ? Elle le comprend très vite : remarques désobligeantes, violences contre des objets, surveillance, paranoïa puis des violences physiques. Chaque fois, elle lui trouve des excuses : le stress, ou le sentiment de ne pas être à la hauteur. L’arrivée d’un enfant ne change rien. Morgane doit trouver un moyen de s’échapper.

En France, chaque année, plus de 200 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles. Au moment où cette chronique est publiée, 95 féminicides depuis le début de cette année civile sont recensés ; dans les faits, ils sont probablement plus nombreux.

Cette ouvrage, issu du témoignage poignant de Morgane Seliman (XO édition, 2015), illustre des mécanismes désormais à l’agenda médiatique, à défaut de faire l’objet d’une prise en charge sérieuse par les pouvoirs publics : les mécanismes de violence, d’emprise, d’enfermement, que subissent de nombreuses femmes. Comment un jeune homme en apparence charmant se transforme-t-il en homme violent ? Était-il possible de voir des signes avant-coureurs ? Et comment se sortir d’une relation toxique ?

Le scénario de LF Bollée respecte l’œuvre initiale, en évitant l’écueil, dans un format condensé, de de ne pas faire ressentir l’installation graduelle de la violence. Le dessin, assez classique, de Francesco Dibattista, fait la part belle à des teintes bleutées qui traduisent une ambiance glaciale au sein du couple. Le rouge s’impose lors des scènes violentes.

Le récit peut être utilisé comme un manuel de prévention qui permet de repérer les "signaux faibles" de la spirale de la violence, avant qu’il ne soit trop tard. La couverture illustre fort bien cette nécessaire fuite. C’est détaillé de manière plus explicite en fin d’ouvrage. Une histoire touchante, qui laisse un sentiment désagréable tant on a l’impression que la Justice reste dans l’incapacité de protéger complètement les femmes battues de leur (ex-)compagnons violents.