En 2006, Ankama publie le premier tome de Mutafukaz par Run, un OVNI dans l’univers de la BD franco-belge. Un pari doublement risqué pour Tot, le directeur d’Ankama, qui se lance dans l’édition de titres sortant de l’univers de référence Dofus.
Mutafukaz rencontre le succès que l’on sait (le long-métrage est sorti en 2018 en même temps que l’intégrale des cinq tomes) et Run devient ensuite le directeur du Label 619, une collection dédiée à l’innovation narrative et graphique, qui débusque rapidement de nouveaux talents.
Le Label permet à Run de lancer sa série collective Doggybags, où plusieurs auteurs croisent leurs dessins et leurs scénarios dans un même univers. Parmi les auteurs phares, on retrouve Florent Maudoux (créateur de son propre univers Freak’s Squeele), Mathieu Bablet (Shangri-La, Adrastée), Guillaume Singelin (the Grocery, P.T.S.D. [1]). Ces trois auteurs collaborent aussi à la série Midnight Tales (troisième tome à paraître le 24 mai).
Avec ses auteurs travaillant en collaboration et partageant les mêmes références, le Label 619 a toujours possédé son identité propre au sein d’Ankama, très distincte des autres productions du groupe. Un peu à part, donc, mais aussi assez libre. On peut se demander ce qui a motivé le départ du Label de la structure sécurisante qu’était la maison Ankama.
Nous avons contacté à ce sujet Mathieu Bablet :
Comment est venue la décision de rendre le Label619 indépendant ?
Run éprouvait le besoin de se consacrer davantage à son travail d’auteur (NDLR : un Doggybags Saison 2 serait en préparation) et de lâcher du lest vis-à-vis de l’édition et de la fonction de directeur de collection. Dans le même temps, Tot (le directeur d’Ankama) souhaitait de nouveau s’investir personnellement dans la partie édition, cela a donc été une décision bilatérale avec Ankama.
Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête du projet avec Run, Florent Maudoux et Guillaume Singelin ?
Florent Maudoux, Guillaume Singelin et moi-même étions impliqués depuis un moment dans le côté éditorial du Label. Du reste, c’était même une envie de notre part de nous investir davantage dans cette facette du métier. Et puis cela fait dix à treize ans que l’on travaille ensemble tous les quatre. Une confiance durable s’est installée, c’était donc assez logique que Run nous propose cette aventure commune.
Aurez-vous chacun un rôle particulier ?
Nous avons décidé que nous aurions un fonctionnement horizontal, toutes les décisions seront prises collégialement. Là où avant il n’y avait qu’un seul directeur de collection au Label 619, nous nous retrouvons maintenant à quatre directeurs de collections pour le Label, où chacun parraine de futurs projets BD, avec la possibilité de faire bouger la ligne éditoriale selon ses propres sensibilités, mais dans la continuité de ce qui a été construit.
Il s’agit d’un studio de création, pas d’une maison d’édition. Quelle est la différence ? Quels sont vos projets à court terme et à long terme ?
Cela nous déleste de la partie maquette, fabrication et distribution, que nous confierons au soin de la maison d’édition. La décision est bien bilatérale. Nous n’aurions pas pu prendre seuls cette décision, Ankama étant propriétaire des droits de toutes nos œuvres éditées, il était l’éditeur et le décisionnaire. Ce n’est pas pour ça que l’on ne travaille plus avec Ankama. Les prochains Midnight Tales et Funérailles sont bien prévus chez eux par exemple. Ils restent notre partenaire privilégié.
De ce fait, nous pouvons nous concentrer sur la partie créative. Pour la suite, nous allons, en plus de continuer nos projets respectifs, dénicher de nouveaux auteurs, ouvrir une boutique en ligne afin de développer la partie produits dérivés de nos univers, et réfléchir à de la création dans les sphères du jeu vidéo ou de l’audiovisuel.
En s’entourant d’auteurs talentueux et fidèles et entraînant avec eux une base solide de fans, Run et sa bande possèdent toutes les clés pour faire du Label 619 un succès, tout en prenant le risque d’étendre leur création à d’autres domaines. C’est la fin d’une époque et le début d’une belle aventure. Reste à savoir ce qu’en pense Ankama, qui n’a pas commenté l’événement et qui se mord peut-être les doigts de voir lui échapper le prestigieux Label.
(par Lise LAMARCHE)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
[1] la chronique de P.T.S.D. paraîtra bientôt sur notre site
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