C’est sous un beau soleil d’automne que les amateurs d’histoire se sont réunis à Blois ce week-end, pour assister à plus d’une centaine d’événements - conférences, projection, débats, expositions… - sur le thème du travail. Comme chaque année, la BD était bien présente sur tous les sites du festival.
Ce fut d’abord l’occasion de remettre le prix Château de Cheverny de la BD historique aux trois lauréats de cette année, Lisa Lugrin, Clément Xavier et Albertine Ralenti, pour leur album Jujitsuffragettes, paru chez Delcourt dans la collection Coup de Tête.
La remise du prix avait été précédée de l’inauguration, à la Maison de la BD, de l’exposition "Les Voyages en Égypte et en Nubie de Giambattista Belzoni", conçue par Mathilde Landry et l’équipe de BD Boum. L’occasion de pénétrer dans les coulisses de la réalisation de l’album de Nicole Augereau, Grégory Jarry et Lucie Castel, lauréats du Prix Cheverny 2020.
Outre les planches originales de Lucie Castel, les amateurs d’images anciennes se régaleront de celles, monumentales, de la Description de l’Égypte de Vivant Denon (1809), utilisées dans l’album.
Parmi les rencontres marquantes, le vendredi, Tristan Martine a reçu Jacques Ferrandez dans le salon de la préfecture de Loir-et-Cher. Un public nombreux est venu écouter le principal auteur de bande dessinée traitant de la guerre d’Algérie raconter la genèse et les enjeux de sa nouvelle série. En effet, après avoir publié chez Casterman de 1986 à 1995 Carnets d’Orient, un cycle de cinq albums présentant l’Algérie française de 1830 à 1954, puis de 2002 à 2009 Carnets d’Algérie, cinq autres volumes couvrant la période 1954 à 1962, Jacques Ferrandez vient de publier le premier tome, magnifique, de Suites algériennes, consacré à l’histoire algérienne de 1962 à 2019.
Samedi, une table ronde réunissait les trois lauréats du prix Cheverny en compagnie de membres de l’équipe rédactionnelle de l’histoire des villes des éditions Petit-à-Petit, pour parler réalisme historique, liberté narrative et engagement. Olivier Petit a pu expliquer la philosophie de la collection tandis que François Comte et Julien Mocca ont analysé leur travail commun sur Angers en BD.
La discussion a permis de souligner à nouveau l’importance du travail des coloristes dans la BD historique, à travers le passionnant éclairage d’Albertine Ralenti sur son travail pour Jujitsuffragettes.
L’après-midi, Alex W. Inker a présenté son dernier album, Fourmies la Rouge, chronique d’une journée de manifestation, le 1er mai 1891, qui se termine dans le sang. Ce fut l’occasion d’évoquer les nombreuses sources d’inspiration graphique de l’auteur, notamment les dessins de Jules Grandjouan et de Bernard Naudin sur la grève parus en mai 1905 dans l’hebdomadaire illustré L’Assiette au Beurre.
Dimanche matin, au Café littéraire du salon du livre, Guy Delisle est revenu sur la genèse de ses Chroniques de jeunesse, évocation drôle et nostalgique de trois étés de travail dans l’usine de pâte et papier de Québec dans les années 1980. Ce fut notamment l’occasion de parler de la mise en scène des environnements sonores dans la BD, mais aussi des origines d’une passion pour le dessin et de la découverte de la BD franco-belge des années 1970 par un jeune Québécois.
Dimanche après-midi eut lieu à la Maison de la magie le Quizz de l’Histoire dessinée de la France. Aventure collective et créative dirigée par Sylvain Venayre, l’Histoire dessinée de la France réunit depuis 2017, à l’initiative des éditions La Découverte et de la Revue dessinée, des historiennes, des historiens, des dessinateurs et des dessinatrices. À l’occasion de ce quizz, ceux-ci ont été mis en scène, sous la forme d’un jeu interactif et ludique. Chaque dessinateur ou historien présent a eu quelques minutes pour commenter une case de son album, à partir de questions loufoques posées par Sylvain Venayre. Cela permit de bien souligner les différents enjeux de cette collection qui entend déconstruire les clichés et les lieux communs sur l’histoire de France, en jouant la carte de l’humour et en assumant les limites du savoir historique sur bien des points.
Les festivaliers ont pu profiter du très beau stand BD installé dans le Salon du Livre, où les auteurs se sont relayés pendant trois jours pour signer leurs albums et échanger avec le public.
Outre Les Voyages de Belzoni à la Maison de la BD, les festivaliers ont pu visiter plusieurs autres expositions BD à travers la ville : Croke Park, autour de l’album de Sylvain Gâche et Richard Guérineau (Delcourt), au Centre de la Résistance et de la Déportation, La Folle Histoire de la mondialisation (Les Arènes BD) dans les jardins de l’évêché, et Les Damnés de la Commune de Raphaël Meyssan (Delcourt) à l’Hôtel de Ville.
Le prochain thème des Rendez-Vous de l’Histoire a été annoncé dimanche soir : en 2022, on parlera de la Mer, source d’inspiration inépuisable pour les artistes, dont, forcément, les bédéastes !
(par Paul CHOPELIN)
(par Tristan MARTINE)
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