Dans les environs d’une petite bourgade, une nouvelle antenne-relais est en construction. Est-il indispensable de dresser en pleine nature cette énième structure aux ondes douteuses ? Les pouvoirs publics comme les entreprises privées semblent d’accord pour estimer que le projet doit être mené à bien. Mais celui-ci ne se déroule pas comme prévu, ralenti par d’étranges décès survenus aux abords du chantier.
L’interrogation dure peu : il s’agit bien de meurtres. En effet, à chaque découverte d’un nouveaux corps, une pierre parallélépipédique est retrouvée à proximité. Ce signe, qui relie les affaires entre elles, demeure mystérieux. Que signifie-t-il ? Pourquoi le ou les tueurs le posent-il ainsi en évidence ? Et quels sont les liens entre ces morts et la construction de l’antenne-relais ? Les gendarmes du coin ont bien du mal à suivre une piste, mais l’une d’entre eux, Loreleï Soares, s’empare de l’enquête avec ténacité.
D’abord rationnelles et mesurées, ses recherches prennent un tour beaucoup moins commun lorsqu’elle découvre que les meurtres ne sont peut-être pas commis par un tueur en série ni par un groupe d’opposants à l’antenne-relais. Il va lui falloir remettre en question sa vision du monde, s’immerger dans la nature et affronter des forces insoupçonnées pour résoudre le mystère et parvenir à un équilibre qu’elle sera la seule à entrevoir.
Thomas Gosselin au scénario et Isao Moutte au dessin proposent avec La Trêve, chérie - un titre dont la portée est révélée par la fin de l’ouvrage - un polar ancré dans le présent, aux problématiques à la fois très actuelles mais mises dans une perspective longue et qui remettent l’homme à sa place, à savoir celle d’élément parmi d’autres d’un environnement où tout équilibre est fragile.
L’écriture de Thomas Gosselin, centrée sur le point de vue de Loreleï Soares, se permet quelques écarts inattendus dans un polar. Il donne une certaine profondeur à son personnage principal, assez ambigu et en évolution. Son récit ménage quelques surprises et met à mal la rationalité du lecteur tout en conservant une cohérence qui sert son propos. Le choix de sortir du strict réalisme - voici un polar sur la nature qui n’est pas naturaliste - permet d’élargir la réflexion et de poser des questions qu’un récit plus terre à terre aurait laissées de côté.
Le trait d’Isao Moutte, fin et vibrant, renforce la tension de l’histoire. S’il se fait relativement simple mais suffisamment expressif pour caractériser les personnages, il est beaucoup plus touffu lorsqu’il met en images la nature. La végétation est rendue avec une belle densité, la rocaille accroche le regard et les animaux acquièrent une vie presque plus intense que celle des hommes.
L’homme et la nature peuvent-ils cohabiter ? Sans doute, suggèrent les auteurs, mais pas de la manière dont nous pouvons l’imaginer... Une réponse originale, pour une bande dessinée qui n’est l’est pas moins.
(par Frédéric HOJLO)
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La Trêve, chérie - Par Thomas Gosselin (scénario) & Isao Moutte (dessin) - L’employé du Moi - 19 x 25 cm - 88 pages en noir & blanc - couverture cartonnée - parution le 8 février 2019.
Consulter le site de Thomas Gosselin & lire un entretien sur du9.org (par Voitachewski, décembre 2018 - février 2019).
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