Albums

La septième fonction du langage – Xavier Bétaucourt, Olivier Perret et Paul Bona (d’après Laurent Binet) - Steinkis

Par Damien Boone le 13 décembre 2022                      Lien  
Mais qui a tué Roland Barthes ? Le 25 février 1980, à la sortie d’un déjeuner avec François Mitterrand, le philosophe et sémiologue est renversé par une camionnette. Emmené à la Pitié-Salpétrière, Barthes reprend conscience et reçoit la visite d’un commissaire de police, Bayard, auquel il semble ne pas vouloir répondre. A-t-il quelque chose à cacher ? Quelques jours plus tard, Barthes succombe. Le commissaire Bayard mène l’enquête, persuadé qu’il s’agit d’un assassinat.

Mais quel serait le mobile ? Barthes aurait découvert la fameuse « septième fonction du langage » (après les six autres théorisées par le structuraliste Roman Jakobson). Cette fonction, extraordinaire, permettrait à quiconque la détient de convaincre qui que ce soit de faire n’importe quoi dans n’importe quelle situation. On comprend alors la convoitise qu’elle suscite : celui ou celle qui en aurait la connaissance et la maîtrise serait potentiellement le maître du monde. Barthes a-t-il laissé quelque trace ou document qui permettrait d’en savoir davantage ?

La septième fonction du langage – Xavier Bétaucourt, Olivier Perret et Paul Bona (d'après Laurent Binet) - Steinkis

Bayard est obstiné, mais son esprit l’empêche assez rapidement de dénouer les fils de cette intrigue, qui nécessite de se familiariser à la sémiologie. Il réquisitionne alors un jeune doctorant de la fac de Vincennes, Simon Hertzog, pour lui prêter main-forte et lui faire appréhender les subtilités du langage. Cet attelage improbable s’apprivoise progressivement et part en quête de qui pourrait s’emparer de cette arme de manipulation massive.

L’adaptation du roman de Laurent Binet, paru en 2015, est réussie en ce sens qu’elle est fidèle à l’œuvre originelle, respectant son intrigue rocambolesque, son arrière-plan historique (la victoire de François Mitterrand en 1981), ses personnages plus ou moins hauts en couleurs, dans leur propre rôle (Sollers, Derrida, BHL, Eco, Lang, Foucault… les traits de certains d’entre eux sont bluffants de ressemblance), son regard ironique sur le monde universitaire et les intellectuels, ses scènes parfois invraisemblables (orgies très élitistes) ou encore ses nombreux rebondissements, de Paris à Venise en passant par Naples et les Etats-Unis. Mais on trouve aussi la complexité des débats sémiologiques sur le langage et ses fonctions, et c’est franchement parfois difficile à suivre, à se demander même si certaines joutes verbales ne sont pas une manière de moquer la préciosité et la prétention de certains personnages.

Plus spécifiquement, sur le support choisi ici, le scénariste, Xavier Bétaucourt, et l’un des dessinateurs, Olivier Perret, ont en partie contourné les difficultés d’adaptation en se mettant eux-mêmes en scène dans des discussions relatives à l’intrigue, ou pour faire quelques sauts narratifs. Cela renforce la dimension décalée du récit, qui semble se parodier lui-même, et offre une bonne illustration que les faits peuvent advenir par leur simple énonciation, pour peu qu’on soit dans la bonne position. En cela, c’est un beau clin d’œil à l’un des fils rouges du récit, même si cela peut aussi renforcer une forme de confusion.

(par Damien Boone)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782368464144

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Damien Boone  
A LIRE AUSSI  
Albums  
Derniers commentaires  
Agenda BD  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD